La mort subite d’origine cardiaque (MSC) est l’une des principales causes de décès dans le monde et touche particulièrement les patients qui ont survécu à un infarctus du myocarde (IDM). Malgré des progrès considérables dans les soins médicaux, la prédiction et la prévention de la MSC restent l’un des plus grands défis de la pratique de la cardiologie. Les recherches actuelles montrent que les indicateurs traditionnels tels que la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) ne sont souvent pas suffisants pour identifier de manière fiable les patients à haut risque ou exclure les patients à faible risque. Une analyse approfondie des cohortes PROFID, qui comprennent plus de 140 000 patients, a examiné cette problématique de plus près et fournit de nouvelles informations qui suggèrent une réévaluation fondamentale des stratégies actuelles.
(red) L’HTP représente environ 20 % des décès dans le monde et touche souvent des patients ayant des antécédents d’IM. Il résulte généralement d’arythmies ventriculaires potentiellement mortelles, telles que la fibrillation ventriculaire ou la tachycardie ventriculaire. Le défibrillateur cardioverteur implantable (DAI) est considéré comme l’étalon-or en matière de prévention, car il est capable de détecter et de traiter ces arythmies à un stade précoce. Cependant, la décision d’implantation est traditionnellement basée sur la FEVG, qui est utilisée depuis des décennies comme principal critère de risque d’HTP.
Malgré cette pratique bien établie, les données actuelles montrent que la FEVG seule est souvent insuffisante. Alors qu’elle constitue une ligne directrice utile pour certains patients dont la FEVG est fortement réduite (<35%), une proportion importante de cas d’HTP chez des patients dont la FEVG est modérément réduite ou préservée n’est pas diagnostiquée. Parallèlement, de nombreux DAI sont implantés chez des patients dont la FEVG est ≤35% et qui n’auront finalement jamais besoin d’un traitement par DAI. Cela souligne la nécessité d’améliorer la stratification des risques afin d’optimiser à la fois la sécurité des patients et l’efficacité des ressources médicales.
Objectif de l’analyse PROFID
L’objectif de l’analyse PROFID était d’améliorer la précision de la prédiction de l’HTP après l’IM et de développer de meilleurs critères pour l’implantation du DAI. L’accent a été mis sur deux questions centrales :
- Identification des patients à faible risque : Est-il possible d’identifier les patients dont la FEVG est très limitée et qui n’ont pas besoin de DAI parce que leur risque d’HTP est faible ?
- Identification des patients à haut risque : Peut-on identifier les patients dont la FEVG est modérément réduite ou préservée et qui bénéficieraient d’un traitement par DAI ciblé ?
Pour ce faire, les données individuelles des patients de 20 cohortes internationales ont été rassemblées et analysées. L’analyse a fait appel à différents modèles prédictifs, dont des modèles paramétriques flexibles de survie et des modèles de recherche aléatoire, afin de maximiser la précision des prédictions.
Méthodologie
L’analyse a porté sur les données de 140 204 patients, qui ont été répartis en trois groupes principaux selon un IM :
- Patients porteurs de DAI : Patients ayant une FEVG ≤35% et ayant reçu une implantation de DAI en prévention primaire.
- Patients non-ICD avec FEVG ≤35%.
- Patients non-ICD avec FEVG >35%.
La performance prédictive de la FEVG et d’autres paramètres a été examinée en ce qui concerne le risque d’HTP et la fréquence des traitements par DAI (chez les patients atteints de DAI). Les données relatives aux caractéristiques cliniques, aux biomarqueurs, aux paramètres échocardiographiques et, dans certains cas, à l’IRM cardiaque ont été évaluées.
Critères d’évaluation primaires
Les critères d’évaluation primaires étaient
- Mort subite d’origine cardiaque (chez les patients non porteurs d’un DAI) : Définie selon la classification de Hinkle-Thaler.
- Traitement DAI approprié (pour les patients DAI) : Mesuré en termes de stimulation antitachycardique ou de choc délivré par le DAI.
Analyse statistique
La performance prédictive a été vérifiée par une validation croisée interne et externe systématique. Les statistiques C (comme mesure de la capacité de discrimination) et le calibrage des modèles ont été calculés afin d’évaluer la précision de la prédiction.
Résultats
1. performance prédictive limitée de la FEVG
La FEVG s’est révélée être un faible prédicteur du risque d’HTP, qu’elle soit fortement limitée, modérément réduite ou préservée. La statistique C pour la FEVG était proche de 0,50 dans tous les groupes, ce qui indique un faible pouvoir discriminant :
- Patients ICD : 0,50 (intervalle de confiance à 95% : 0,49-0,51).
- Patients non-ICD avec FEVG ≤35% : 0,53.
- Patients non-ICD avec FEVG >35% : 0,56.
2. les paramètres supplémentaires n’ont pas amélioré la prédiction
L’intégration d’autres paramètres tels que les caractéristiques cliniques, les biomarqueurs ou les données électrocardiographiques n’a pas permis d’améliorer significativement la précision prédictive. L’analyse des données IRM, y compris les tissus cicatriciels et les zones grises, n’a pas non plus montré de valeur ajoutée significative.
3. faibles taux d’événements chez les patients dont la FEVG est préservée
Chez les patients ayant une FEVG > 35 %, le risque d’HTP était globalement très faible, de sorte que l’identification des patients à haut risque dans ce groupe reste difficile. Dans le même temps, les taux de traitement par DAI étaient considérablement plus élevés chez les patients dont la FEVG était ≤35 %, ce qui suggère une possible surestimation du risque dans ce groupe.
Limites de la pratique actuelle
Les résultats de l’analyse PROFID mettent en évidence les faiblesses de la pratique actuelle, qui s’appuie fortement sur la FEVG. Bien que la FEVG soit un marqueur éprouvé de la fonction cardiaque globale, elle ne reflète pas les mécanismes spécifiques qui conduisent à l’HTP. L’incapacité de la FEVG à faire la distinction entre l’HTP et les morts non subites est particulièrement problématique.
Les défis de la stratification des risques
La mort subite d’origine cardiaque est le résultat d’une interaction complexe de plusieurs facteurs dynamiques qu’il est difficile d’appréhender par des mesures uniques. De plus, les variations dans la classification des causes de décès et l’hétérogénéité des cohortes étudiées rendent difficile la généralisation des résultats.
Perspectives d’avenir
Les résultats de l’analyse PROFID ont des implications importantes pour la pratique de la cardiologie :
- Réévaluation des critères de DAI : L’implantation systématique d’un DAI chez les patients présentant une FEVG ≤35% devrait être remise en question de manière critique compte tenu de la baisse des taux d’HTP et de l’amélioration des thérapies médicamenteuses.
- Focalisation sur de nouveaux biomarqueurs : les recherches futures devraient se concentrer sur des modèles dynamiques et multivariés capables de mieux représenter les mécanismes complexes du PHT.
- Prévention personnalisée : des technologies innovantes telles que l’intelligence artificielle et le big data pourraient aider à déterminer plus précisément les profils de risque individuels et à optimiser la prévention.
- Analyse coût-efficacité : compte tenu du coût élevé et des complications potentielles des MCI, il est nécessaire de se concentrer davantage sur l’efficacité de l’utilisation des ressources.
Conclusion
L’analyse PROFID montre que la FEVG seule ne constitue pas une base suffisante pour la stratification du risque après un infarctus du myocarde. Ni la FEVG ni les paramètres supplémentaires n’ont pu atteindre une précision prédictive satisfaisante. Ces résultats soulignent le besoin urgent de développer de nouvelles approches pour la stratification du risque et la prévention de la mort subite d’origine cardiaque. Les stratégies futures devraient être basées sur des modèles multidimensionnels intégrant des données cliniques, génétiques et biométriques afin de fournir des soins plus précis et personnalisés.
Source :
- Peek N, Hindricks G, Akbarov A, et al : Sudden cardiac death after myocardial infarction : individual participant data from pooled cohorts. Eur Heart J 2024 Nov 14 ; 45(43) : 4616-4626. doi : 10.1093/eurheartj/ehae326. PMID : 39378245 ; PMCID : PMC11560274.
CARDIOVASC 2024 ; 23(4) : 28-29