Si des symptômes d’alarme sont présents en cas de reflux, une œsophagogastroduodénoscopie doit être réalisée. Le traitement repose en premier lieu sur les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Elle est justifiable à titre probatoire en l’absence de symptômes d’alarme. Selon des études récentes, le traitement par IPP semble légèrement supérieur à l’approche chirurgicale. Un ulcère ne peut être diagnostiqué que lors d’une panendoscopie supérieure. Ici aussi, le traitement prévoit une thérapie IPP de plusieurs semaines, tout en recherchant et en éliminant la cause de l’ulcère. Le dépistage de l’Helicobacter pylori peut être invasif ou non invasif, mais dans tous les cas, l’objectif est l’éradication.
Jusqu’à 30% de la population adulte souffre régulièrement de reflux gastro-œsophagien. Les femmes et les hommes sont touchés à égalité et il n’y a pas de pic d’âge dans l’apparition du reflux gastro-œsophagien. Le principal symptôme est une sensation de brûlure rétrosternale (aigreurs d’estomac). D’autres symptômes typiques sont la régurgitation de débris alimentaires, la pression rétrosternale, les remontées d’air, la dysphagie ou les brûlures épigastriques.
Outre les troubles œsophagiens mentionnés, la toux chronique, l’enrouement, les troubles asthmatiques ou l’érosion de l’émail dentaire peuvent également constituer des manifestations extra-œsophagiennes d’un reflux gastro-œsophagien (tableau 1) [1].
Les facteurs prédisposant au reflux gastro-œsophagien sont les hernies hiatales et l’obésité viscérale. Un trouble hypotensif de la motilité de l’œsophage (par exemple en cas de sclérodermie) est également un facteur de risque en raison d’une fonction de clairance œsophagienne insuffisante.
pH-métrie d’impédance de 24h comme gold standard
Lorsqu’un patient se présente au cabinet médical avec des symptômes de reflux, il faut d’abord lui demander de façon ciblée s’il présente des symptômes d’alarme (tableau 2) . Si des symptômes d’alarme sont présents, une œsophagogastroduodénoscopie doit impérativement être réalisée. L’endoscopie permet d’exclure les diagnostics alternatifs (en particulier, bien sûr, les tumeurs). Cela permet également d’évaluer la gravité de l’œsophagite de reflux, ce qui est important pour le pronostic de l’évolution de la maladie de reflux et pour la réponse attendue au traitement par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP).
En l’absence de symptômes d’alarme, un traitement probatoire avec un IPP à une dose de 20-40 mg/j pendant quatre semaines est acceptable en premier lieu. En l’absence d’amélioration au bout de quatre semaines, l’IPP doit être augmenté à deux fois la dose standard et le patient doit être inscrit pour une œsophagogastroduodénoscopie.
Si les résultats endoscopiques sont normaux, il peut néanmoins y avoir un reflux gastro-œsophagien pathologique. On parle alors de reflux gastro-œsophagien non érosif (RGNE). Ce diagnostic ne peut être établi que par pH-métrie d’impédance de 24 heures. La pH-métrie d’impédance de 24h est le gold standard dans le diagnostic du reflux gastro-œsophagien. De même, si l’endoscopie ne révèle rien, les éventuels symptômes extra-œsophagiens doivent être examinés plus avant pour déterminer s’il s’agit d’un reflux gastro-œsophagien, grâce à une pH-métrie à impédance de 24 heures, en raison du large diagnostic différentiel.
Ainsi, cette méthode a permis de montrer que si les IPP suppriment l’acidité gastrique, ils ne réduisent pas le nombre d’épisodes de reflux (non acide). Ils constituent une cause fréquente de symptômes persistants sous traitement. La figure 1 montre un épisode de reflux acide lors d’une pH-métrie d’impédance de 24 heures.
Environ 50% des patients présentant des symptômes de reflux typiques, mais ne répondant pas aux IPP et ayant une endoscopie normale, ne souffrent pas de reflux gastro-œsophagien [2].
Mesures de style de vie et IPP
En modifiant ses habitudes de vie, il est possible de réduire la fréquence et la gravité des symptômes de reflux. Les approches thérapeutiques non médicamenteuses visent à perdre du poids, à éviter de manger juste avant d’aller au lit, à surélever le haut du corps et à éviter individuellement les aliments et les boissons déclencheurs [3].
Les IPP sont le traitement de choix pour les patients souffrant de reflux gastro-œsophagien. Les IPP sont nettement supérieurs aux bloqueurs des récepteurs de l’histamine 2 en ce qui concerne la guérison de l’oesophagite de reflux et le soulagement des symptômes. L’efficacité de tous les IPP disponibles est sensiblement la même. En cas de bonne réponse à un traitement de quatre à six semaines, on peut essayer d’interrompre l’IPP et de passer à un traitement “à la demande” adapté aux besoins. Chez les patients atteints d’œsophagite de reflux érosive de haut grade, le taux de récidive peut atteindre 80% dans l’année qui suit l’arrêt de l’IPP [4]. Le plus souvent, un traitement continu avec la dose la plus faible encore efficace est nécessaire dans ces cas.
Une étude récente menée sur des sujets ne souffrant que de reflux sporadiques a montré que l’arrêt de l’IPP entraînait une augmentation des symptômes de reflux [5]. La question de savoir dans quelle mesure ce “rebond acide” a une pertinence clinique est encore controversée à l’heure actuelle.
Une approche chirurgicale (fundoplicatio) doit être évaluée si…
- … les patients présentent un reflux volumique non contrôlable
- … il existe une absence de suppression de l’acide gastrique documentée par pH-métrie lors de la prise d’IPP à haute dose.
- … une bonne réponse, mais une intolérance sévère aux IPP existe.
Un nouveau travail compare le traitement par IPP à la chirurgie antireflux par laparoscopie. Les deux approches présentent des taux de rémission élevés à cinq ans, le traitement par IPP (92%) semblant légèrement supérieur à l’approche chirurgicale (85%) [6].
Ulcère gastro-duodénal
Dans plus de 90% des cas, l’ulcère gastrique ou duodénal est causé par une infection à Helicobacter pylori et/ou par des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le principal symptôme de l’ulcère est une douleur brûlante dans la partie supérieure de l’abdomen (dyspepsie). En l’absence de signes d’alarme (tableau 2), on peut en premier lieu – comme pour le reflux gastro-œsophagien – faire un essai de plusieurs semaines avec un IPP.
Cependant, un ulcère ne peut finalement être diagnostiqué que lors d’une panendoscopie supérieure. Si tel est le cas, il convient de suivre un traitement de six semaines avec un IPP. Parallèlement, il faut rechercher la cause de l’ulcère et l’éliminer.
Chez les personnes âgées, il est souvent utile de poser des questions spécifiques sur la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ils sont souvent pris pendant des années et le patient ne les perçoit plus comme des médicaments à proprement parler. Pour la prévention des ulcères, il est toujours recommandé de prendre un IPP en même temps que le traitement par AINS. Après le diagnostic d’un ulcère, les AINS ne devraient plus être utilisés à l’avenir chez les personnes concernées.
Test de dépistage de l’Helicobacter pylori
Environ 50% des personnes dans le monde sont infectées par Helicobacter pylori. On distingue deux types de tests : invasifs et non invasifs. Cela signifie qu’il faut d’abord déterminer si le patient a besoin ou non d’une panendoscopie supérieure. Pendant la panendoscopie supérieure, il est alors possible de rechercher Helicobacter pylori par biopsie. En cas de résultat suspect, une biopsie est prélevée pour un examen histologique, qui permet de détecter l’Helicobacter avec une sensibilité de 80 à 95%. Si un examen histologique du tissu gastrique n’est pas nécessaire, Helicobacter pylori peut être recherché à l’aide d’un test rapide uréasique, dont la sensibilité et la spécificité sont de 90-95%. La mise en culture pour Helicobacter pylori ou la recherche par PCR sont peu utilisées au quotidien. La culture n’a de sens qu’en cas de recherche de résistance (sensibilité de 70 à 90%, spécificité de 100%), la PCR en cas d’incertitude persistante (sensibilité et spécificité de 90 à 95%).
En l’absence de symptômes d’alerte et en particulier si l’origine est asiatique, africaine ou du sud-est de l’Europe, il vaut la peine de rechercher Helicobacter pylori de manière non invasive, car la prévalence dans ce groupe de population est nettement >20%. Chez les Suisses et les Suissesses souffrant de troubles dyspeptiques, la prévalence d’Helicobacterest de <20%. Il existe trois options pour le test non invasif :
- Le dosage de l ‘antigène Helicobacter dans les selles(HpSA, sensibilité et spécificité de 85-95%)
- La réalisation d’un test respiratoire à l’urée (sensibilité et spécificité également de 85-95%)
- Le dépistage sérologique (sensibilité : 70-90%).
L’examen sérologique ne convient que pour exclure une infection. L’avantage du dépistage sérologique par rapport à toutes les autres méthodes de test invasives et non invasives est que le résultat est indépendant de la prise d’un IPP. Celui-ci entraîne une diminution de l’activité de l’Helicobacter, raison pour laquelle le test peut alors être faussement négatif. L’intervalle sans IPP doit être d’au moins deux semaines, et après une éradication, il faut attendre au moins quatre semaines avant de procéder à un nouveau test.
Que l’on effectue un test respiratoire à l’urée ou la détermination de l’antigène fécal, cela ne joue aucun rôle en termes de sensibilité/spécificité, et le coût des deux tests est identique, soit environ 50 CHF.
Viser l’éradication
En cas d’infection à Helicobacter avérée, l’éradication doit être recherchée en raison du potentiel cancérigène, même si la souffrance est faible. Les schémas standard de longue date sont les trithérapies avec IPP 2× dose standard/d, clarithromycine 2×500 mg/d et soit amoxicilline 2×1 g/d (schéma français) soit métronidazole 2×500 mg/d (schéma italien). La durée optimale du traitement est de 10 à 14 jours.
La tolérance d’un traitement antibiotique n’est pas bonne, c’est pourquoi la raison la plus fréquente d’un échec thérapeutique n’est pas l’échec proprement dit des antibiotiques, mais une observance insuffisante de la part du patient. Néanmoins, la résistance aux antibiotiques constitue également un problème croissant dans le traitement d’une infection à Helicobacter plyori. Les données les plus récentes montrent un taux de résistance de 38% à la clarithromycine en Autriche et de 34% au métronidazole dans toute l’Europe [7]. La résistance à l’amoxicilline est rare, de l’ordre de 1 à 2 %. Le tableau 3 résume des schémas d’éradication récents. Les recommandations pour le traitement de deuxième ligne sont les IPP, l’amoxicilline et soit la rifabutine (2× 150 mg/d) soit la lévofloxacine (2× 500 mg/d) pendant 10 jours. Une culture avec test de résistance est recommandée en cas d’éradication impérative et d’absence de réponse au traitement de première et de deuxième ligne.
Le contrôle nécessaire du succès de l’éradication dépend de l’indication. Chez les personnes ayant des antécédents d’ulcère ou de néoplasie, le succès doit être contrôlé. En cas de troubles purement dyspeptiques, le nouveau test peut être effectué en cas de troubles récurrents.
Conclusion pour la pratique
- En l’absence de symptômes d’alarme, un essai d’IPP de quatre semaines peut être tenté en cas de dyspepsie ou de troubles du reflux.
- L’étalon-or pour confirmer le diagnostic de la maladie de reflux gastro-œsophagien est la pH-métrie à impédance de 24 heures.
- Le reflux érosif nécessite souvent un traitement continu par IPP à faible dose.
- En cas de douleurs dans la partie supérieure de l’abdomen, il vaut la peine de rechercher Helicobacter pylori.
- Le manque d’observance et la résistance à la clarithromycine et au métronidazole sont des causes fréquentes d’échec thérapeutique primaire.
- Après un traitement d’éradication, il convient d’attendre au moins quatre semaines avant de procéder au test suivant.
Littérature :
- Vakil N, et al : La définition et la classification de Montréal de la maladie de reflux gastro-œsophagien : un consensus mondial basé sur des preuves. Am J Gastroenterol 2006 ; 101 : 1900-1920.
- Mainie I, et al. : Reflux acide et non acide chez les patients présentant des symptômes persistants malgré un traitement acido-suppresseur : une étude utilisant la surveillance combinée de l’impédance ambulatoire et du pH. Gut 2006 ; 55 : 1398-1402.
- Kahrilas PJ, et al : American Gastroenterological Association Institute technical review on the management of gastroesophageal reflux disease. Gastroenterology 2008 ; 135 : 1392-1413.
- Howden CW : Editorial : juste à quel point est-il “difficile” de se retirer d’un traitement par IPP ? Am J Gastroenterol 2010 ; 105 : 1538-1540.
- Reimer C, et al. : Le traitement par inhibiteur de pompe à protons induit des symptômes liés à l’acidité chez des volontaires sains après le retrait du traitement. Gastroenterology 2009 ; 137 : 80-87.
- Galmiche JP, et al. : Chirurgie laparoscopique antireflux vs traitement par ésoméprazole pour le RGO chronique : l’essai clinique randomisé LOTUS. JAMA 2011 ; 305 : 1969.
- Megraud, et al : Helicobacter pylori resistance to antibiotics in Europe and its relationship to antibiotic consumption. Gut 2013 ; 62 : 34-42.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2013 ; 8(9) : 27-30