L’incidence et la prévalence de l’insuffisance cardiaque chronique sont positivement corrélées à l’âge, et il existe d’autres facteurs de risque, tels que l’obésité, le diabète ou l’hypertension. Outre le traitement des maladies sous-jacentes existantes, le dépistage précoce de l’insuffisance cardiaque est un facteur important. Il existe aujourd’hui un large éventail de mesures d’intervention. Outre la thérapie médicamenteuse avec les “quatre fantastiques”, les dispositifs et les facteurs de style de vie font partie des autres piliers du traitement.
Le Dr Matthias Paul, responsable de l’insuffisance cardiaque et de la cardiologie hospitalière à l’hôpital cantonal de Lucerne, a donné un aperçu actuel de la prévention primaire, secondaire et tertiaire de l’insuffisance cardiaque [1]. Contrairement à l’insuffisance cardiaque aiguë, dans laquelle le cœur cesse soudainement de pomper suffisamment de sang dans le corps (par exemple après un infarctus du myocarde), l’insuffisance cardiaque chronique se développe sur une plus longue période. Elle peut passer inaperçue au début. Toutefois, si la performance du cœur continue à diminuer, des symptômes perceptibles apparaissent tôt ou tard. L’insuffisance cardiaque chronique survient principalement chez les personnes âgées. Alors que la prévalence est inférieure à 1% chez les moins de 55 ans, l’insuffisance cardiaque touche une personne sur dix chez les plus de 70 ans [2].
En cas de suspicion d’insuffisance cardiaque, déterminer le NTproBNP
L’insuffisance cardiaque chronique est un syndrome clinique qui peut avoir différentes causes. Des analyses multivariées ont montré que le diabète, l’hypertension, la fibrillation auriculaire, les maladies coronariennes et un mode de vie sédentaire sont des facteurs de risque indépendants de l’insuffisance cardiaque [2]. Les autres facteurs de risque sont le surpoids important (obésité), le tabagisme et la consommation d’alcool. “Nous pouvons faire beaucoup en améliorant la prévention”, a souligné le Dr Paul [1]. En ce qui concerne les facteurs liés au mode de vie, l’activité physique régulière est un facteur important, a souligné l’orateur. Concrètement, il est recommandé d’intégrer chaque semaine 150-300 min d’exercice d’intensité moyenne (64-76% HRmax) ou 75-150 min d’exercice d’intensité élevée (77-95% HRmax) dans la vie quotidienne [1]. Un point important est également de détecter l’insuffisance cardiaque à un stade précoce, avant que les patients ne soient symptomatiques, a expliqué le conférencier, ajoutant que “le moyen le plus simple de le détecter est d’observer une augmentation des peptides natriurétiques” [1]. Il est donc recommandé de doser régulièrement le NTproBNP chez les patients présentant plusieurs facteurs de risque (par exemple, les personnes de plus de 60 ans souffrant de maladies sous-jacentes prédisposantes). Si le NT-proBNP est ≤125 pg/ml, une insuffisance cardiaque peut être exclue avec presque certitude, a expliqué l’orateur.
Demander activement les signes éventuels d’insuffisance cardiaque
Les signes et symptômes classiques de l’insuffisance cardiaque chronique sont bien connus (tableau 1). L’expérience montre qu’il est important de demander activement aux patients s’ils ont souffert d’une baisse de performance ou d’autres symptômes qui pourraient éventuellement indiquer une insuffisance cardiaque. Les patients attribuent souvent ces phénomènes au processus naturel de vieillissement. L’un des groupes de patients pour lesquels il faut penser à l’insuffisance cardiaque est celui des personnes atteintes de BPCO, a indiqué le Dr Paul [1]. Parfois, les épisodes d’insuffisance cardiaque aiguë sont mal interprétés comme des exacerbations de BPCO, a expliqué le conférencier [1].
La ligne directrice de la Société européenne de cardiologie (ESC), publiée en 2021, est toujours d’actualité, même si une mise à jour a été publiée l’année dernière sur certains points [3,4]. Les critères diagnostiques sont restés en grande partie les mêmes (tableau 2). Contrairement à l’HFrEF et à l’HFmrEF, l’HFpEF est plus difficile à diagnostiquer, selon le Dr Paul [1]. Il faut prouver, par échocardiographie ou autre, qu’il existe des changements structurels et/ou fonctionnels associés à un dysfonctionnement diastolique et à une augmentation des peptides natriurétiques. Le score H2FPEF permet de calculer la probabilité de présence d’une HFpEF chez les patients souffrant d’une dyspnée d’effort d’origine indéterminée à l’aide de six paramètres disponibles en routine, dont quatre paramètres cliniques et deux paramètres échocardiographiques [5].
Exploiter les possibilités de traitement multimodal
Le Dr Paul souligne que différentes mesures peuvent être prises pour lutter contre l’insuffisance cardiaque [1]. Outre les médicaments et les dispositifs/thérapie interventionnelle, les mesures de style de vie jouent un rôle non négligeable. “Ce que l’on oublie souvent un peu, c’est la réadaptation”, explique le conférencier, qui ajoute : “L’exercice physique aide aussi les patients âgés souffrant d’insuffisance cardiaque” [1]. De nos jours, les cliniques, par exemple, proposent également des programmes de rééducation en ambulatoire. En ce qui concerne le traitement médicamenteux, une thérapie combinée avec les ” quatre fantastiques ” est désormais considérée comme l’option de traitement la plus efficace, indépendamment de la fraction d’éjection. Cela signifie concrètement l’utilisation dans un premier temps d’un bêtabloquant et d’un inhibiteur du SGLT-2, dans un deuxième temps d’un inhibiteur de l’ECA ou d’un inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine à la néprilysine (ARNI) et dans un troisième temps d’un antagoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARM). Il est désormais admis que cette quadruple combinaison doit être initiée le plus rapidement possible, car les bénéfices apparaissent dès les 30 premiers jours de traitement. Il est recommandé d’augmenter la dose jusqu’à la dose maximale tolérée, a expliqué l’orateur [1]. Que faire si les patients présentent une hypotension ? C’est souvent le cas, en particulier chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque avancée, a expliqué le Dr Paul. Si l’hypotension n’est pas symptomatique, il n’est pas nécessaire de modifier le traitement de l’insuffisance cardiaque [1]. Si une pression artérielle trop basse est constatée sans symptômes, il recommande de répéter d’abord la mesure et, si nécessaire, d’effectuer une mesure sur 24 heures [1]. Pour les patients qui présentent une pression artérielle basse et des symptômes associés, il est possible de passer à d’autres médicaments qui ne sont pas indispensables et qui ont un effet antihypertenseur, explique-t-il. “Si la pression artérielle reste basse et que des symptômes sont toujours présents, la première étape consiste à réduire les diurétiques”, a conseillé le Dr Paul [1]. Ce n’est qu’ensuite que l’on adapte les autres médicaments ; d’abord en divisant la dose par deux et, si possible, en conservant les quatre. Chez les patients HFrEF, le conférencier recommande de passer d’un IEC à une combinaison fixe de sacubitril/valsartan [1]. Il est important de respecter une pause de 36 heures entre les deux, sinon il y a un risque d’œdème de Quincke. L’expérience montre que la plupart des patients atteints d’HFrEF présentent nettement moins de symptômes et une meilleure qualité de vie sous l’association fixe sacubitril/valsartan, a indiqué le Dr Paul. Des études ont également montré que les patients vivent plus longtemps et meurent moins souvent d’une mort cardiaque subite [1]. Les résultats de la grande étude multicentrique randomisée et contrôlée PARADIGM-HF [8] ont été décisifs dans ce contexte.
Littérature :
- McMurray JJ, et al.: PARADIGM-HF Investigators and Committees. Angiotensin-neprilysin inhibition versus enalapril in heart failure. N Engl J Med 2014; 371(11): 993–1004.
- «Chronische Herzinsuffizienz: Prävention, Früherkennung und Behandlung», Dr. med. Matthias Paul, SGAIM Frühjahrskongress, 29.–31.05.2024.
- Ruiz-García A, et al.: Heart Failure Prevalence Rates and Its Association with Other Cardiovascular Diseases and Chronic Kidney Disease: SIMETAP-HF Study. J Clin Med 2023 Jul 26; 12(15): 4924.
- McDonagh TA, et al.: 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J 2021; 42: 3599–3726.
- McDonagh TA, et al.: ESC Scientific Document Group. 2023 Focused Update of the 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J 2023; 44(37): 3627–3639.
- Reddy YNV, et al.: A Simple, Evidence-Based Approach to Help Guide Diagnosis of Heart Failure With Preserved Ejection Fraction. Circulation 2018; 138(9): 861–870.
- Formiga F, et al.: Diagnosis of heart failure with preserved ejection fraction: a systematic narrative review of the evidence. Heart Fail Rev 2024; 29(1): 179–189.
- ESC Pocket Guidelines, https://leitlinien.dgk.org,(dernière consultation 19.06.2024).
HAUSARZT PRAXIS 2024 ; 19(7) : 26–27 (publié le 22.7.24, ahead of print)
CARDIOVASC 2024 ; 23(2) : 18–20