Les maladies inflammatoires systémiques telles que le psoriasis sont associées à un risque élevé de comorbidité. Outre les maladies cardiométaboliques, les troubles mentaux sont particulièrement fréquents dans cette population de patients. Dans le cadre de l’étude à long terme SDNTT(Swiss Dermatology Network for Targeted Therapies), des données sont notamment collectées sur la prévalence et l’évolution des troubles psychiques comorbides. De nouvelles analyses ont montré qu’un traitement systémique efficace était associé à une réduction de la détresse psychologique, les meilleurs résultats étant obtenus sous traitement biologique.
Une grande étude multicentrique européenne a montré que les patients adultes atteints de maladies cutanées telles que le psoriasis, la dermatite atopique et l’eczéma des mains souffrent souvent de comorbidités psychologiques [1]. Par rapport à la population générale, les adultes atteints de psoriasis présentent un risque trois fois plus élevé de troubles anxieux et de dépression. Le taux de prévalence mondial estimé est de 21-30%, ces deux troubles étant sous-diagnostiqués chez les patients atteints de psoriasis [1–4]. Le registre SDNTT (Swiss Dermatology Network for Targeted Therapies) est une cohorte du monde réel à l’échelle de la Suisse dont l’objectif général est de générer des données valides sur l’efficacité et la sécurité des traitements systémiques chez les patients atteints de psoriasis et d’arthrite psoriasique (PsA) [7]. Sont inclus les patients adultes atteints de psoriasis qui commencent un nouveau traitement systémique ; la période de suivi est de 20 ans. Des données sur les comorbidités et la qualité de vie des patients sont également collectées. Dans ce contexte, les chercheurs ont examiné les questions suivantes [8] :
- Quelle est la prévalence des troubles anxieux et dépressifs (Hospital Anxiety and Depression Scale, HADS) [5] dans le cadre du monde réel ?
- Quels sont les prédicteurs de l’anxiété et de la dépression identifiables par l’HADS ?
- Quels sont les effets du traitement systémique du psoriasis sur les troubles psychologiques (sous-échelle Patient Benefit Index, PBI-Psych) [6] ?
Les données de 542 patients atteints de psoriasis enregistrés entre mars 2017 et avril 2024 ont été incluses dans une analyse présentée lors du congrès de la SGDV de cette année. 40% étaient des femmes et l’âge moyen à la ligne de base était de 43,7 [SD 14,7] ans (tableau 1). Le PASI moyen à la ligne de base était de 9,1 et le DLQI moyen de 12,1. Dans 70% des cas, le traitement systémique nouvellement initié consistait en un traitement biologique, 27% recevaient des traitements systémiques conventionnels et 3% de l’aprémilast. Une proportion de 49% de tous les participants avait déjà reçu un traitement systémique par le passé. Les prédicteurs de l’HADS à la ligne de base ont été évalués à l’aide d’une régression linéaire multivariable et de corrélations longitudinales avec la sous-échelle “réduction des troubles psychologiques” du Patient Benefit Index (PBI-psych), en utilisant un modèle linéaire multivarié à effets mixtes (ligne de base versus données de suivi agrégées). Sur 436 patients ayant rempli le questionnaire HADS à la ligne de base, 6% présentaient un trouble anxieux ou dépressif diagnostiqué cliniquement, tandis que 63% (intervalle de confiance à 95% [KI], 58-68%) ont été évalués comme présentant probablement l’un ou l’autre de ces troubles, et 44% (39-49%) comme étant très probablement présents. Chez 92% des patients susceptibles de présenter un trouble anxieux ou une dépression d’après l’HADS, aucun diagnostic clinique n’a été posé.
Bénéfices pour les patients plus élevés sous traitement biologique que sous traitement systémique conventionnel
Une régression linéaire multiple a été réalisée pour évaluer la force et la direction de l’association entre les paramètres mesurés par le PASI et le HADS. Il s’est avéré que l’anxiété et la dépression étaient associées à des scores PASI (Psoriasis Area and Severity Index) plus élevés, à des douleurs liées au PsA, ainsi qu’à des démangeaisons, une peau sèche, douloureuse et brûlante. De plus, des scores DLQI plus élevés prédisaient des niveaux plus élevés de troubles anxieux et de dépression. Le Patient Benefit Index (PBI) a été utilisé pour évaluer le bénéfice du traitement dermatologique pour le patient. Le PBI se compose de deux questionnaires auto-explicatifs, l’un à remplir par le patient avant et l’autre après le traitement [9]. Le premier questionnaire, le Patient Needs Questionnaire (PNQ), permet aux patients d’évaluer l’importance qu’ils accordent aux objectifs thérapeutiques énumérés. Le second questionnaire, le Patient Benefit Questionnaire (PBQ), permet aux patients d’évaluer la réalisation des objectifs thérapeutiques pendant ou après le traitement. Les résultats du PNQ et du PBQ permettent de calculer un score de bénéfice global, qui peut prendre les valeurs de 0 (aucun bénéfice) à 4 (bénéfice maximal possible). Si le PBI est ≥1, il est considéré comme un bénéfice patient pertinent [10]. La version standard du PBI (PBI-S) contient 25 items et peut être utilisée pour toutes les maladies de peau, y compris le psoriasis. La sous-échelle “réduction de l’impact psychologique” se compose des items suivants [11]:
- d’être moins abattu,
- de gagner en joie de vivre,
- pouvoir mener une vie quotidienne normale,
- …d’être plus performant au quotidien,
- …de pouvoir pratiquer des activités de loisirs normales.
Dans la présente analyse, 80% des patients ont obtenu un PBI-psych ≥1 après 12 mois de traitement systémique du psoriasis, ce qui était associé à des améliorations du PASI (bêta= -1,3 pour 10 points ; p<0,001) et du DLQI (bêta= -0,8 pour 10 points ; p<0,001). La réduction de la détresse psychologique était plus importante chez les patients recevant un traitement biologique par rapport au traitement systémique conventionnel (bêta=0,60 ; p=0,004). Parmi les patients traités par des médicaments biologiques, 31% ont reçu des anticorps antiinterleukine (IL)-23 (Ak), 24% des anti-IL-17-Ak et 4% des anti-IL-12/23-Ak.
Aujourd’hui, les troubles psychologiques des patients atteints de psoriasis ne sont plus uniquement considérés comme une conséquence des lésions cutanées stigmatisantes, mais les processus inflammatoires systémiques sont considérés comme une composante centrale d’un ensemble d’interactions bidirectionnelles. Plusieurs études montrent que non seulement les patients souffrant d’un psoriasis sévère, mais aussi ceux souffrant de formes plus légères peuvent souffrir de comorbidités psychologiques importantes [12–14].
En résumé, la réduction des processus inflammatoires systémiques est une cible thérapeutique importante non seulement pour l’amélioration des symptômes cutanés, mais aussi pour la réduction des comorbidités psychologiques, ce qui a été confirmé dans la cohorte SDNTT étudiée [8,12].
Littérature :
- Dalgard FJ, et al : The psychological burden of skin diseases : a cross-sectional multicenter study among dermatological out-patients in 13 European countries. J Invest Dermatol 2015 ; 135(4) : 984-991.
- Liu L, et al. : Épidémiologie de la comorbidité de santé mentale chez les patients atteints de psoriasis : une analyse des tendances de 1986 à 2019. Psychiatry Res 2023 Mar ; 321:115078
- Jia YJ, et al : Prévalence de l’anxiété, de la dépression, des problèmes de sommeil, de l’incapacité cognitive et des idées suicidaires chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes de la peau. J Psychiatr Res 2024 ; 176 : 311-324.
- Dalgard FJ, et al : Dermatologists across Europe underestimate depression and anxiety : results from 3635 dermatological consultations. Br J Dermatol 2018 ; 179(2) : 464-470.
- Zigmond AS, Snaith RP. L’échelle d’anxiété et de dépression hospitalière. Acta Psychiatr Scand 1983 ; 67(6) : 361-370.
- Blome C, et al : Dimensions of patient needs in dermatology : subscales of the patient benefit index. Arch Dermatol Res 2011 ; 303(1) : 11-17.
- SDNTT (Swiss Dermatology Network for Targeted Therapies), www.sdntt.ch/de,(dernier accès 15.11.2024).
- Schön V, et al:Comorbid mental disorders in psoriasis patients and the effect of systemic therapy for psoriasis : a real-world nationwide cohort study of the Swiss psoriasis registry (SDNTT). Poster, Congrès annuel de la SSMD, Bâle, 18-20.09.2024.
- Augustin M, et al : Patient benefit index (PBI) – a novel approach in patient-defined outcomes measurement for skin diseases. Archives of Dermatological Research 2009, 301(8) : 561-571.
- Schäfer I, et al : L’évaluation quantitative des bénéfices du point de vue des patients – le Patient Benefit Index (PBI). Congrès Médecine et Société 2007, Doc07gmds676.
- Blome C, et al : Dimensions of Patient Needs in Dermatology : Subscales of the Patient Benefit Index. Arch Dermatol Res 2011 : 303(1) : 11-17.
- Hölsken S, Krefting F, Schedlowski M, Sondermann W : Fondements communs du psoriasis et de la dépression. Acta Derm Venereol 2021 Nov 30 ; 101(11):adv00609. doi : 10.2340/actadv.v101.565.
- Kleyn CE, et al : Psoriasis and mental health workshop report : exploring the links between psychosocial factors, psoriasis, neuroinflammation and cardiovascular disease risk. Acta Derm Venereol 2020 ; 100 : adv00020.
- Patel N, et al : Psoriasis, dépression, et chevauchement inflammatoire : une revue. Am J Clin Dermatol 2017 ; 18 : 613-620.
HAUSARZT PRAXIS 2024 ; 19(12) : 56-57 (publié le 12.12.24, ahead of print)
DERMATOLOGIE PRAXIS 2024 : 34(6) : 32-33