Rapport de cas : Une fillette de six mois est adressée pour une lésion cutanée cicatricielle circonscrite à l’arrière de la tête, présente depuis la naissance. De plus, les parents signalent une rougeur circulaire persistante dans cette zone. L’anamnèse de la grossesse était sans particularité et l’enfant est né par césarienne à la date prévue.
Tableau clinique : sur le capillitium occipital, dans la zone de la ligne médiane, on observe une tache érythémateuse pâle, solitaire, bien délimitée, de forme ovale et de 5 mm de diamètre. macula atrophique, sans poils, correspondant aspectuellement à une fine membrane parcheminée. La zone bien délimitée est entourée d’une couronne étroite de poils sombres et denses (Fig. 1). L’enfant est par ailleurs en bonne santé et se développe bien.
Quiz
Sur la base de ces informations, quel est le diagnostic le plus probable ?
A Cicatrice après un traumatisme à la naissance
B Aplasie cutis congénitale
C Naevus à poils laineux
D Naevus psiloliparus
Bonne réponse et diagnostic : La bonne réponse est B. Il s’agit d’une aplasie cutis congénitale (ACC) avec ce que l’on appelle un “hair collar sign”.
Discussion : La présentation dans le cas présent correspond à un ACC membraneux de type 1 selon Frieden [1]. (“Scalp ACC without multiple anomalies”), qui est le plus fréquent et est souvent entouré d’un étroit ourlet de cheveux épais et sombres (appelé “hair collar sign”). Il est intéressant de noter qu’une malformation capillaire de type nevus simplex (morsure de cigogne) est généralement observée en périfocal au même endroit, comme on peut le voir clairement sur les images.
L’ACC est un défaut cutané généralement circonscrit, acquis intra-utérin, caractérisé par l’absence d’apposition de l’épiderme et du derme, rarement de couches plus profondes, y compris l’os, la dure-mère et les méninges [1,2]. Les causes évoquées sont des facteurs génétiques, des traumatismes intra-utérins, des infections, des défauts amniotiques et des médicaments tératogènes [1,3]. En s’appuyant sur la classification de Frieden [1], on distingue neuf formes différentes d’ACC. Dans environ 80% des cas, l’ACC est localisée au niveau du cuir chevelu. Le diagnostic de l’ACC est avant tout clinique. L’ACC est rarement associée à des maladies syndromiques (notamment le syndrome d’Adams Oliver et le syndrome de Goltz-Gorlin), des dysplasies ectodermiques, des nevus épidermiques et organoïdes, des dysraphies crâniennes, le fœtus papyracé, l’épidermolyse bulleuse [1]. La plupart du temps, il s’agit d’une maladie sporadique, rarement d’une maladie autosomique dominante. L’aspect clinique de l’ACC est variable en fonction du sous-type. Dans le cas de l’ACC membraneuse isolée de type I, les défauts de la peau sont généralement de taille maximale. 1-2 cm de diamètre [4]. Après la réépithélialisation, qui peut avoir lieu in utero, on observe une cicatrice atrophique, terne et sans poils ; il arrive que plusieurs sites ACC soient adjacents. A la naissance, on observe des zones bien délimitées, érosives ou ulcérées, ou un défaut cutané circonscrit, sans poils, rouge comme du velours, recouvert d’une fine membrane parcheminée (ACC membraneux) (Fig. 2) [1,3]. L’ACC membraneuse, généralement localisée dans la région du vertex au voisinage de la vertèbre capillaire pariétale, est la manifestation la plus fréquente. Le “hair collar sign” (Fig. 2) est considéré par certains auteurs comme un marqueur relativement spécifique de la dysraphie du SNC iS. d’une encéphalocèle (rudimentaire) sous-jacente. Cependant, de nombreux petits ACC membranaires isolés s’accompagnent d’un “hair collar sign” sans qu’il soit possible de déceler des défauts sous-jacents du SNC. Le risque d’une telle malformation, et donc l’indication d’une imagerie spécifique (échographie chez le très jeune nourrisson et imagerie par résonance magnétique), est particulièrement présent dans les situations suivantes :
- défaut important, profond, irrégulier (éventuellement avec croûtes, tissu de granulation, typiquement au vertex)
- défaut osseux palpable
- en cas de hair collar sign très visible et de localisation au milieu de l’occiput inférieur et en haut de l’occipital (fig. 2) ainsi qu’au-dessus de la colonne vertébrale
Chez notre patient, nous avons renoncé à un examen complémentaire d’imagerie en raison de la présentation globalement discrète et de l’absence des critères ci-dessus.
Le traitement des petits ACC membraneux n’est pas obligatoire, mais peut être réalisé au cours de l’évolution pour des raisons esthétiques et consiste en l’excision totale de la lésion. Pour les défauts plus profonds, une couverture chirurgicale par des greffes de peau est indiquée pour éviter les complications [2].
Littérature :
- Paix IJ. Aplasia cutis congenita : a clinical review and proposal for classification. J Am Acad Dermatol 1986 ; 14(4) : 646-660.
- Maillet-Declerck M, Vinchon M, Guerreschi P et al. Aplasia cutis congenita : review of 29 cas and proposal of a therapeutic strategy. Eur J Pediatr Surg 2013 ; 23(2) : 89-93.
- Browning JC. Aplasia cutis congenita : approche de l’évaluation et de la prise en charge. Dermatol Ther 2013 ; 26(6) : 439-444.
- Mesrati H, Amouri M, Chaaben H, Masmoudi A, Boudaya S, Turki H. Aplasia cutis congenita : report of 22 cas. Int J Dermatol 2015 ; 54(12) : 1370-1375.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2016 ; 26(3) : 26-27