La désormais 11e roadshow suisse sur les MICI (10. – 12 juin 2024) s’est déroulée cette année sous le titre “ADVANCED THERAPIES IN IBD – TOWARDS A NEW SEQUENCE”. Entre ses conférences dans sept centres suisses, le professeur Laurent Peyrin-Biroulet de l’hôpital universitaire de Nancy, France, a partagé son expérience et ses réflexions sur les thérapies avancées et les séquences de traitement des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI). Il a souligné l’efficacité des ajouts récents au paysage thérapeutique et a plaidé pour une analyse plus approfondie du profil bénéfice/risque des thérapies disponibles.

Interview du Pr Laurent Peyrin-Biroulet, gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Nancy, Vandoeuvre-les-Nancy, France, lors du Roadshow
Comment les algorithmes de traitement des MICI ont-ils évolué au cours des dernières années, notamment après l’introduction des lignes directrices STRIDE II ?1
Les lignes directrices STRIDE I nous ont déjà appris à traiter les patients au-delà des symptômes, c’est-à-dire à traiter également l’inflammation dans l’intestin.2 Un complément important des lignes directrices STRIDE II est l’utilisation de biomarqueurs comme la calprotectine, qui fait désormais partie de la pratique quotidienne grâce à des preuves croissantes. De plus, nous travaillons aujourd’hui avec des objectifs de traitement à court, moyen et long terme. A court terme, nous voulons atténuer les symptômes, à moyen terme, nous voulons obtenir une rémission au regard des biomarqueurs et à long terme, nous visons une guérison endoscopique et un retour à la vie normale des patients.
Que recommandent les lignes directrices lors du choix d’un traitement contre les MICI et comment doivent-elles être mises en balance avec les souhaits des patients et du corps médical ?
Il est facile de justifier un changement de traitement lorsqu’un patient continue à présenter des symptômes. Avec l’approche Treat-to-Target, nous devons parfois optimiser le traitement alors que les personnes concernées sont en rémission clinique et se sentent bien. Il s’agit souvent d’un long processus au cours duquel des explications et une motivation supplémentaire sont nécessaires, car les patients demandent : “Pourquoi traiter l’intestin si je me sens bien ? Dans ce contexte, trouver le bon médicament pour le bon patient reste une tâche importante, ce qui n’a pas encore été suffisamment bien fait.
Comment le paysage du traitement des MICI a-t-il évolué avec la récente autorisation des inhibiteurs JAK et IL-23 en Suisse ? Quelles sont les données clés auxquelles les médecins doivent prêter attention ?
Les données sur l’upadacitinib* (RINVOQ®, UPA) sont extrêmement intéressantes, tant dans la colite ulcéreuse (CU) que dans la maladie de Crohn (MC). Dans les deux indications, le médicament semble bien adapté aux cas très graves et compliqués. Si nous considérons les indications séparément, l’UPA montre une très bonne induction et une efficacité élevée dans la RCH dans les comparaisons directes et les méta-analyses.3, 4 L’induction avec l’UPA est probablement la plus forte que j’ai vue jusqu’à présent avec un traitement avancé.5, 6 Dans le cas de la MC, l’UPA est également efficace dans les cas graves, et malgré un faible niveau de preuve, il existe par exemple des données prometteuses sur la maladie périanale et les manifestations extra-intestinales.7, 8 Le risankizumab** (SKYRIZI®, RISA) est également un médicament très puissant avec un fantastique profil bénéfice/risque.9
Compte tenu des possibilités de traitement actuelles, est-il réaliste d’atteindre les objectifs thérapeutiques fixés pour les MICI ou existe-t-il encore d’importants unmet needs?
Seuls 20 % environ des patients atteints de RCH et de MC parviennent à une rémission profonde ; nous sommes donc encore loin de la guérison des MICI. En pratique clinique quotidienne, si nous parvenons à réduire l’inflammation de 50 % et à améliorer la qualité de vie (QoL), nous considérons que le traitement est un succès. Chaque patient(e) devrait pouvoir atteindre les objectifs thérapeutiques minimaux réalistes, c’est-à-dire une bonne QdV et aucune lésion endoscopique ou seulement des lésions légères. L’idéal serait une rémission profonde avec une guérison endoscopique, mais cela n’est actuellement réalisable que pour un petit nombre de personnes concernées.
Pouvez-vous expliquer l’importance de la guérison des muqueuses dans le traitement des MICI et comment des thérapies telles que les inhibiteurs d’IL-23 ou de JAK contribuent à atteindre cet objectif ?
La guérison des muqueuses est notre grand objectif dans le traitement des MICI. Il est de plus en plus évident que l’obtention d’une guérison muqueuse permet de réduire le nombre d’opérations et d’hospitalisations et d’améliorer la vie des patients à long terme. Il manque cependant encore des données issues d’un grand essai clinique randomisé sur ce sujet. Avec les inhibiteurs JAK, nous observons des taux élevés de guérison de la mucite dans la RCH.10 L’inhibition de l’IL-23 est également intéressante chez les patients atteints de MC, qu’ils soient bio-naïfs ou bio-réfractaires, en raison des taux élevés de guérison de la mucite.9
Quelles sont les meilleures pratiques pour le suivi des patients atteints de MICI ?
Il est important de suivre tous les patients aussi bien que possible avec les outils disponibles. Ceux-ci comprennent l’échographie, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la protéine C-réactive (CRP), la calprotectine et l’endoscopie. Nous utilisons une sélection de ces méthodes en fonction de la localisation de l’inflammation et de l’objectif thérapeutique.
Pouvez-vous expliquer l’importance du profil bénéfice/risque dans le choix des options thérapeutiques avancées ? Selon votre expérience, quels sont les facteurs les plus importants dans le choix d’un traitement contre les MICI ?
Le profil bénéfice/risque est très important pour tous les médicaments et je pense qu’il y a encore beaucoup de travail à faire à cet égard pour les traitements des MICI. Nous avons le choix entre plusieurs traitements et le profil bénéfice/risque est donc un facteur crucial, mais il est difficile d’en discuter avec les patients. Nous avons besoin de meilleures illustrations et de meilleurs chiffres, ainsi que d’une évaluation robuste des connaissances.
Comment pensez-vous que le déroulement du traitement avec des thérapies avancées va évoluer ?
Pour moi, il y a clairement deux types de patients. Les patients souffrant d’une maladie légère ne doivent pas être surtraités et bénéficient de stéroïdes ou, en cas de RCH, d’acide 5-aminosalicylique. En cas de maladie modérée à sévère, il faut, dans la plupart des cas, commencer très tôt un nouveau traitement.
Quel est le message le plus important que vous souhaitez transmettre aux participants de votre présentation itinérante IBD ?
Nous devons être plus ambitieux dans nos objectifs thérapeutiques, mais rester réalistes. Nous avons besoin d’objectifs réalistes, d’un contrôle précoce de la maladie, d’une surveillance étroite et d’une bonne concertation avec les patients.
Quel est votre objectif principal ou votre souhait le plus cher pour l’avenir du traitement des MICI ?
Guérir les MICI serait plus un rêve qu’un souhait, car nous en sommes encore loin. Mon souhait est que nous améliorions continuellement le profil bénéfice/risque des médicaments disponibles.
* RINVOQ® est autorisé depuis le 7 juin 2024 pour le traitement de la RCH active modérée à sévère et de la MC active modérée à sévère chez les patients adultes qui n’ont pas répondu, ne répondent plus ou ne tolèrent pas au moins un traitement biologique, ou chez qui un tel traitement est contre-indiqué.11
** SKYRIZI® est indiqué pour le traitement des patients adultes atteints de la maladie de Crohn active modérée à sévère qui ont répondu de manière insuffisante, ne répondent plus ou n’ont pas toléré un traitement conventionnel ou un traitement biologique.12
Information technique succincte SKYRIZI® – LE SYSTÈME DE et RINVOQ® (EN ANGLAIS)
Références
1. Turner D et al. STRIDE-II : An Update on the Selecting Therapeutic Targets in Inflammatory Bowel Disease (STRIDE) Initiative of the International Organization for the Study of IBD (IOIBD) : Determining Therapeutic Goals for Treat-to-Target strategies in IBD. Gastroentérologie, 2021. 160(5) : p. 1570-1583.
2. Peyrin-Biroulet L et al. Selecting Therapeutic Targets in Inflammatory Bowel Disease (STRIDE) : Determining Therapeutic Goals for Treat-to-Target. Am J Gastroenterol, 2015. 110(9) : p. 1324-38.
3 Lasa JS et al. Efficacité et sécurité des médicaments biologiques et des médicaments à petites molécules pour les patients atteints de colite ulcéreuse modérée à sévère : une revue systématique et une méta-analyse en réseau. Lancet Gastroenterol Hepatol, 2022. 7(2) : p. 161-170.
4) Panaccione R et al. Efficacité et sécurité des thérapies avancées pour la colite ulcéreuse modérément à sévèrement active à l’induction et à l’entretien : Une comparaison des traitements indirects en utilisant la méta-analyse du réseau bayésien. Colite de Crohn 360, 2023. 5(2) : p. otad009.
5. Colombel JF et al. Upadacitinib réduit les symptômes de la maladie de Crohn au cours de la première semaine de traitement d’induction. Clin Gastroenterol Hepatol, 2024.
6) Loftus EV, Jr. et al. Le traitement par upadacitinib réduit les symptômes de la colite ulcéreuse aussi tôt que le premier jour du traitement d’induction. Clin Gastroenterol Hepatol, 2023. 21(9) : p. 2347-2358 e6.
7. Colombel JF, et al : Efficacité et sécurité de l’upadacitinib pour le traitement des fistules et des fissures chez les patients atteints de la maladie de Crohn. Présenté à l’ECCO, Copenhague, Mar 2023.
8. Colombel JF, et al : Effet de l’upadacitinib sur les manifestations extra-intestinales chez les patients souffrant d’une maladie de Crohn modérément à sévèrement active. Présenté à l’UEGW, Copenhague, oct 2023.
9. Ferrante M et al. Risankizumab as maintenance therapy for moderately to severely active Crohn’s disease : results from the multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled, withdrawal phase 3 FORTIFY maintenance trial. Lancet, 2022. 399(10340) : p. 2031-2046.
10 Vermeire S et al. Efficacité et sécurité du traitement d’entretien par upadacitinib pour la colite ulcéreuse modérément à sévèrement active chez les patients ayant répondu à un traitement d’induction de 8 semaines (U-ACHIEVE Maintenance) : résultats globaux de l’étude de maintenance randomisée, contrôlée par placebo, en double aveugle, de phase 3. Lancet Gastroenterol Hepatol, 2023. 8(11) : p. 976-989. Incl. Suppl.
11. information professionnelle actuelle de RINVOQ® (upadacitinib) sur www.swissmedicinfo.ch.
12. information professionnelle actuelle de SKYRIZI® (risankizumab) Maladie de Crohn sur www.swissmedicinfo.ch.
Les références peuvent être demandées par les professionnels à medinfo.ch@abbvie.com.
Entretien avec : Dr. sc. nat. Stefanie Jovanovic et Dr. sc. nat. Katja Becker
Cet article a été rédigé avec le soutien financier de AbbVie AG, Alte Steinhauserstrasse 14, 6330 Cham.
CH-ABBV-240086 08/2024
Cet article a été publié en allemand.