La fibrillation auriculaire est le trouble du rythme cardiaque persistant le plus fréquent et est associée à une mortalité et une morbidité nettement plus élevées. Il est donc nécessaire de prendre des mesures diagnostiques et thérapeutiques en temps utile. Les directives actuelles de l’ESC recommandent de contrôler régulièrement le pouls des patients présentant les facteurs de risque correspondants et d’engager des investigations supplémentaires si nécessaire. Le traitement comprend des mesures médicamenteuses, interventionnelles et liées au mode de vie, et il est important de prendre en compte les éventuelles comorbidités.
Les patients atteints de fibrillation auriculaire (FAV) sont plus souvent hospitalisés que la population générale appariée en fonction de l’âge et du sexe [1]. La mortalité est multipliée par 1,5 chez les hommes et par 1,9 chez les femmes [2]. Environ 20 à 30% des patients atteints de FHV développent une insuffisance cardiaque et 16 à 20% une dépression. En outre, 20 à 30% de tous les AVC ischémiques sont associés à une FHV [1,2]. La symptomatologie clinique dépend de la durée de la FVC et de la fréquence ventriculaire, ainsi que de la perception individuelle [3]. En fonction de la fréquence transmise aux ventricules, des palpitations et la perception d’une action cardiaque irrégulière peuvent survenir, surtout en cas de tachycardie. Certains patients souffrent également de douleurs dans la région thoracique. Des symptômes végétatifs tels que des vertiges ou des sueurs et des nausées sont possibles. A l’auscultation et à la palpation du pouls, on remarque éventuellement, outre l’arythmie, un déficit de pouls. Selon le degré de gravité, l’intolérance à l’effort, la fatigue et la dyspnée se manifestent. Cependant, environ un tiers des personnes touchées par la FHV ne présentent aucun symptôme notable ou gênant [4].
L’ECG de repos révèle des anomalies typiques du rythme sinusal normal (Fig. 1). Il s’agit notamment d’une arythmie absolue et d’ondes P absentes ou polymorphes avec un intervalle PP très court (<200 ms) [1]. Dans le cas d’une FVC de type crise, il peut arriver que l’ECG indique un rythme normal au moment de la mesure. Dans ces cas, il peut être utile de réaliser des ECG de longue durée (télémétrie, Holter ECG) en plus de l’ECG de repos à 12 dérivations [1,4]. Pour cela, un épisode doit durer >30 secondes [1,2]. Si plusieurs jours s’écoulent entre les épisodes de fibrillation auriculaire, il est aujourd’hui possible d’utiliser d’autres méthodes de détection de la FVH en plus des méthodes d’examen traditionnelles : Les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs (“implantable cardioverter defibrillator”) enregistrent les troubles du rythme dans l’oreillette via l’électrode auriculaire. Les enregistreurs d’événements implantés enregistrent en continu un ECG monocanal et peuvent détecter et enregistrer les troubles du rythme à l’aide d’un algorithme. Les montres intelligentes et les smartphones peuvent enregistrer un photopléthysmogramme ou un ECG monocanal et détecter d’éventuels épisodes de FHV [1,2]. |
Identifier et dépister la population à risque
Les directives de la Société européenne de cardiologie (ESC) recommandent un dépistage opportuniste comme mesure de détection précoce de la FVC [2] : Si un patient est suspecté de fibrillation auriculaire en raison de son âge avancé ou de certaines maladies associées, son pouls doit être contrôlé régulièrement. Si le pouls s’avère anormalement élevé ou irrégulier, il y a une indication pour un électrocardiogramme (ECG) [4]. Le risque de FVH augmente en particulier en cas de maladies concomitantes avec une charge hémodynamique ou mécanique de l’oreillette [3]. Pour un diagnostic sûr et sans équivoque de la FHV, il est nécessaire de disposer d’un enregistrement ECG facilement exploitable (encadré).
Facteurs de risque fréquents pour la FHV
Les facteurs de risque et les comorbidités les plus courants de la FHV comprennent l’hypertension artérielle, le diabète sucré, l’obésité et l’apnée du sommeil [1,6]. Les lignes directrices actuelles de l’ESC recommandent de toujours les inclure dans l’évaluation et le traitement [2]. Il en va de même pour l’asthme bronchique et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) [1].
- Hypertension artérielle : il s’agit du facteur de risque le plus fréquent, présent chez 49 à 90% des patients atteints de FHV [2,7]. Le risque de survenue d’une FHV est 1,7 fois plus élevé chez les personnes souffrant d’hypertension artérielle [2]. Pour choisir les antihypertenseurs et les objectifs du traitement, on peut se référer aux recommandations de l’ESC sur l’hypertension artérielle [8].
- le diabète sucré (types 1 et 2) : Plus il existe de complications microvasculaires – ce qui est surtout le cas lorsque le diabète dure depuis longtemps et que le contrôle de la glycémie est insuffisant – plus la probabilité de survenue d’une FHV est élevée. Un contrôle glycémique suffisant un an avant l’intervention permet d’améliorer le taux de réussite du contrôle du rythme par ablation [2,9].
- Obésité : en présence d’une obésité (indice de masse corporelle, IMC ≥30 kg/m2), le risque de développer une FHV est multiplié par 1,5 [10]. Plus l’IMC augmente, plus le risque d’apparition et de persistance de la fibrillation auriculaire augmente [10]. Une réduction de poids d’au moins 10% et un IMC cible ≤27kg/m2 [10] peuvent réduire la charge de la FHV. Pour y parvenir, outre les changements alimentaires et l’exercice, l’utilisation d’un agoniste du glucagon-like peptide-1 (GLP1) comme le liraglutide ou la chirurgie bariatrique s’est avérée utile [9,11,12].
- Syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) : La présence d’un SAOS – présent chez environ la moitié des patients atteints de FHV – augmente le risque d’événements cardiovasculaires et diminue la probabilité d’un contrôle efficace du rythme [2,13]. Jusqu’à présent, on ne sait pas si un traitement par “pression positive continue” (CPAP) réduit le risque de récidive après une isolation des veines pulmonaires [2,9].
- Asthme bronchique : les asthmatiques ont un risque 1,5 fois plus élevé d’avoir une FHV. Les personnes souffrant d’asthme non contrôlé sont les plus à risque, c’est pourquoi un traitement efficace de l’asthme doit être recherché [14].
- Bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) : environ 23% des patients atteints de FHV avec ont une BPCO. Chez les personnes concernées, le taux de réussite de l’électrocardioversion et de l’ablation est plus faible. Actuellement, on ne sait pas si le traitement de la BPCO a un effet positif sur la FHV [15].
Insuffisance cardiaque et FHV : qui bénéficie d’une ablation ?
La fibrillation auriculaire et l’insuffisance cardiaque sont souvent associées – on estime qu’un tiers des patients souffrant d’insuffisance cardiaque développent une FVC et que les patients atteints de FVC ont un risque fortement accru de développer une insuffisance cardiaque au cours de leur vie [2,16]. Les patients atteints d’une FHV qui développent une insuffisance cardiaque ont un risque de mortalité multiplié par trois, tandis que les patients atteints d’une insuffisance cardiaque suivie d’une FHV ont un risque de mortalité multiplié par deux. Des chercheurs ont développé le score ANTWERP pour prédire la réponse à l’ablation chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection réduite (FEVG<50%). Le score est basé sur quatre paramètres :
- Largeur QRS >120 ms (2 points)
- Étiologie de l’insuffisance cardiaque (2 points)
- fibrillation auriculaire paroxystique (1 point)
- Dilatation auriculaire marquée (1 point)
Le score total varie de 0 à 6, un score plus faible prédisant de meilleures perspectives de récupération de la FEVG après ablation. Dans l’étude ANTWOORD, la validation externe du score ANTWERP a été effectuée dans une grande cohorte européenne. Les chercheurs ont identifié rétrospectivement des patients souffrant d’insuffisance cardiaque, de FEVG limitée et de fibrillation auriculaire, qui ont subi une procédure d’ablation dans huit centres européens. Il s’est avéré que le score ANTWERP permettait de prédire une amélioration de la FEVG après ablation, avec une aire sous la courbe (AUC) de 0,86 (IC à 95% : 0,82-0,89 ; p<0,001) [18]. Pour les scores totaux de 0, 1, 2, 3, 4 et 5-6, les taux de réponse respectifs étaient de 94%, 92%, 82%, 51%, 40% et 17%. Les résultats ont été présentés dans le cadre du congrès de l’EHRA de cette année [17].
Littérature :
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- «Vorhofflimmern: Diagnose oft nur mit Langzeit-EKG», https://herzstiftung.de/infos-zu-herzerkrankungen/herzrhythmusstoerungen/vorhofflimmern/vorhofflimmern-diagnose (letzter Abruf 11.07.2023)
- Noti F, Fuhrer J: Vorhofflimmern und Vorhofflattern: so ähnlich und so verschieden! Swiss Med Forum 2015;15(40): 890–897.
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- ANTWOORD study, ‘Late Breaking Science – Today and tomorrow’, EHRA 2023, 16–18 April 2023, Barcelona, Spain.
- «Novel score predicts heart failure improvement after atrial fibrillation ablation», www.escardio.org/The-ESC/Press-Office/Press-releases/novel-score-predicts-heart-failure-improvement-after-atrial-fibrillation-ablatio (letzter Abruf 11.07.2023)
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