Dans le cas des leucémies aiguës, la transplantation de cellules souches hématopoïétiques allogéniques (TCSH) est une option thérapeutique largement répandue qui offre des perspectives de guérison. Une raison importante de la morbidité et de la mortalité tardives de la TCSH est la maladie chronique du greffon contre l’hôte, une réaction cytotoxique des cellules immunitaires implantées contre l’organisme hôte. Une nouvelle étude randomisée menée dans l’environnement de l’hôpital universitaire de Hambourg-Eppendorf montre que le risque de greffon contre l’hôte peut être réduit de manière significative par une immunoglobuline anti-lymphocytes T humains (ATG) pendant la phase de conditionnement.
Dans l’étude prospective multicentrique de phase III, 161 patients atteints de leucémie aiguë ont été randomisés soit dans le groupe avec ATG, soit dans celui sans ATG en préparation à la transplantation. L’immunoglobuline ATG faisait partie du traitement myéloablatif de préparation à la transplantation de cellules souches. La dose d’immunoglobuline était de 10 mg/kg de poids corporel pendant trois jours. Une greffe de cellules souches allogéniques a ensuite été réalisée à partir du sang périphérique d’un frère ou d’une sœur HLA identique.
Le sang périphérique, source de cellules souches, est considéré comme un facteur de risque de maladie chronique du greffon contre l’hôte, tout comme les cellules souches transplantées avec un nombre élevé de cellules T et l’apparition d’une réaction aiguë du greffon contre l’hôte. Des méta-analyses ont montré une incidence de 47% de la forme chronique extensive chez les frères et sœurs HLA identiques après une transplantation de cellules souches du sang périphérique [1].
Moins de cas de greffon contre l’hôte avec une bonne tolérance
Dans cette étude, l’incidence de la maladie chronique du greffon contre l’hôte était significativement plus faible dans le groupe ATG à 24 mois, soit 32,2% au lieu de 68,7% avec le régime standard (p<0,001). Dans les formes cliniques prononcées, la différence de pourcentage était particulièrement nette, avec 44,8% (7,6% vs 52,4%). Les réactions aiguës du greffon contre l’hôte de grade 2, 3 ou 4 étaient aussi fréquentes (10,8% vs 18,1%, p=0,13).
La crainte qu’il y ait plus d’infections et de récidives avec l’ATG ne s’est pas confirmée : les deux groupes ont présenté des taux comparables. On pensait qu’avec la réduction des cellules T par l’ATG, l’effet souhaité de la leucémie du greffon contre l’hôte était perdu et que les rechutes augmentaient (des études antérieures in vivo et ex vivo l’avaient suggéré). Contrairement à cette théorie, 59,4% des patients du bras ATG et 64,6% du bras standard vivaient sans récidive à deux ans (p=0,21). Dans l’ensemble, la survie était de 74,1% et 77,9% (p=0,46). Pour le critère d’évaluation composite “survie à 2 ans sans maladie chronique du greffon contre l’hôte et sans récidive”, le groupe ATG était significativement supérieur au groupe témoin (36,6% vs 16,8%, p=0,005).
Les complications liées à une infection ont été observées chez 57,8% et 54,2% des patients (p=0,65). Aucune autre différence n’a été constatée en ce qui concerne les effets secondaires associés au traitement. Au bout d’un an, 91% vs 39% avaient cessé de prendre l’immunosuppresseur ciclosporine.
Conclusion positive
Alors que des progrès ont été réalisés dans la prévention des réactions aiguës du greffon contre l’hôte au cours des deux dernières décennies, la situation était moins prometteuse pour la forme chronique. Seule l’ATG a permis de réduire l’incidence des maladies chroniques du greffon contre l’hôte dans plusieurs études randomisées [2,3] (après une TCS à partir d’un donneur non apparenté et rétrospectivement après une transplantation de sang périphérique à partir de donneurs HLA identiques apparentés) [4,5].
La présente étude randomisée confirme l’utilité de l’ajout d’ATG au conditionnement. L’ATG réduit l’incidence du greffon contre l’hôte sans augmenter significativement le taux de récidive. Cependant, les différences non significatives dans le taux de rechute ne doivent pas être mal interprétées comme une équivalence entre les deux bras de traitement, précisent les auteurs. De plus, comme l’étude s’est terminée après deux ans et qu’aucune période de suivi plus longue n’a été ajoutée, il n’est pas possible de se prononcer sur l’effet sur la survie à long terme.
Source : Kröger N, et al : Antilymphocyte Globulin for Prevention of Chronic Graft-versus-Host Disease. N Engl J Med 2016 ; 374 : 43-53.
Littérature :
- Stem Cell Trialists’ Collaborative Group : Cellules souches du sang périphérique allogéniques comparées à la transplantation de moelle osseuse dans la gestion des tumeurs hématologiques : une méta-analyse des données individuelles des patients de neuf essais randomisés. J Clin Oncol 2005 ; 23 : 5074-5087.
- Finke J, et al : Standard graft-versus-host disease prophylaxis with or without anti-T-cell globulin in haematopoietic cell transplantation from matched unrelated donors : a randomised, open-label, multicentre phase 3 trial. Lancet Oncol 2009 Sep ; 10(9) : 855-864.
- Bacigalupo A, et al : Antithymocyte globulin for graft-versus-host disease prophylaxis in transplants from unrelated donors : 2 randomized studies from Gruppo Italiano Trapianti Midollo Osseo (GITMO). Blood 2001 Nov 15 ; 98(10) : 2942-2947.
- Wolschke C, et al : Prévention efficace de la GVHD en utilisant la déplétion des cellules T in vivo avec de la globuline anti-lymphocyte dans les transplantations de cellules souches du sang périphérique HLA-identiques ou mésappariées. Bone Marrow Transplant 2014 Jan ; 49(1) : 126-130.
- Bonifazi F, et al : Intensification de la prophylaxie de la GVHD avec de l’ATG-F à faible dose avant une transplantation allogénique de PBSC à partir de sœurs HLA-identiques chez des patients adultes atteints de tumeurs hématologiques malignes : résultats d’une analyse rétrospective. Bone Marrow Transplant 2012 Aug ; 47(8) : 1105-1111.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2016 ; 4(2) : 3