La sclérose en plaques (SEP) prend souvent une forme clinique progressive à un âge moyen ou plus tard, et le nombre d’adultes âgés atteints de la maladie ne cesse d’augmenter. Le développement de nouvelles stratégies pour traiter les formes progressives de SEP qui ne répondent pas aux traitements modificateurs de la maladie actuellement disponibles nécessite une compréhension plus approfondie des mécanismes par lesquels le vieillissement biologique interagit avec les voies de signalisation pathogènes pour favoriser l’accumulation des handicaps.
(red) La SEP est généralement considérée comme une maladie du jeune adulte. Cependant, ces dernières années, le nombre d’adultes âgés atteints de SEP a considérablement augmenté. Le lien entre l’âge et l’évolution clinique de la SEP est établi depuis longtemps par des études épidémiologiques. Celles-ci montrent qu’un âge chronologique avancé entraîne un risque plus élevé de développer des phénotypes progressifs de la maladie, qui répondent relativement mal aux traitements modificateurs de la maladie (DMT) actuellement disponibles. Bien que le lien entre le vieillissement et la SEP progressive soit hautement reproductible au niveau de la population, il existe des différences significatives dans l’évolution de la maladie chez les personnes atteintes de SEP au même âge chronologique. L’âge biologique, qui reflète les dommages cumulatifs subis par les cellules et les tissus au fil du temps, pourrait permettre de prédire plus précisément la sévérité des conséquences de la SEP.
Le vieillissement biologique est alimenté par des processus cellulaires, moléculaires et épigénétiques qui contribuent aux dommages tissulaires cumulatifs, à la perte de réserve fonctionnelle et à la réduction du potentiel de régénération. L’épuisement des mécanismes compensatoires de réparation des dommages conduit finalement à une perte fonctionnelle, à une fragilité croissante et à une vulnérabilité aux maladies liées à l’âge. Les caractéristiques physiopathologiques de la SEP évoluent avec l’âge. Cela soulève la question de savoir si les marqueurs du vieillissement biologique peuvent être corrélés avec des mesures de résultats cliniques et/ou radiologiques chez les personnes atteintes de SEP ou prédire la réponse thérapeutique aux DMT. Une compréhension plus approfondie des interactions entre les voies de signalisation impliquées dans le processus de vieillissement et la pathogenèse de la SEP pourrait, à terme, conduire à des essais cliniques sur de nouvelles classes de traitements modificateurs de l’évolution de la SEP progressive.
L’âge biologique accélère la SEP
Les résultats obtenus chez les souris EAE et les premières études chez l’homme indiquent que le vieillissement biologique est accéléré dans la SEP. D’un point de vue clinique, l’âge biologique pourrait être plus fortement corrélé à la progression de la SEP et aux résultats du traitement que l’âge chronologique. La vitesse du vieillissement biologique peut varier d’une personne à l’autre. Les mesures ciblant les mécanismes de vieillissement ont le potentiel de modifier le rythme du vieillissement et représentent donc une nouvelle stratégie de traitement potentielle pour atténuer les handicaps et retarder la progression de la SEP.
On ne sait pas actuellement si les DMT influencent les marqueurs du vieillissement biologique et si certaines classes de DMT, y compris celles ayant un effet neuroprotecteur, ont des effets différents sur le rythme du vieillissement. Les sénolytiques sont des médicaments qui ciblent les points faibles des cellules sénescentes et qui font l’objet d’essais cliniques pour le traitement de diverses maladies liées à l’âge. Chez les personnes atteintes de SEP, il existe des preuves de l’augmentation des marqueurs de sénescence dans le sang périphérique et de l’augmentation des cytokines inflammatoires avec l’âge dans le liquide céphalorachidien. Si les marqueurs SASP permettent d’étudier la sénescence, une autre approche consiste à mesurer l’expression des gènes induite par la sénescence, comme p16Ink4a et p21, qui sont des gènes suppresseurs de tumeurs déclenchant un arrêt du cycle cellulaire. L’utilisation supplémentaire de panels d’agrégats ou de marqueurs de sénescence spécifiques à un type de cellule pourrait permettre une identification plus précise des schémas de sénescence. Des études cliniques sur l’impact des marqueurs de sénescence cellulaire sur la progression de la SEP sont encore nécessaires, et des études cliniques sur les sénolytiques dans la SEP restent possibles.
L’âge biologique comme objectif de recherche
La recherche sur le vieillissement biologique dans la SEP a le potentiel de faire évoluer les paradigmes de traitement actuels de la lutte contre les symptômes de la SEP progressive non active vers la modification de la maladie. Cette approche incarne l’hypothèse de la géroscience, selon laquelle un ciblage thérapeutique sur la physiologie du vieillissement peut prévenir ou retarder l’aggravation des maladies liées à l’âge. Il pourrait arriver un moment où le répertoire des traitements de la SEP comprendra des agents qui bloquent les processus de vieillissement afin de prolonger les années sans progression de l’invalidité. D’ici là, un cadre de mesure du vieillissement biologique dans la SEP doit être mis en place afin de valider les mécanismes de vieillissement comme moteurs de la progression de la maladie.
Source : Zhang Y, et al : Biological aging in multiple sclerosis. Mult Scler 2023 Dec ; 29(14) : 1701-1708.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2024 ; 22(6) : 30