Chez une proportion considérable de patients atteints d’insuffisance rénale nécessitant une dialyse, des valeurs de pression artérielle trop élevées sont responsables en grande partie du stade avancé de la maladie. Un traitement antihypertenseur peut réduire le risque de dysfonctionnement rénal terminal.
La plupart des maladies rénales sont associées à une pression artérielle élevée et, inversement, les personnes souffrant d’hypertension ont un risque accru de développer une maladie rénale. Les interactions dans cette structure sont complexes et sont liées au contrôle de la pression artérielle et de l’équilibre des fluides par la production d’hormones et d’urine par les reins. Cela se reflète notamment dans le fait que l’insuffisance rénale entraîne une surcharge de liquide et de pression dans la circulation sanguine.
L’hypertension augmente le risque de lésions rénales terminales
La maladie rénale chronique (MRC) est un problème de santé de plus en plus fréquent dans le monde et un facteur de risque important de troubles cardiovasculaires [1]. L’hypertension artérielle est à la fois une cause et un effet de l’IRC et touche une grande partie des patients atteints d’insuffisance rénale chronique. La prévalence de l’hypertension artérielle peut atteindre 90% chez les patients européens atteints d’IRC, soit environ trois fois plus que dans la population générale adulte [1]. Si elle n’est pas traitée, l’hypertension entraîne une insuffisance rénale et la nécessité d’un traitement de substitution rénale chez les patients dont la fonction rénale est altérée. Selon les données épidémiologiques européennes, l’hypertension artérielle est la cause d’une lésion rénale terminale chez 10 à 19% des patients sous dialyse [2]. Selon les chiffres du grand registre de données américain (US Renal Data System) [3], les valeurs de pression artérielle trop élevées sont la deuxième cause la plus fréquente de dialyse, les lésions rénales dues à la pression artérielle étant la principale raison de ce traitement de substitution rénale chez près de 30% des patients.
La surveillance de la pression artérielle est importante
Une détection et un traitement précoces de l’hypertension artérielle peuvent retarder ou même prévenir la maladie rénale terminale. Les directives actuelles de l’ESH recommandent, pour des valeurs >130/80 mm Hg, des mesures dans le domaine des facteurs liés au mode de vie (p. ex. réduction de la consommation de sel) et, pour des valeurs >140/90 mm Hg, l’utilisation de médicaments antihypertenseurs [4]. Chez les patients atteints d’IRC, les antihypertenseurs doivent être prescrits plus tôt, car ils ont un effet protecteur sur les reins. De nombreux patients souffrant d’un dysfonctionnement rénal léger ignorent qu’une réduction conséquente de la pression artérielle peut empêcher la progression de la maladie rénale.
La baisse de la pression artérielle est un facteur déterminant pour le DFGe
Une diminution du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) est associée à une augmentation de l’incidence et de la sévérité de l’hypertension [5]. La maladie rénale chronique et l’hypertension artérielle sont toutes deux des facteurs de risque indépendants de troubles cardiovasculaires. Si ces deux problèmes de santé sont comorbides, le risque de maladie cardiovasculaire et de mortalité est augmenté [6]. Selon les lignes directrices KDIGO (“Kidney Disease : Improving Global Outcomes”), le risque de mortalité cardiovasculaire est plus élevé que le risque de maladie rénale terminale en cas d’IRC de grade 3 (eGFR 30-59 mL/min/1,73 m2) ou de grade 4 (eGFR 15-29 mL/min/1,73 m2) [7]. La réduction de la pression artérielle peut ralentir la baisse du DFGe, retarder le développement d’une dysfonction rénale terminale et réduire le risque d’incidents cardiovasculaires dans cette population de patients.
Des valeurs cibles plus basses associées à un taux de MACE plus faible
Une étude randomisée contrôlée [8] a montré que chez les patients souffrant d’une maladie rénale chronique et d’hypertension, une valeur cible systolique de <120 mmHg par rapport à <140 mmHg entraînait une réduction des événements cardiovasculaires et de la mortalité globale. Les sujets ont reçu soit un traitement intensif (n=1330 ; valeur systolique cible <120 mmHg) soit un traitement standard (n=1316 ; valeur systolique cible <140 mmHg). Les patients soumis à un traitement intensif de la pression artérielle avaient un risque d’événement cardiovasculaire majeur (MACE, Major adverse cardiac event) réduit de près de 20% sur une période de 3,3 ans par rapport aux sujets soumis au traitement standard.
Littérature :
- Pugh D, Gallacher PJ, Dhauncorresponding N : Gestion de l’hypertension dans les maladies rénales chroniques Drugs 2019 ; 79(4) : 365-379.
- ERA-EDTA Registry : ERA-EDTA Registry Annual Report 2017 ; disponible à l’adresse suivante : https://era-edta-reg.org/files/annualreports/pdf/AnnRep2017.pdf
- Saran R, et al : US Renal Data System 2014 Annual Data Report : epidemiology of kidney disease in the United States. Am J Kidney Dis 2015 ; 66 : Svii (S1-S305)
- Hamrahian SM, Falkner B : Hypertension dans la maladie rénale chronique. Adv Exp Med Biol 2017 ; 956 : 307-325. doi : 10.1007/5584_2016_84.
- Muntner P, et al : Chronic Renal Insufficiency Cohort (CRIC) Study Investigators. Hypertension awareness, treatment, and control in adults with CKD : results from the Chronic Renal Insufficiency Cohort (CRIC) Study. Am J Kidney Dis 2010 ; 55(3) : 441-451.
- Gansevoort RT, et al : Chronic kidney disease and cardiovascular risk : epidemiology, mechanisms, and prevention. Lancet 2013 ; 382 : 339-352.
- Stevens PE, Levin A : Evaluation and management of chronic kidney disease : synopsis of the Kidney Disease : Improving Global Outcomes 2012 clinical practice guideline. Ann Intern Med 2013 ; 158 : 825-830.
- Cheung AK, et al : Effets du contrôle intensif de la PA dans l’IRC. J Am Soc Nephrol 2017 ; 28 : 2812-2823.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2019 ; 14(11) : 18-19