Il y a quelques années encore, on conseillait aux femmes enceintes de ne pas faire de sport pendant la gestation. Aujourd’hui encore, il règne parfois une certaine incertitude : le sport peut-il entraîner des blessures, voire un avortement précoce du fœtus ? Atteint-il la santé de la mère et de l’enfant ? Un bref aperçu de l’effet du sport sur la grossesse.
Tout le monde s’accorde à dire qu’une grossesse (qui se déroule normalement) n’est pas une maladie. Cependant, le fait que ce processus soit extrêmement complexe et qu’il implique des changements profonds dans la physiologie de la mère est mis en lumière de manière impressionnante par les statistiques : En Suisse, une grossesse sur quatre ne se termine pas par un accouchement.
La recommandation qui prévalait il y a quelques années de rester inactif en cas de grossesse, voire de rester au lit au moindre problème, était-elle donc la bonne ? Le sport peut-il être un sujet de discussion pendant la grossesse ? Comme nous le verrons, la réponse est clairement “oui”. Et ce non seulement parce que le sport féminin s’est établi dans la société, mais aussi parce qu’une activité physique appropriée peut même – comme dans de nombreuses situations pathologiques (hypertension, diabète, etc.) – avoir des effets extrêmement positifs sur la santé de la mère et de l’enfant. C’est le contraire qui est vrai : c’est l’inactivité de la future mère qui augmente le risque de complications !
Performance maximale au premier trimestre
Mais commençons par le début. Il en a toujours été ainsi : lorsqu’un spermatozoïde mâle pénètre dans un ovule fissuré dans la trompe de Fallope féminine, les deux gamètes donnent naissance à un ovocyte qui s’implante en quelques jours dans l’endomètre de l’utérus, préparé à cet effet par des modifications hormonales. Une grossesse a commencé ! Mais la future mère ne le sait très probablement pas encore. Le diagnostic de grossesse n’est pas toujours facile et clair au cours du premier mois, à moins d’avoir recours à des examens de laboratoire précis. Cela signifie que la femme “concernée” continue à exercer ses activités habituelles comme avant et éventuellement à pratiquer son sport de manière habituelle. C’est logique, d’autant plus que le début d’une grossesse déclenche d’emblée des processus d’adaptation très intéressants du point de vue de la physiologie de la performance (tableau 1).
Ces changements rappellent fortement les adaptations provoquées par l’entraînement d’endurance. Il n’est donc pas surprenant que certaines femmes sportives se sentent “comme sur un nuage” au début de leur gestation et soient capables de réaliser leurs meilleures performances. Non seulement ces adaptations cardiovasculaires et métaboliques favorisent la performance, mais la constellation hormonale est également favorable à la performance pendant les premiers mois de la grossesse, surtout en l’absence de symptômes délétères comme les nausées et la fatigue.
Examinons de plus près la gonadotrophine chorionique humaine (hCG). Ce représentant de la famille des hormones glycoprotéiques est principalement produit dans le placenta. La production commence environ dix jours après la fécondation et augmente fortement jusqu’au soixantième jour de la gestation (doublement de la valeur un jour sur deux). Mais on en trouve aussi chez les femmes non enceintes et chez les hommes à faibles doses. Chez l’homme, l’hCG stimule les cellules de Leydig, où la testostérone est produite. Chez le sexe féminin, l’hCG stimule la production de progestérone, une hormone qui semble favoriser l’extensibilité musculaire et une certaine laxité articulaire, mais qui génère généralement une efficacité musculaire plutôt faible. Cette substance se trouve sur la liste des substances dopantes, mais elle n’est – on le comprend – interdite que pour les hommes. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les histoires, probablement plus anecdotiques, de l’utilisation de “grossesses transitoires” chez les jeunes athlètes féminines pour améliorer leurs performances (interruption de grossesse juste avant une compétition importante).
Qu’en est-il des risques ?
Les craintes concernant les effets négatifs du sport sur la grossesse sont nombreuses, comme le montre l’aperçu 1.
En ce qui concerne l’avortement précoce, qui survient chez >10% de la population normale et à 80% au cours du premier trimestre, y a-t-il réellement un risque accru de perdre l’enfant à naître dans cette première phase délicate pour une femme active par rapport à une femme qui a tendance à être inactive ? Des études indiquent que l’activité physique en début de grossesse est en principe associée à un risque d’avortement légèrement plus élevé, en particulier pour les exercices de musculation et les exercices d’intensité similaire. Il convient toutefois de préciser que les résultats doivent être considérés avec prudence en raison de la conception de l’étude. Leur niveau de preuve est considéré comme faible à modéré [1].
La problématique du traumatisme doit être évaluée avec bon sens. En fait, le placenta dans l’utérus est considéré comme la partie du corps la mieux protégée, ce qui ne signifie pas pour autant que les coups violents (chutes à ski, chocs au football, etc.) ne peuvent pas être nocifs ! Ces activités sont donc plutôt déconseillées. Une modification de la statique corporelle due à la croissance du ventre (et éventuellement des seins), avec pour conséquence une hyperlordose et une bascule du bassin comme mécanisme de compensation, se produit plutôt plus tard dans la grossesse. Avec la prise de poids et une maladresse physique générale, on assiste de toute façon généralement à ce stade à une autorégulation avec renoncement aux efforts physiques intenses.
Lors d’un effort physique, par exemple pendant un marathon, la température du corps de la mère peut augmenter considérablement, ce qui, combiné au contrôle de la température par la transpiration, couplé à une irrigation sanguine intense de la peau, peut provoquer certains problèmes : Transmission de la température à l’enfant (tératogène en début de grossesse) et manque de sang dans l’utérus en raison de la redistribution du sang au profit des muscles et de la peau qui travaillent. Malgré tout, des méta-analyses [2] montrent que la plupart de ces craintes ne sont pas scientifiquement prouvées et ne sont donc pas justifiées.
En ce qui concerne les aspects positifs – résumés dans l’aperçu 2 il existe suffisamment de littérature [1] pour permettre au praticien de conseiller une femme enceinte de manière convaincante dans le sens suivant : Si une femme est en bonne santé et qu’elle faisait déjà régulièrement du sport avant sa grossesse, l’entraînement physique présente généralement plus d’avantages que de risques, tant pour elle que pour l’enfant. Il n’est toutefois pas recommandé à une femme qui n’a jamais pratiqué de sport de commencer à en faire pendant la gestation ; la grossesse n’est pas le bon moment pour apprendre un nouveau sport.
Conclusion
Du point de vue de la recherche et de l’éthique, le sujet “sport et grossesse” est plutôt complexe, mais les données disponibles montrent que l’activité sportive et la grossesse sont généralement compatibles. Ces conclusions optimistes sont valables, dans une certaine mesure, même pour les athlètes féminines de haut niveau. Et le message selon lequel le sport pendant la grossesse rend les bébés intelligents doit être la “cerise sur le gâteau” en la matière : une étude canadienne a récemment montré qu’une activité saine de la future mère contribuait également à améliorer les capacités cognitives de l’enfant plus tard dans la vie.
Littérature :
- Bø K, et al. : Exercice et grossesse chez les athlètes de loisirs et d’élite : 2016 evidence summary from the IOC expert group meeting, Lausanne. Partie 1 : l’exercice chez les femmes qui planifient une grossesse et celles qui sont enceintes. Br J Sports Med 2016 ; 50 : 571-589.
- Lokey EA, et al : Effects of physical exercise on pregnancy outcomes : a meta-analytic review. Med Sci Sports Exerc 1991 ; 23 : 1234-1239.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(10) : 7-8