Chaque praticien s’efforce de fournir le meilleur traitement possible à ses patients. L’objectif optimal serait, dans la mesure du possible, de guérir la maladie, ou du moins de la stopper, sans induire d’effets secondaires. Pour évaluer les différents régimes thérapeutiques, on a volontiers recours à des recommandations fondées sur des preuves. Mais que signifient les preuves, en particulier dans la pratique clinique quotidienne ?
En médecine, le mot-clé “preuves” inspire une certaine confiance. Les recommandations formulées sur cette base ne s’appuient pas uniquement sur des théories ou des avis d’experts, mais sur des preuves scientifiques. L’objectif est de générer des réponses fiables concernant la gestion optimale du traitement dans l’indication concernée. En conséquence, la pyramide des preuves a été utilisée très tôt pour catégoriser les différentes sources (Fig. 1) [1]. Plusieurs versions de la pyramide des preuves ont été décrites. Mais tous se sont concentrés sur l’utilisation de modèles d’études plus faibles comme base (science fondamentale et séries de cas), suivis par les études cas-témoins et les études de cohorte au milieu, puis les essais contrôlés randomisés (ECR) et tout en haut, les revues systématiques et les méta-analyses. En principe, c’est peut-être vrai. Néanmoins, les essais cliniques ne sont pas exempts d’erreurs. Les biais typiques se situent par exemple au niveau de l’exécution, de l’évaluation ou du reporting. Mais la sélection des patients, le plan de traitement et le setting thérapeutique peuvent également déterminer dans quelle mesure les résultats de l’étude peuvent être généralisés.
La question de la validité des données issues d’essais cliniques fait régulièrement l’objet de débats. Une évaluation récente montre que sur 1640 études analysées qui ont fourni des informations sur le risque de biais, 1013 (62%) étaient associées à un risque de biais élevé (mauvais), 494 (30%) étaient peu claires et seulement 133 (8%) étaient associées à un risque de biais faible [2]. Dès 1994, Doug Altman affirmait : “Nous avons besoin de moins de recherche, d’une meilleure recherche et d’une recherche menée pour les bonnes raisons”. Mais qu’est-ce que cela signifie en termes de mise en œuvre ?
Preuve ne signifie pas nécessairement bien étudié
Si l’on prend des études dans le domaine de la schizophrénie, une méta-analyse sur l’efficacité des antipsychotiques injectables à longue durée d’action (LAI) par rapport aux antipsychotiques oraux pour la prévention des rechutes dans le traitement d’entretien a montré qu’il n’y avait pas de différence significative [3]. Du moins, pas si l’on analyse des essais cliniques randomisés (ECR). En revanche, si l’on inclut également les études de cohorte et les études pré-post dans l’analyse, on constate une supériorité significative de l’IAL par rapport à la voie orale [4]. Mais ce qui a également été souligné, c’est le fait que les patients dans les essais cliniques randomisés sont généralement très adhérents et ne correspondent pas toujours aux clients dans le traitement quotidien [3].
Les études du monde réel constituent-elles une meilleure base de données probantes ?
Les preuves du monde réel (Real World Evidence, RWE) prennent donc de plus en plus d’importance. Elle correspond aux preuves cliniques concernant les avantages, les bénéfices et les risques d’un médicament, obtenues à partir de données du monde réel (Real-World Data, RWD). Ceux-ci sont souvent générés par des études de registres, des études non interventionnelles, des rapports de cas et des rapports d’expérience pratique. L’avantage de la RWD : elle permet de représenter la population réelle de patients. De nombreux patients présentant des comorbidités et des comédications ne sont pas inclus dans les essais cliniques, même s’ils peuvent jouer un rôle important dans la pratique clinique. Par conséquent, les résultats ne sont pas nécessairement directement applicables aux soins quotidiens. RWE comble cette lacune. C’est pourquoi les études du monde réel sont de plus en plus importantes et de plus en plus fréquentes. Une étude multicentrique prospective non interventionnelle de 13 semaines (ACTIVATE) est en cours d’acquisition pour évaluer le profil d’efficacité et de tolérance du brexpiprazole chez des patients adultes atteints de schizophrénie et devant être traités en ambulatoire. L’objectif est d’utiliser les nouvelles connaissances acquises pour organiser la gestion du traitement de manière plus centrée sur le patient – en tenant compte de la réalité de la vie en Suisse.
Congrès : FomF Update Refresher
Littérature :
- Murad, et al : Nouvelle pyramide de preuves. Evid Based Med 2016 ; 21 : 125-127.
- Pirosca, et al : Tolerating bad health research : the continuing scandal. Trials 2022 ; 23 : 458.
- Kishimoto, et al : Long-acting injectable vs oral antipsychotics for relpase prevention in schizophrenia : A meta-Analysis of randomized trials. Bulletin de la schizophrénie 2014 ; 192-213.
- Kishimoto, et al : Long-acting injectable versus oral antipsychotics for the maintenance treatment of schizophrenia : a systematic review and comparative meta-analysis of randomised, cohort and pre-post studies. Lancet Psychiatry 2021 ; 8(5) : 387-404.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2022 ; 20(5) : 24