Les troubles schizophréniques de l’enfant et de l’adolescent sont des maladies rares, mais graves. Le diagnostic est un défi, car les symptômes se développent souvent de manière insidieuse et – par rapport à ceux des adultes – sont moins spécifiques. Les maladies schizophréniques de l’enfant et de l’adolescent sont certes associées à un moins bon pronostic que celles de l’adulte, mais elles ne sont pas pour autant une fatalité. Toutefois, des études montrent que le dépistage et le traitement précoces améliorent considérablement le pronostic. En cas de suspicion de développement schizophrénique, il est donc fortement recommandé de consulter rapidement des spécialistes. Chez les enfants et les adolescents qui se trouvent à un stade at-risk, les symptômes sont régulièrement surveillés et les troubles comorbides traités de manière spécifique. Chez les enfants et les adolescents atteints de schizophrénie, le traitement par antipsychotiques est le traitement de première intention. La création d’un climat de confiance, la transmission d’une attitude positive et des mesures de réintégration spécifiques constituent des éléments importants pour une évolution positive.
Les troubles schizophréniques commencent généralement à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Chez l’enfant, elles sont très rares et nettement plus difficiles à diagnostiquer, car elles se distinguent souvent de la schizophrénie de l’adulte en termes de symptômes (tableau 1). Les symptômes de la maladie peuvent en outre présenter une grande similitude avec différents troubles du développement, ce qui rend encore plus difficile l’attribution d’un diagnostic [1,2]. Il n’est donc pas justifié de transposer un à un les critères adultes à l’enfance. Bien que la symptomatologie se rapproche de celle des patients adultes avec l’âge, l’évolution chez les adolescents est plus fluctuante que chez les adultes.
Symptômes d’un trouble schizophrénique
Les troubles schizophréniques sont généralement caractérisés par des symptômes psychotiques persistants qui ne peuvent pas être expliqués par d’autres causes organiques. Les experts font la distinction entre les symptômes positifs et les symptômes négatifs. Les symptômes positifs comprennent des délires, des hallucinations, des troubles du moi et une désorganisation de la pensée et de l’action. En règle générale, la prise de perspective sociale se développe jusqu’à l’âge de six ans. C’est pourquoi, dès l’âge scolaire, les enfants sont capables de développer des symptômes positifs sous la forme d’une humeur délirante diffuse, d’idées de relation et de préjudice et d’un vécu anormal de la signification. Dans leur structure et leur contenu, les phénomènes délirants de l’adolescence ne sont pas différents de ceux des adultes. Cependant, à l’adolescence, elles sont moins systématisées. Les hallucinations de toutes les modalités sensorielles sont fréquentes chez les enfants et peuvent survenir dans le cadre d’une anxiété, d’un stress psychologique exceptionnel ou d’un état physique exceptionnel tel qu’une forte fièvre. Dans les schizophrénies dont la maladie a débuté dans l’enfance, 80% des personnes concernées rapportent des hallucinations visuelles et 90% des hallucinations auditives [3]. A l’âge adulte, les hallucinations visuelles sont comparativement moins fréquentes (35%).
Les symptômes négatifs incluent l’apathie, le manque de spontanéité, la réduction de l’activité, l’appauvrissement de la parole, le manque d’initiative et la réduction de la communication non verbale. Il n’est pas rare que l’aplatissement des affects s’accompagne d’une perte de motivation et d’intérêt. Des symptômes dépressifs et dysphoriques accompagnent souvent le début des maladies psychotiques. Il est souvent difficile d’attribuer les symptômes psychotiques à une maladie schizophrénique ou affective à l’adolescence [4].
Début de la maladie, durée de la psychose non traitée et pronostic
Le pronostic en cas de début de la schizophrénie dans l’enfance est nettement moins bon qu’à l’âge adulte. Les enfants atteints de schizophrénie présentent des déficits neurodéveloppementaux et cognitifs plus importants, avec des changements significatifs dans la structure du cerveau [5,6]. Cela entraîne une plus grande altération du niveau de fonctionnement à un moment critique du développement personnel, ce qui a des conséquences considérables sur la poursuite des études et l’intégration sociale [7].
La recherche clinique et neurobiologique apporte de plus en plus d’éléments indiquant qu’un traitement précoce peut avoir une influence positive sur l’évolution et le pronostic des maladies psychotiques [8]. Des études ont montré que la durée de la psychose non traitée est significativement plus longue chez les adolescents que chez les adultes [9]. Il y a plusieurs raisons à cela : une symptomatologie marquée et insidieuse, un tableau atypique souvent mal interprété comme une crise d’adolescence, ainsi qu’une mauvaise classification de la symptomatologie parce que d’autres diagnostics existent déjà. A cela s’ajoute le fait que les familles concernées cherchent d’abord de l’aide auprès d’autres services. Par la suite, les personnes concernées sont présentées à des pédopsychiatres.
Réduire la durée de la schizophrénie non traitée semble être une bonne approche pour réduire également les conséquences graves de la maladie [10,11]. Il est préférable d’identifier, de suivre et de traiter les symptômes d’un trouble psychotique en développement le plus tôt possible.
Centres de dépistage précoce de la psychose
Des centres de dépistage précoce de la psychose ont été créés dans le monde entier pour aider les experts à se consacrer à ce trouble complexe et à traiter les patients de manière optimale et précoce. La création de tels centres a permis de réduire la durée des psychoses non traitées et de diminuer les diagnostics faussement positifs ou faussement négatifs. Les experts ont également l’habitude d’inclure l’environnement familial et psychosocial des enfants et des adolescents récemment malades dans un traitement indiqué et spécifique. Les médecins généralistes et les pédiatres continuent cependant de jouer un rôle central dans le dépistage précoce des psychoses, car ils peuvent reconnaître les signes avant-coureurs d’une maladie psychotique potentielle et devraient les interroger activement afin d’obtenir rapidement l’aide d’experts (tableau 2).
La consultation de dépistage précoce des troubles psychotiques de la KJPP Zurich propose un diagnostic détaillé et un traitement intégratif. Les thérapies individuelles et de groupe ainsi que le travail en réseau avec les différentes institutions sont des éléments importants de l’accompagnement.
Clarification
L’évaluation diagnostique des troubles psychotiques débutants comprend une anamnèse personnelle détaillée avec une enquête précise sur le développement personnel, scolaire et psychosocial. La consommation passée ou actuelle de drogues doit faire l’objet d’une enquête approfondie, car la consommation de tétrahydrocannabinol et de drogues de synthèse, très répandue chez les jeunes, peut augmenter le risque de psychose. L’anamnèse familiale permet d’identifier les éventuels antécédents familiaux. Il est très important d’évaluer les troubles psychiatriques prémorbides et comorbides, car les troubles préexistants sont associés à un risque accru de développer un trouble psychotique.
L’évaluation de l’intelligence, en particulier chez les enfants et les adolescents en formation, peut contribuer à détecter des troubles partiels des performances ou des déficits cognitifs préexistants ou apparus au cours d’un développement psychotique. Nous considérons qu’un examen somatique avec laboratoire, EEG et IRM du crâne est très important pour pouvoir exclure d’éventuelles causes organiques.
Stade à très haut risque
Grâce à la création de centres experts, de plus en plus d’enfants et d’adolescents se présentent avec des symptômes précurseurs (tab. 2). Ces enfants et adolescents se trouvent à un “stade à très haut risque” (UHR) de développement d’un trouble psychotique, également appelé “état mental à risque” ou “prodrome”. Ils doivent être surveillés régulièrement afin de détecter à temps une éventuelle transition vers un premier épisode psychotique manifeste.
Cependant, la signification de l’UHR chez les enfants et les adolescents est plus incertaine que chez les adultes. Une méta-analyse récemment publiée sur la valeur prédictive des critères UHR pour le développement d’une psychose décrit un taux de transition plus faible après un an de suivi dans le groupe des enfants et des adolescents par rapport au groupe des adultes. Les recherches actuelles portent sur des critères et des marqueurs plus spécifiques chez les enfants et les adolescents, afin d’obtenir une meilleure valeur prédictive (prédictivité) et une meilleure spécificité [12]. Des instruments spécifiques permettent d’ores et déjà d’évaluer ces symptômes précurseurs de manière différenciée, précoce, qualitative et quantitative ; il s’agit notamment du “Schizophrenia proneness instrument for childhood and youth” (SPICY), du “Structured interview for prodromal symptoms” (SIPS) et du “Comprehensive assessment of at risk mental state” (CAARMS).
Pour les enfants et les adolescents chez qui un UHR est confirmé, des interventions psychologiques et psychosociales spécifiques sont recommandées dans le but de compenser les pertes de fonctionnalité et d’empêcher l’évolution vers une psychose manifeste. Un élément important du traitement est la thérapie des troubles comorbides tels que les addictions, la dépression et les troubles anxieux. Le plus important est toutefois un suivi régulier afin de détecter sans délai une transition potentielle vers la psychose. En règle générale, il est recommandé de commencer un traitement antipsychotique lorsque les symptômes psychotiques sont présents depuis plus d’une semaine et qu’ils sont associés à un handicap fonctionnel. Dans ces conditions, les experts parleraient de transition. Il existe également des études dans lesquelles des antipsychotiques à faible dose ont été utilisés avant même la transition vers la psychose et qui ont montré un effet protecteur sur la progression de la maladie. Mais il manque à ce jour des marqueurs qui justifient une utilisation de principe dans ce groupe d’adolescents, puisque plus de 80% ne développent jamais de schizophrénie.
Il existe également des preuves que les thérapies expérimentales, telles que l’administration de fortes doses d’acides gras oméga-3, entraînent une réduction significative des transitions psychotiques. Des résultats d’études prometteurs sont actuellement examinés dans deux études à grande échelle [13,14].
Traitement d’une maladie schizophrénique
Une fois la schizophrénie installée, un traitement à vie est nécessaire dans plus de 80% des cas. Il est donc important que la personne concernée s’engage dans un accompagnement qui peut durer plusieurs années. Créer la confiance, transmettre une attitude positive et assurer la continuité de la relation thérapeutique sont des éléments importants pour une évolution positive.
Dans la phase aiguë, le traitement médicamenteux est indispensable. Les médicaments de première intention sont les antipsychotiques atypiques [15,16]. Dans la phase aiguë, l’indication d’un traitement hospitalier doit être mûrement réfléchie en raison des conséquences traumatiques possibles pour le patient et ses proches. Cependant, une hospitalisation d’urgence est souvent inévitable en cas de danger pour soi-même ou pour autrui et de décompensation du système familial.
Souvent, les patients ont perdu la capacité de comprendre la maladie à cause de la maladie. La première difficulté dans le traitement des troubles schizophréniques est donc de convaincre les patients de se faire traiter également par des médicaments. L’alliance psychothérapeutique et l’établissement d’une relation de confiance entre le patient, ses proches et le thérapeute ont ici un effet positif.
Les éléments constitutifs du traitement psychothérapeutique sont, outre la psychoéducation détaillée, différentes interventions ayant pour but de réduire le stress vécu et de développer un mode de vie sain qui protège contre les rechutes. En cas d’idées délirantes ou d’hallucinations persistantes, des approches thérapeutiques spécifiques sont utilisées. L’exercice de compétences sociales, accompagné par un thérapeute, est un élément important de la réintégration sociale. La KJPP propose une formation de groupe (DBT-2P) : six à sept jeunes concernés apprennent à développer ensemble des stratégies pour mieux gérer les symptômes psychotiques et la maladie. Outre des éléments psychothérapeutiques, des interventions ergothérapeutiques sont également nécessaires pour entraîner les fonctions cognitives altérées.
Les smartphones peuvent être utiles dans le traitement des enfants et des adolescents : Actuellement, notre centre développe une application qui comprend des éléments psychoéducatifs, des listes de compétences et qui permet de surveiller les symptômes et les rappels de médicaments.
Après la phase aiguë, la prochaine étape importante consiste à préparer soigneusement la réintégration scolaire et professionnelle en informant et en impliquant les institutions concernées. Comme l’ont montré deux études indépendantes en Australie, la possibilité de rester intégré dans le système scolaire, d’une part, et le soutien spécifique pour surmonter les étapes de développement typiques de l’âge, d’autre part, sont décisifs pour un meilleur résultat [17,18].
Littérature :
- Bartlett J : Childhood-onset schizophrenia : what do we really know ? Health Psychol Behav Med 2014 ; 2(1) : 735-747.
- Gochman P, et al : Childhood-onset schizophrenia : the challenge of diagnosis. Curr Psychiatry Rep 2011 ; 13(5) : 321-322.
- David CN, et al : Schizophrénie débutant dans l’enfance : taux élevé d’hallucinations visuelles. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2011 ; 50(7) : 681-686.
- Calderoni D, et al : Differentiating childhood-onset schizophrenia from psychotic mood disorders. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2001 ; 40(10) : 1190-1196.
- Ordonez AE, et al : Résultats de neuroimagerie de patients schizophrènes à début précoce et de leurs frères et sœurs non psychotiques. Schizophr Res 2015. pii : S0920-9964(15)00132-2.
- Rapoport JL, Gogtay N : Childhood onset schizophrenia : support for a progressive neurodevelopmental disorder. Int J Dev Neurosci 2011 ; 29(3) : 251-258.
- Driver DI, et al : Childhood onset schizophrenia and early onset schizophrenia spectrum disorders. Child Adolesc Psychiatr Clin N Am 2013 ; 22(4) : 539-555.
- Fusar-Poli P, et al : The psychosis high-risk state : a comprehensive state-of-the-art review. JAMA Psychiatry 2013 ; 70(1) : 107-120.
- Schimmelmann BG, et al : Pre-treatment, baseline, and outcome differences between early-onset and adult-onset psychosis in an epidemiological cohort of 636 first-episode patients. Schizophr Res 2007 ; 95(1-3) : 1-8.
- Johannessen JO, et al : First-episode psychosis patients recruted into treatment via early detection teams versus ordinary pathways : course and health service use during 5 years. Early Interv Psychiatry 2011 ; 5(1) : 70-75.
- Nordentoft M, et al : The rationale for early intervention in schizophrenia and related disorders. Early Interv Psychiatry 2009 ; 3 Suppl 1 : S3-7.
- Schultze-Lutter F, et al : EPA guidance on the early detection of clinical high risk states of psychoses. Eur Psychiatry 2015 ; 30(3) : 405-416.
- Amminger GP, et al : Long-chain omega-3 fatty acids for indicated prevention of psychotic disorders : a randomized, placebo-controlled trial. Arch Gen Psychiatry 2010 ; 67(2) : 146-154.
- Amminger GP, et al : Résultats à long terme dans la prévention des troubles psychotiques par l’étude Vienna omega-3. Nat Commun 2015 ; 6 : 7934.
- Kendall T, et al : Reconnaissance et prise en charge de la psychose et de la schizophrénie chez les enfants et les jeunes : résumé des lignes directrices du NICE. BMJ 2013 ; 346 : f150.
- Schimmelmann BG, et al : Traitement des adolescents présentant des troubles du spectre schizophrénique précoces : à la recherche d’une approche rationnelle et fondée sur des données probantes. Curr Opin Psychiatry 2013 ; 26(2) : 219-230.
- Amminger GP, et al : Outcome in early-onset schizophrenia revisited : findings from the Early Psychosis Prevention and Intervention Centre long-term follow-up study. Schizophr Res 2011 ; 131(1-3) : 112-119.
- McGorry PD, et al : EPPIC : un système évolutif de détection précoce et de gestion optimale. Schizophr Bull 1996 ; 22(2) : 305-326.
- Sikich L : Diagnostic et évaluation des hallucinations et autres symptômes psychotiques chez les enfants et les adolescents. Child Adolesc Psychiatr Clin N Am 2013 ; 22(4) : 655-673.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2016 ; 14(2) : 8-12