Pour le diagnostic différentiel de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), l’une des formes les plus courantes de pneumonies interstitielles idiopathiques, un diagnostic histologique est parfois nécessaire. Dans le cas où un diagnostic histologique invasif est nécessaire, plusieurs options sont disponibles.
Pour le diagnostic différentiel de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI), l’une des formes les plus courantes de pneumonies interstitielles idiopathiques, un diagnostic histologique est parfois nécessaire. Elle est réalisée conformément aux directives en cas de résultats radiologiques incertains. Dans le cas où un diagnostic histologique invasif est nécessaire, plusieurs options sont disponibles. Pour le diagnostic cytologique, un lavage bronchiolo-alvéolaire propre doit être effectué, ce qui permet de clarifier d’autres maladies interstitielles pulmonaires telles que l’alvéolite allergique exogène (EAA ou cHP), la sarcoïdose ou la granulomatose à cellules de Langerhans (LCG), ce qui est généralement très utile pour confirmer une FPI. Une biopsie transbronchique à la pince n’est pas suffisante pour le diagnostic différentiel d’une fibrose pulmonaire idiopathique, mais elle peut contribuer au diagnostic différentiel. Un échantillon plus important du parenchyme pulmonaire alvéolaire est nécessaire pour le diagnostic de la FPI. Jusqu’à présent, la norme était la biopsie pulmonaire chirurgicale (biopsie pulmonaire ouverte/thoracoscopique/biopsie VATS), qui permettait d’obtenir un matériel suffisamment représentatif.
Que disent les guidelines ?
Selon les lignes directrices américaines/européennes (ERS/ATS Consensus) publiées en 2018 pour le diagnostic de la fibrose pulmonaire idiopathique [1], une tomodensitométrie à haute résolution (HRCT) doit être réalisée en premier lieu en cas de suspicion de fibrose pulmonaire idiopathique. Celle-ci est ensuite évaluée en fonction de critères radiologiques définis pour l’évaluation des fibroses pulmonaires. Les modèles radiologiques sont ainsi différenciés en UIP définitives, possibles, interminables et sans UIP. Si un modèle UIP/IPF certain est identifiable, il n’est pas nécessaire de procéder à un autre diagnostic invasif. Une cytologie (LBA) et un diagnostic histologique sont souvent nécessaires pour évaluer plus avant les éventuels modèles indéterminés ou les diagnostics alternatifs. Celle-ci est réalisée après une réunion multidisciplinaire (ILD-Board) sous forme de cryobiopsie transbronchique périphérique (TBCB) ou de biopsie pulmonaire chirurgicale sous thoracoscopie (biopsie VATS) (Fig. 1). En particulier, pour le diagnostic différentiel d’une alvéolite chronique exogène-allergique, les recommandations européennes préconisent au moins la réalisation d’un LBA [2].
Caractéristiques histologiques et exigences en cas de fibrose pulmonaire
Les sociétés de pathologie ont également élaboré des lignes directrices sur l’interprétation des biopsies pulmonaires et l’évaluation de la fibrose pulmonaire idiopathique. En combinaison avec les critères radiologiques et la réalisation d’une biopsie, un tableau croisé permet de présenter la certitude du diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique. La figure 2 montre une image histologique typique d’une fibrose pulmonaire idiopathique de type UIP.
Comparaison des méthodes
Jusqu’à présent, la biopsie pulmonaire chirurgicale était considérée comme l’étalon-or pour le prélèvement d’échantillons histologiques. La biopsie pulmonaire chirurgicale présente un potentiel de morbidité important ainsi qu’un taux accru d’exacerbations de la fibrose pulmonaire idiopathique. Dans plusieurs études, la cryobiopsie transbronchique a prouvé qu’elle permettait d’obtenir jusqu’à 95% de rendement diagnostique [3].
Une étape importante concernant le positionnement de la cryobiopsie transbronchique a été l’étude clinique COLDICE, publiée en 2019 et très bien menée [4]. Dans ce cadre, une biopsie pulmonaire chirurgicale et une cryobiopsie transbronchique ont été comparées chez le même patient, et la qualité diagnostique ultérieure a été évaluée en intégrant un conseil de discussion multidisciplinaire (conseil ILD, fig. 4). La concordance histopathologique était supérieure à 70%. Lors d’une réunion multidisciplinaire supplémentaire, la sensibilité a pu être augmentée à près de 80%. La biopsie pulmonaire chirurgicale a apporté un léger gain de sécurité diagnostique, mais avec une mobilité et une mortalité considérablement accrues. Dans l’algorithme publié dans l’étude COLDICE, la cryobiopsie transbronchique est recommandée en premier lieu. Ce n’est que si les résultats ne sont pas clairs qu’une biopsie pulmonaire chirurgicale peut être effectuée en complément. La pertinence clinique des informations supplémentaires obtenues doit toutefois être évaluée lors d’une discussion préalable afin de déterminer si le risque de l’intervention chirurgicale est acceptable en cas de faible bénéfice diagnostique supplémentaire.
Les patients atteints de DPLD sans diagnostic certain malgré le laboratoire, la clinique et l’HRCT devraient avoir une TBCB plutôt qu’une SLB (dans un centre expérimenté).
Un motif UIP typique en HRCT est généralement suffisant pour le diagnostic et l’IC contre le SLB. La TBCB peut néanmoins être réalisée s’il est nécessaire de procéder à une sauvegarde histologique supplémentaire.
Les patients atteints de pneumopathie interstitielle aiguë ou subaiguë avec possibilité d’ex-IPF bénéficient d’une TBCB.
Mise en œuvre du TBCB
Sélection des patients : la cryobiopsie transbronchique peut être réalisée de manière assez sûre chez les patients éligibles. Pour optimiser les risques, il est nécessaire de bien préparer le patient et de peser les avantages et les inconvénients d’un diagnostic invasif. Les conditions préalables concernent la gravité de la limitation respiratoire du patient (trouble de la diffusion, hypertension artérielle pulmonaire) et la certitude du diagnostic sur des images radiologiques déjà réalisées. Les contre-indications sont énumérées dans le tableau 1. Un TLC <50%, un trouble de la diffusion <35% de la valeur théorique et un trouble de l’oxygénation constituent des contre-indications relatives et doivent être pris en compte lors de la planification d’un diagnostic invasif.
Conditions structurelles requises : La réalisation d’une cryobiopsie transbronchique requiert une équipe de bronchoscopie bien formée et disposant d’une grande expérience en matière de bronchoscopie interventionnelle. Ceux-ci devraient être limités à des centres expérimentés. Les études menées par Hetzel J. et al. (Z) doivent être respectées.
Pour une exécution sûre et pour maîtriser les complications, une gestion claire des hémorragies graves est nécessaire, tout comme la gestion des pneumothorax.
- Patient intubé sous sédation/anesthésie profonde
- Bronchoscopie rigide préférée, la jet-ventilation n’est pas obligatoire (avantages pour les interventions ultérieures)
- Les bloqueurs endobronchiques doivent être utilisés à titre prophylactique
- Contrôle fluoroscopique toujours !
- Pneumologues interventionnels expérimentés dans l’hémostase, le traitement de la PTX et l’Expertcentre ( !)
- Disponibilité totale pour l’anesthésie, mesures d’urgence (gestion des hémorragies massives et des pneumothorax), disponibilité de l’USI
- Registre prospectif de documentation de la morbidité et de la mortalité.
Réalisation : Pour réaliser une cryobiopsie transbronchique (TBCB), nous disposons des mêmes appareils que pour la cryo-absorption et la cryothérapie. Les sondes réutilisables sont fabriquées dans des tailles de 1,9 et 2,4 mm respectivement. Les appareils les plus récents sont dotés de sondes à usage unique, qui sont depuis peu disponibles en diamètre 1,2 mm. Cela permet de pénétrer plus facilement dans les voies respiratoires périphériques.
La localisation de la TBCB doit se faire dans une zone du poumon périphérique à une distance d’environ 1-2 cm de la plèvre. Ceci doit être contrôlé par fluoroscopie. Les biopsies trop centrales augmentent considérablement le risque d’hémorragie, car de gros vaisseaux artériels bronchiques ou pulmonaires situés plus au centre peuvent être lésés. La fréquence du pneumothorax augmente avec la proximité de la biopsie avec la plèvre.
Avant de réaliser la biopsie, il est nécessaire de mettre en place un broncho-bloqueur, qui sera utilisé pour gérer immédiatement le saignement en cas de survenue d’un saignement plus grave. Il existe des ballons démontables pouvant être appliqués à travers le canal de travail du bronchoscope. En cas d’intubation flexible ou à l’aide d’un bronchoscope rigide, un bloqueur de bronches peut également être positionné à côté du bronchoscope ou dans un canal de travail du tube flexible (attention au diamètre) à droite ou à gauche dans le système bronchique. Après contrôle du fonctionnement du ballon, une cryobiopsie peut être réalisée dans le même lobe. Immédiatement après la réalisation de la biopsie, un blocage immédiat du ballon est nécessaire (idéalement un blocage lobaire). Cela permet de traiter les saignements incontrôlés pendant que l’échantillon congelé du poumon périphérique est décongelé.
L’échantillon prélevé doit être décongelé très délicatement et mis à la disposition des pathologistes dans un état intact. (Handle with care !). En principe, la qualité de l’échantillon obtenu par une TBCB est très élevée pour le pathologiste. La taille moyenne est comprise entre 6 et 10 mm (fig. 3).
Après avoir dégonflé le ballonnet et vérifié qu’il n’y a pas de saignement actif du poumon périphérique, une nouvelle biopsie peut être effectuée. En cas de saignement, le ballonnet peut être immédiatement regonflé et bloqué pendant quelques minutes. Il est essentiel d’éviter toute dislocation du ballonnet pendant la procédure. Il est recommandé de réaliser 3 à 4 biopsies, celles-ci devant provenir de deux segments différents du poumon (Fig. 5) [6]. En cas de suspicion de fibrose pulmonaire idiopathique, les pathologistes recommandent de prélever 2 à 3 biopsies du lobe concerné et une biopsie du lobe supérieur de même côté (comme pour la biopsie chirurgicale étagée), car la fibrose pulmonaire idiopathique en particulier présente une pathomorphologie histologique très hétérogène.
Localisation de la TBCB
Avant d’effectuer une cryobiopsie transbronchique, il convient d’étudier en détail la tomodensitométrie. Les zones avec des rayons de miel doivent être évaluées à côté des zones d’opacité en verre dépoli. La biopsie des rayons de miel montre un taux accru d’apparition de pneumothorax. Et une conclusion histopathologique moindre. De même, les zones présentant une circulation sanguine plus importante, une obstruction associée aux vaisseaux ainsi que des bronchectasies et des bronchioloectasies peuvent être prises en compte. De même, il faut tenir compte de la distance par rapport aux fissures interlobaires, et pas seulement par rapport à la paroi thoracique, afin d’éviter les pneumothorax. La localisation ciblée des zones de biopsie doit être discutée avec le radiologue et le pathologiste avant la réalisation de la biopsie, le cas échéant au sein du conseil d’administration de l’ILD.
Sélection des sites de biopsie
Les facteurs suivants sont déterminants pour le choix du site de biopsie d’une TBCB :
1. qualité des modifications pathologiques dans le scanner : pour un bon diagnostic histopathologique, il faut obtenir un matériel représentatif de la pathologie présente Les biopsies des zones en verre dépoli, des consolidations et des zones présentant des modifications micronodulaires doivent être localisées au préalable, les zones en rayon de miel visibles radiologiquement sont généralement peu significatives pour le pathologiste (Fig. 6). Les biopsies de zones qui semblent saines sur le plan morphologique au scanner sont également importantes pour le diagnostic par étapes et la répartition de la pathologie (accent mis sur l’UL).
2. les zones présentant un risque accru de complications en TDM
- Aires avec bronchectasies (hémorragie et pneumothorax),
- Modifications bulleuses (pneumothorax),
- Septa interlobaires (pneumothorax)
- Dilatation des artères pulmonaires et des veines pulmonaires ectasiques (hémorragie)
- Distance à la plèvre inférieure à 0,5 cm, idéalement au moins 1 cm
- La proximité de bronchectasies et les biopsies trop centrales augmentent le risque de saignement
- Nid d’abeille (pneumothorax)
De même que le lieu de la biopsie doit être discuté avec le chirurgien thoracique avant l’opération, la tomodensitométrie doit être évaluée avant une biopsie bronchoscopique.
Le conseil d’administration de l’ILD permet de localiser à l’avance, avec le radiologue et le pathologiste, les zones où l’on peut s’attendre au meilleur résultat diagnostique. Cela a augmenté la sensibilité de l’examen.
Taux de complications
Les principales complications de la cryobiopsie transbronchique sont la survenue d’hémorragies graves et de pneumothorax. Les études publiées à ce jour font état d’un taux de pneumothorax compris entre 1 et 30%, les études de consensus et une méta-analyse estimant que le taux de pneumothorax est d’environ 9 à 10%. Dans l’étude COLDICE, le taux d’hémorragies pulmonaires légères à modérées était de 22%. La mortalité (90 jours) a été de 1,5% en raison du déclenchement d’une exacerbation aiguë de la fibrose pulmonaire idiopathique. Les hémorragies pulmonaires graves sont influencées de manière décisive par la localisation du saignement et la prise en charge du patient.
Les médicaments qui affectent la coagulation, tels que les antiplaquettaires, les anticoagulants et l’acide acétylsalicylique, doivent être interrompus pendant une période appropriée (idéalement une semaine). Les anticoagulants oraux directs (DOAK) doivent être interrompus au moins 48 heures avant la réalisation d’une cryobiopsie transbronchique. Le taux d’hémorragie pulmonaire publié à ce jour est également d’environ 12% [7]. Des saignements légers se produisent presque toujours. Les hémorragies de gravité moyenne et à effet hémodynamique sont devenues plus rares lorsque les directives de mise en œuvre sont respectées. En cas de survenue d’une hémorragie modérée à sévère, des soins intensifs, l’administration de transfusions sanguines et la prise en charge d’une insuffisance respiratoire et/ou hémodynamique doivent être assurés à tout moment.
Gestion du pneumothorax
La prise en charge d’un pneumothorax post-interventionnel est similaire à celle d’interventions comparables telles qu’une biopsie transbronchique à la pince ou une ponction pulmonaire transthoracique guidée par scanner ou échographie. En principe, sauf en cas de survenue d’un hématothorax, les drains de petite taille sont préférables [8].
Résumé
La cryobiopsie transbronchique a fait ses preuves dans le diagnostic des pneumopathies interstitielles diffuses. Les résultats en termes de qualité du diagnostic sont comparables à ceux de la chirurgie. Cependant, cette méthode présente un potentiel de morbidité nettement plus faible. Dans le cadre de l’évaluation de routine, cette méthode s’est déjà imposée dans de nombreux centres. La réalisation d’une cryobiopsie transbronchique requiert des centres de bronchologie et des examinateurs expérimentés et ne doit être effectuée que si les soins intensifs du patient et la gestion des hémorragies pulmonaires graves et des pneumothorax sont assurés.
Messages Take-Home
- La cryobiopsie transbronchique est une alternative peu invasive à la biopsie pulmonaire chirurgicale dans le diagnostic des pneumopathies interstitielles diffuses. Le rendement diagnostique d’une TBCB est comparable.
- La TBC doit être réalisée par une équipe de bronchoscopie expérimentée, en suivant les recommandations, et il s’agit alors d’une option diagnostique sûre.
- La maîtrise des hémorragies pulmonaires et des pneumothorax est nécessaire, car ce sont les complications les plus fréquentes.
- Le diagnostic des pneumopathies interstitielles et des fibroses pulmonaires nécessite une biopsie des poumons lorsque l’imagerie par scanner est incertaine.
Littérature :
- Raghu G, Remy-Jardin M, Myers JL, et al : An Official ATS/ERS/JRS/ALAT Clinical Practice Guideline. Am J Respir Crit Care Med 2018 Sep 1 ; 198(5) : e44-e68.
- Behr J, et al : S2K-Leitlinie zur Diagnostik und Therapie der idiopathischen Lungenfibrose. Pneumologie 2013 ; 67 : 81-111.
- Iftikhar IH, Alghothani L, Sardi A, et al. : Cryobiopsie pulmonaire transbronchique et biopsie pulmonaire thoracoscopique assistée par vidéo dans le diagnostic de la maladie pulmonaire parenchymateuse diffuse. Une méta-analyse de la précision du test de diagnostic. Ann Am Thorac Soc 2017 Jul ; 14(7) : 1197-1211.
- Troy LK, Grainge C, Corte TJ et al. Précision diagnostique de la cryobiopsie pulmonaire transbronchique pour le diagnostic de la maladie pulmonaire interstitielle (COLDICE) : une étude prospective et comparative. Lancet Respir Med 2020 Feb ; 8(2) : 171-181 ; doi : 10.1016/S2213-2600(19)30342-X. Epub 2019 Sep 29.
- Hetzel J, Maldonado F, Ravaglia C, et al : Cryobiopsies transbronchiques pour le diagnostic des maladies pulmonaires parenchymateuses diffuses : Déclaration d’expert du groupe de travail sur la cryobiopsie sur la sécurité et l’utilité et un appel à la standardisation de la procédure. Respiration 2018 ; 95(3) : 188-200 ; doi : 10.1159/000484055. Epub 2018 Jan 9.
- Ravaglia C, Wells AU, Tomassetti S, et al : Cryobiopsie pulmonaire transbronchique dans les maladies pulmonaires parenchymateuses diffuses : Comparaison entre la biopsie d’un segment et la biopsie de deux segments – rendement diagnostique et complications. Respiration 2017 ; 93(4) : 285-292.
- Ravaglia C, Bonifazi M, Wells AU, et al : Safety and Diagnostic Yield of Transbronchial Lung Cryobiopsy in Diffuse Parenchymal Lung Diseases : A Comparative Study versus Video-Assisted Thoracoscopic Lung Biopsy and a Systematic Review of the Literature. Respiration 2016 ; 91(3) : 215-227.
- Ligne directrice S3 : Diagnostic et traitement du pneumothorax spontané et du pneumothorax post-interventionnel, version 1.1 du 05.03.2018.
InFo PNEUMOLOGIE & ALLERGOLOGIE 2020 ; 2(1) : 15-19