L’isotrétinoïne par voie orale a révolutionné le traitement de l’acné sévère. C’est le seul médicament qui peut avoir un effet durable, même à faible dose. Les effets secondaires sont nombreux. Cependant, nombre d’entre eux ne se produisent que rarement et peuvent être réduits par une diminution de la dose (en prolongeant la durée du traitement). Les principaux risques sont abordés plus en détail dans l’article suivant. Les effets indésirables sont éclipsés par la tératogénicité avérée de la substance.
L’isotrétinoïne par voie orale n’est pas un médicament “bien-être”. L’indication doit être posée correctement (il existe de nombreux diagnostics différentiels !) et les patients doivent être bien informés des effets secondaires. L’article suivant ne traite que de l’isotrétinoïne administrée par voie orale. L’isotrétinoïne déploie ses effets sur tous les mécanismes pathogènes importants de l’apparition de l’acné. En particulier, le médicament agit de manière impressionnante sur les formes d’acné très enflammées. L’isotrétinoïne (acide rétinoïque 13-cis), introduite en Suisse en 1983 sous le nom de marque Roaccutane®, est un métabolite naturel de la vitamine A et de l’acide rétinoïque. La substance est absorbée dans les deux à six heures suivant son ingestion. La demi-vie est de 7 à 37 heures et de 11 à 50 heures pour leurs métabolites. La substance traverse la barrière de Planzentar, est dégradée par le foie et excrétée par les fèces et l’urine. La biodisponibilité est de 25%. Elle peut être fortement améliorée si l’isotrétinoïne est prise en même temps qu’un aliment riche en graisses, en raison de la lipophilie de la substance. Après l’arrêt d’un traitement, on ne constate plus de taux élevés d’isotrétinoïne et de ses métabolites dans le sérum après deux à quatre semaines [1].
Malheureusement, ce médicament efficace a de nombreux effets secondaires qui limitent son utilisation.
Indication
Le traitement de l’acné est défini dans les lignes directrices de différentes sociétés nationales [2, 3]. Les indications pour le traitement de l’acné sont “fluides”. En règle générale, on traite une acné lorsqu’il y a une pression de plainte ou lorsque des dommages permanents tels que des cicatrices sont à prévoir. L’isotrétinoïne a une limite et ne doit être utilisée que dans les formes d’acné sévères et résistantes au traitement (voir la liste des spécialités de l’OFSP [4]). Il y a résistance au traitement lorsque des traitements locaux contre l’acné, dont l’efficacité est prouvée, ont été utilisés sans succès pendant au moins trois mois. L’expérience pratique montre que les tentatives de traitement local sont souvent interrompues trop tôt en raison de fausses attentes, d’applications inappropriées ou d’effets irritants. Toutefois, avec des instructions et des contrôles appropriés, cette lacune peut être minimisée.
L’acné n’est pas seulement un problème cosmétique, mais peut également avoir un impact substantiel sur le bien-être psychologique, indépendamment de l’expression clinique objective [5]. L’acné dysmorphique est une situation extrême. Elle se caractérise par un écart extrême entre le constat objectif et le ressenti subjectif. Il est important de ne pas minimiser ce problème, car en plus de la lourde charge mentale, le risque de suicide est également accru [6]. Ce type de dysmorphophobie peut également constituer une indication de l’isotrétinoïne.
Dosage
La posologie classique, telle qu’elle figure dans la notice, est de 0,5-1,0 mg/kgKG par jour. Pour une personne de 60 kg, cela représenterait 30 à 60 mg par jour. Plewig a montré que même des doses faibles à très faibles ont de très bons effets sur les lésions d’acné enflammées et non enflammées. Il a constaté que des doses de l’ordre de 0,15 mg/kgKG produisaient un effet presque aussi bon que la dose classique plus élevée de 0,5 mg/kgKG si le traitement était suffisamment long [7]. Le grand avantage des doses plus faibles est la forte réduction des effets secondaires liés à la dose. Il existe également des expériences montrant qu’une dose plus faible permet d’éviter un flare-up de l’acné.
L’aggravation initiale de l’acné peut être très gênante et, dans les cas extrêmes, déboucher sur une acné fulminante qui sera traitée par des corticostéroïdes internes. Certains auteurs recommandent donc de commencer le traitement avec une dose plus faible [8].
En règle générale, les patients doivent compter avec une durée de traitement de quatre à six mois. L’isotrétinoïne est le seul médicament qui exerce un effet durable sur l’acné. Il n’est pas prouvé de manière concluante que cette durabilité soit liée à la dose totale cumulée. Plusieurs études ont montré que le taux de récidive peut être considérablement réduit si l’on vise une dose cumulée de 100-120 mg/kgKG (pour un résumé, voir [9]). Une dose cumulée supérieure à 120 mg/kgKG n’apporte aucun bénéfice supplémentaire. Il convient toutefois de noter que certaines études mettent en doute cette approche [10, 11].
Les symptômes peuvent disparaître bien avant que la dose cumulée ne soit atteinte, en particulier dans les formes d’acné les moins sévères. Si l’on voulait alors atteindre la dose cumulée recommandée, il faudrait traiter les patients asymptomatiques pendant des semaines avec un médicament qui a des effets secondaires potentiels.
Effets secondaires
Un grand nombre d’effets secondaires sont décrits. Cependant, certains ne sont observés que très rarement et leur signification n’est donc pas claire (coïncidence ou causalité ?). Seuls les effets secondaires les plus importants et les plus fréquents seront abordés ci-dessous. Pour plus d’informations, consultez la littérature [9, 12]. Pour l’essentiel, les effets secondaires de l’isotrétinoïne sont ceux de la vitamine A. Tous les effets indésirables sont éclipsés par le caractère tératogène de la substance.
Les effets secondaires les plus significatifs et les plus fréquents : Tératogénicité, lèvres sèches et gercées, yeux secs, peau sèche, érythème UV, saignements de nez, maux de tête, chute des cheveux, augmentation des triglycérides, diminution des lipoprotéines de haute densité, hypercholinestérolémie, hépatite, pancréatite (due à une augmentation des lipides), infections bactériennes (par ex.par ex. staphylocoques en cas de dessèchement de la peau et des yeux), hypertension intracrânienne bénigne, héméralopie, myopathie (surtout en cas d’exercice physique intense), modifications osseuses (si le traitement dure plus d’un an).
Tératogénicité : peu de temps après l’introduction de l’isotrétinoïne, des malformations congénitales ont été observées chez des enfants nés de mères prenant de l’isotrétinoïne pendant la grossesse. Le risque relatif de développer une embryopathie rétinienne est d’environ 26% et est comparable à celui de la thalidomide. On a observé des malformations de différents organes tels que le visage, les yeux, les oreilles, le crâne, le système nerveux central, le système cardiovasculaire, le thymus et la parathyroïde [13]. En âge de procréer, les femmes doivent donc utiliser une anticonception sûre, un mois avant, pendant et un mois après la fin du traitement, qu’elles aient ou non des rapports sexuels. Crjins et al. ont publié une revue sur ce sujet et ont résumé les études européennes. 0,2 à 1 patiente sur 1000 a consommé de l’isotrétinoïne pendant sa grossesse, avec les conséquences que cela implique. Les auteurs ont également constaté que les programmes de prévention de la grossesse étaient généralement insuffisants. Les médecins prescripteurs ont ici un rôle à jouer. L’isotrétinoïne ne doit être prescrite qu’aux personnes dont la compliance est bonne et chez qui une anticonception sûre est garantie. Il est également fortement recommandé que les patients signent un “consentement éclairé”. Ce formulaire, sur lequel sont notés tous les effets secondaires importants, peut être obtenu auprès de toute société commercialisant de l’isotrétinoïne. Dans le cas de patients mineurs, il est judicieux d’informer et de faire signer également les parents. Des tests de grossesse réguliers sont également recommandés. Avant tout, il convient d’exclure toute grossesse avant de commencer le traitement.
Suicidalité et dépression : Dès les années 1980, les premiers case reports ont été publiés, suggérant un lien entre l’isotrétinoïne et la dépression et les tendances suicidaires. En l’absence d’études de qualité, les autorités de réglementation ont exigé que des avertissements appropriés figurent dans les brochures d’emballage. Entre-temps, il existe de nombreuses et vastes études montrant que le risque de suicide et d’anomalies psychiques n’est pas plus élevé avec un traitement à l’isotrétinoïne qu’avec un groupe témoin de la même catégorie d’âge (pour une revue, voir [14]). Dans cette discussion, il faut également tenir compte du fait que l’acné peut avoir de multiples effets négatifs sur le psychisme. Il existe également des preuves que les facteurs de stress émotionnel pourraient jouer un rôle dans la pathogenèse de l’acné [15]. Dans ces cas, il faut se demander si ce n’est pas le traitement qui explique les changements émotionnels, mais un stress psychologique préexistant ou l’acné elle-même. Néanmoins, l’auteur de cet article a l’impression qu’il existe des cas isolés où l’isotrétinoïne exerce une influence négative sur le psychisme. Il est donc recommandé de discuter également de ce problème lors de la prescription.
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin : Un débat similaire a lieu sur le lien entre l’isotrétinoïne et les maladies inflammatoires de l’intestin. Les deux entités, l’acné et les maladies inflammatoires de l’intestin, sont présentes dans le même groupe d’âge. Ali Alikhan a évalué ce problème [16] et conclut que le risque absolu est très faible et qu’il n’existe aucune étude probante établissant un lien de cause à effet.
Sécheresse de la peau et des muqueuses : Pratiquement tous les patients prenant une dose de 0,5 mg/kgKG souffrent de chéilite. Si ce n’est pas le cas, il faut douter de la régularité de la prise. En règle générale, la motivation pour un traitement est très bonne, c’est pourquoi cet effet secondaire est généralement toléré sans problème, surtout si les lèvres sont régulièrement lubrifiées.
Problèmes oculaires : Plusieurs effets secondaires oculaires ont été évoqués, notamment une sécrétion anormale des glandes de Meibom, une blépharoconjonctivite, une sécheresse oculaire, une vision floue, une diminution de l’adaptation à l’obscurité et une intolérance aux lentilles de contact. Ces effets secondaires sont particulièrement pertinents à des doses élevées (>0,5 mg/kgKG) [17]. Pour les porteurs de lentilles de contact, il est recommandé de porter des lunettes pendant le traitement, d’utiliser des doses plus faibles, de s’humidifier régulièrement et/ou de se faire contrôler par un ophtalmologue.
Contrôle des lipides sanguins et des transaminases : De faibles augmentations des lipides sanguins sont relativement fréquentes. Si elles sont très élevées, des mesures s’imposent (réduction de la dose ou arrêt du traitement, mesures diététiques). En raison du risque d’hépatite, les enzymes hépatiques doivent également être contrôlées. Des augmentations légères sont fréquentes. Ils se normalisent généralement spontanément sous traitement ou lorsque la dose est réduite. Des contrôles de laboratoire des triglycérides, du cholestérol et des enzymes hépatiques doivent être effectués avant et un mois après le traitement. Si les valeurs sont normales pendant le traitement, le risque d’anomalies pendant une période de traitement ultérieure est faible [18].
Isotrétinoïne chez les sportifs : les douleurs de type courbatures sont relativement fréquentes. L’augmentation de la créatine kinase est alors fréquente et constitue un phénomène bénin [19]. En cas d’exercice physique intense, de myalgies et d’arthralgies sévères, il convient de contrôler la créatine kinase et la myoglobine ainsi que la fonction rénale, car de rares cas de rhabdomyolyse ont été décrits.
Interactions : Il est déconseillé d’ajouter un traitement topique de l’acné, car il n’y a pas de bénéfice supplémentaire et cela entraîne une irritation supplémentaire de la peau. Des doses supplémentaires de vitamine A augmentent également le risque d’effets secondaires. En règle générale, il convient d’éviter toutes les procédures irritantes (peelings, épilations, etc.) en raison de l’irritabilité accrue de la peau. L’administration simultanée de tétracyclines est contre-indiquée en raison du risque d’augmentation de la pression intracrânienne.
Dr. med. Martin Pletscher
Littérature :
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- 013-017l_S2k_Behandlung_der_Akne_2011-10-Korr1 – 013-017l_S2k_Behandlung_der_Akne_2011-10-Korrektur.pdf: www.awmf.org/uploads/tx_szleitlinien/013-017l_S2k_Behandlung_der_Akne_2011-10-Korrektur.pdf (July 2013).
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CONCLUSION POUR LA PRATIQUE
- L’isotrétinoïne agit sur tous les mécanismes pathogéniques importants de l’acné.
- L’indication de l’isotrétinoïne doit être correctement posée et le patient doit être bien informé des effets secondaires.
- L’isotrétinoïne ne doit être utilisée que dans les formes d’acné sévères et résistantes au traitement (traitement local de l’acné utilisé sans succès pendant au moins trois mois).
- La posologie classique est de 0,5 mg/kgKG par jour.
- Les effets secondaires les plus fréquents : Tératogénicité, lèvres sèches et gercées, yeux secs, peau sèche, érythème UV, saignements de nez, maux de tête, augmentation des triglycérides, diminution des lipoprotéines de “haute densité”, hypercholinestérolémie, infections bactériennes.
Pratique dermatologique 2014 ; 24(1) : 18-21