Dans une interview accordée à HAUSARZT PRAXIS, Barbara Zindel, dipl. physiothérapeute HES, Ligue suisse contre le rhumatisme, le projet “Vivre mobile et en sécurité à domicile”. La phase pilote à Lucerne a été un succès jusqu’à présent. L’objectif est de faire progresser la prévention des chutes dans toute la Suisse grâce à ce projet.
Madame Zindel, le vieillissement de la société est un sujet d’actualité. Les personnes âgées ont également souvent des difficultés à se déplacer. Quelles sont les statistiques sur les chutes en Suisse, quelles sont les évolutions à cet égard au cours des dernières années ?
Barbara Zindel :
L’Office fédéral de la statistique a publié des données qui montrent que la proportion de personnes âgées (plus de 64 ans) est passée de 5,8% à 17,2% entre 1900 et 2011, avec une augmentation particulièrement marquée chez les personnes âgées (80 ans et plus). La société vieillit donc dans son ensemble, ce qui a également des conséquences importantes sur les statistiques relatives aux chutes : En Suisse, un bon tiers des personnes de plus de 65 ans tombent au moins une fois par an. 94% des chutes se produisent à domicile, ce qui a été déterminant pour le lancement de notre projet. 88% des décès suite à une chute concernent des personnes de plus de 65 ans, dont seulement 12% sont plus jeunes.
Quels sont les coûts induits pour l’État ?
Ce thème est important pour la société dans son ensemble, car les coûts consécutifs aux chutes sont énormes : En Suisse, les coûts des blessures dues aux chutes des personnes de plus de 65 ans s’élèvent à environ 1,4 milliard de francs par an. Un autre problème qui entre naturellement en jeu ici est la pathologie de l’ostéoporose, qui est fréquente dans l’ensemble de la société et qui rend les chutes d’autant plus dévastatrices.
Le projet “Vivre chez soi en mobilité et en sécurité” est encore en phase de développement. Que peut-on dire de la situation actuelle ?
Le projet de prévention s’adresse principalement aux personnes âgées de 70 ans et plus environ qui vivent encore chez elles. L’objectif est de permettre à ces personnes de rester le plus longtemps possible dans leur propre environnement, avec une bonne qualité de vie. Nous sommes actuellement en négociation avec deux caisses d’assurance maladie qui souhaitent réduire les coûts liés aux chutes grâce à ces projets de prévention. Une mise en œuvre à l’échelle nationale au cours des prochains mois est donc l’objectif.
Comment se déroule exactement le projet ?
A Lucerne, nous avons réalisé jusqu’à présent 85 évaluations à domicile, 65 femmes et 20 hommes. Actuellement, nos expériences sont évaluées dans le cadre d’un travail de master de la ZHAW : Mais je peux déjà dire que le feedback des patients, des médecins de famille, des services d’aide et de soins à domicile et des physiothérapeutes est majoritairement positif, car le thème de la prévention des chutes est considéré comme extrêmement pertinent. En outre, il semble essentiel que les domaines de compétence des différentes disciplines soient maintenus. Des améliorations sont possibles en ce qui concerne l’uniformisation des critères d’inclusion dans le projet et les relations publiques, qui doivent être davantage développées. En outre, on pourrait simplifier quelque peu les tests que les physiothérapeutes effectuent lors de la consultation avec les personnes concernées.
Comment peut-on concrètement s’imaginer un entretien de conseil ?
Après une première prise de contact par téléphone et par courrier avec les personnes concernées, les kinésithérapeutes se rendent une fois à leur domicile pendant une à deux heures et réalisent avec elles différents exercices moteurs et cognitifs validés qui leur permettent d’évaluer le risque de chute. Par exemple, on mesure le temps nécessaire au patient pour se lever, s’il peut marcher et parler en même temps ou se concentrer sur des choses (double tâche), etc. Un questionnaire est également rempli et l’environnement du domicile est évalué en fonction du risque de chute : Les câbles qui traînent sont rangés, les marches sont équipées de réflecteurs et les tapis sont recouverts de ruban adhésif. De bonnes conditions d’éclairage sont également essentielles. En outre, les physiothérapeutes évaluent les activités quotidiennes des seniors et les aident à améliorer les procédures de manière préventive en ce qui concerne le risque de chute. A la fin, les kinésithérapeutes rédigent un rapport avec des recommandations qu’ils transmettent au médecin de famille concerné et au service de soins à domicile.
Quel est l’avantage d’une telle consultation à domicile par rapport aux cours de prévention ?
Nous avons constaté que les personnes concernées assistent moins souvent aux cours par honte ou parce qu’elles ne peuvent tout simplement pas s’y rendre. L’évaluation à domicile présente en outre l’avantage de pouvoir identifier et résoudre directement les problèmes liés à l’environnement de vie.
Comment les seniors/les personnes menacées de chute accèdent-ils à ce projet ?
Le goulot d’étranglement, ce sont les médecins généralistes. Ils sont en contact direct avec les personnes potentiellement sujettes aux chutes et peuvent les orienter vers nous.
A Lucerne, une information active a été diffusée par le biais de flyers et de l’association des médecins de famille lucernois. Nous avons également informé les services d’aide et de soins à domicile afin qu’ils puissent identifier un cas nécessitant une aide, en informer le médecin de famille et que ce dernier puisse s’adresser à nous. Si le service d’aide et de soins à domicile nous informait qu’il avait transféré quelqu’un, nous pouvions, en l’absence de réponse, relancer le médecin généraliste par téléphone au bout d’une semaine. Parmi les médecins généralistes sollicités, 16% ont profité de l’offre et nous ont activement adressé les personnes à risque de chute. Nous nous efforçons d’augmenter ce chiffre et d’améliorer encore la communication avec les médecins généralistes.
Entretien : Andreas Grossmann
Pour plus d’informations : www.rheumaliga.ch
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2014 ; 9(4) : 8