Les diabétiques sont plus susceptibles de souffrir d’insuffisance cardiaque que les non-diabétiques. Leur pronostic est nettement moins bon. Quelles sont les particularités pharmacothérapeutiques à prendre en compte chez les diabétiques souffrant d’insuffisance cardiaque ?
Les symptômes, souvent non spécifiques, tels que l’abattement, la fatigue, l’épuisement et l’essoufflement, ne facilitent pas toujours le dépistage précoce de l’insuffisance cardiaque. En cas de diabète sucré simultané, certains de ces troubles peuvent même être mal interprétés comme étant des séquelles du diabète. Les mécanismes pathologiques sous-jacents peuvent être une des raisons de la présence simultanée de ces deux maladies. Le syndrome métabolique, souvent associé à un diabète sucré de type II, présente des facteurs de risque d’insuffisance cardiaque, notamment en raison de la complication possible de l’hypertension, des troubles du métabolisme lipidique ou de l’obésité. L’insuffisance cardiaque est également discutée comme une conséquence directe du diabète. Les dépôts de graisses épicardiques et intramyocardiques ainsi que les signaux inflammatoires semblent ici faire partie des modifications liées au métabolisme.
Définition de l’insuffisance cardiaque
Les patients souffrant d’insuffisance cardiaque peuvent être classés dans les groupes HFrEF (insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite), HFmrEF (insuffisance cardiaque à fraction d’éjection moyenne) et HFpEF (insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée) à l’aide des directives de la Société européenne de cardiologie [2]. La classification se fait principalement en fonction de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG, <40%, 40-49% et ≥50%). La concentration sérique des peptides natriurétiques ou d’autres critères tels que la présence d’un dysfonctionnement systolique supplémentaire sont également pris en compte (tableau 1). La clinique, au sens des stades I à IV de la NYHA, reste le facteur décisif pour déterminer l’approche thérapeutique.
Insuffisance cardiaque et diabète
Les chiffres concernant la présence d’une insuffisance cardiaque chez les diabétiques ont longtemps été sous-estimés. Cependant, des études montrent que l’incidence de l’insuffisance cardiaque est plus élevée chez les diabétiques que chez les non-diabétiques, quel que soit le groupe d’âge [3]. Le pronostic se détériore donc. La mortalité liée à l’insuffisance cardiaque est également plus élevée chez les diabétiques que chez les patients ne présentant pas ce type de trouble métabolique [4]. Des données plus récentes de l’étude PARADIGM-HF confirment ces conclusions et montrent qu’environ un patient sur cinq souffrant de diabète et d’insuffisance cardiaque décède après 2,5 ans [5].
Traitement de l’insuffisance cardiaque
Une vue d’ensemble du régime thérapeutique en présence d’une HFrEF (patient symptomatique avec FEVG <40%) est disponible dans la directive européenne [2] (pour le traitement de l’HFrEF, voir Cardiovasc 2018 ; 3 : 29-32). Un groupe de substances relativement nouveau, l’ARNI (inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine), a été introduit dans le schéma thérapeutique. L’enzyme néprilysine dégrade les peptides natriurétiques qui, en tant qu’antagonistes du système nerveux sympathique et du système rénine-angiotensine-aldostérone, contrecarrent les mécanismes de développement de l’insuffisance cardiaque. L’étude de percée (PARADIGM-HF) montre que cette classe de médicaments est significativement supérieure à l’énalapril en termes de réduction de la mortalité cardiovasculaire et de l’hospitalisation chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque [6].
Outre les ARNI, les agents médicamenteux classiques (i.e. β-bloquants, IEC, AT1-bloquants, antagonistes de la recirculation des minéralocorticoïdes) améliorent également le pronostic de l’HFrEF, comme le montrent les études [7,8]. Il n’existe pas de données spécifiques pour les patients diabétiques, mais des analyses de sous-groupes suggèrent que les effets démontrés peuvent également être supposés pour ce groupe de patients [9]. Le traitement de l’insuffisance cardiaque ne diffère donc pas entre les patients diabétiques et non diabétiques.
Traitement du diabète chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque
Le tableau 2 donne un aperçu de l’influence du traitement du diabète sur l’insuffisance cardiaque existante.
Thiazolidinedione entraînent une rétention hydrique et une décompensation cardiaque accrue en cas d’insuffisance cardiaque préexistante, via l’amélioration de la sensibilité à l’insuline, et donc une augmentation des hospitalisations.
Pour les inhibiteurs de la DPP-IV, les données sont variables. Dans l’étude SAVOR-TIMI 53, la saxagliptine a entraîné une augmentation du taux d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque [10]. Cela n’a pas été confirmé pour la sitagliptine [11]. On peut donc supposer un effet de substance et non un effet de classe des inhibiteurs de la DPP-IV.
Les résultats concernant l’influence de l’insuline sont contradictoires. Une étude de cohorte rétrospective a examiné les facteurs de risque de développer une insuffisance cardiaque chez >8000 patients diabétiques. Ces données plus anciennes montrent une augmentation de 25% du risque sous insuline [3]. En revanche, la grande étude randomisée ORIGIN n’a pas mis en évidence d’augmentation du risque d’insuffisance cardiaque en cas d’utilisation d’insuline glargine [12]. Le biais discutable des études rétrospectives et le bon niveau de preuve des grandes études randomisées suggèrent donc que l’insuline n’est plutôt pas nocive dans ce contexte.
Il existe plusieurs études rétrospectives sur le groupe des sulfonylurées, qui suggèrent que ce groupe de substances a un effet plutôt défavorable. Par rapport à la metformine, on a par exemple constaté une augmentation du risque d’insuffisance cardiaque [13].
Selon le professeur Marx, d’autres données sur les sulfonylurées suivront après la fin de l’essai CAROLINA en cours, qui compare les sulfonylurées à la linagliptine chez les diabétiques de type II [14].
Source : Congrès sur le diabète, 9-12 mai 2018, Berlin (D).
Littérature :
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