Désormais, la sélection d’embryons et le diagnostic préimplantatoire d’embryons sont autorisés par la loi en Suisse. Parallèlement, on observe une tendance “retour à la nature” vers la FIV en cycle naturel – une alternative efficace, souvent peu coûteuse et moins contraignante que la fécondation in vitro classique.
La médecine reproductive suisse subit actuellement des changements. En septembre 2017, la nouvelle loi sur la procréation médicalement assistée est entrée en vigueur en Suisse. Outre la possibilité de sélectionner les embryons pour réduire le risque de gémellité, elle autorise le diagnostic embryonnaire des maladies génétiques. Outre la technicité croissante de la fécondation in vitro suisse qui en découle, il existe toutefois une tendance à “alléger” la médecine de la reproduction et à renoncer en grande partie aux stimulations hormonales (FIV dans le cycle naturel).
Sélection d’embryons
La nouvelle loi sur la procréation médicalement assistée permet désormais de conserver des embryons en culture pendant cinq jours, puis de sélectionner pour le transfert ceux qui présentent le meilleur potentiel de développement (sélection d’embryons). Comme 50% des embryons meurent naturellement entre la fécondation réussie et le cinquième jour de culture, les embryons survivants ont en moyenne un potentiel de développement deux fois plus élevé que la moyenne des embryons au premier jour de culture. Il est ainsi possible de ne transférer qu’un seul embryon par transfert d’embryon, au lieu de deux comme c’était le cas auparavant, tout en conservant les mêmes chances de grossesse. Cela permet de réduire significativement le risque de naissances gémellaires, qui était jusqu’à présent d’environ 20% par traitement FIV en Suisse.
Dans d’autres pays européens, cela a entraîné une réduction considérable du taux de gémellité. Toutefois, dans d’autres pays, il est possible de conditionner le remboursement d’un traitement par FIV au transfert d’un seul embryon. Étant donné qu’en Suisse, la FIV est une prestation exclusivement payée par le patient et que de nombreux couples préfèrent augmenter leurs chances de succès plutôt que de réduire leur risque de gémellité, les prochaines années montreront dans quelle mesure la sélection des embryons et le transfert d’un seul embryon permettront également de réduire le taux de gémellité en Suisse.
Diagnostic préimplantatoire
La nouvelle loi sur la procréation médicalement assistée autorise désormais le diagnostic génétique des embryons. Auparavant, seul le diagnostic des ovocytes était autorisé. Le DPI désigne toutes les procédures d’analyse génétique des ovocytes ou des embryons avant leur implantation, c’est-à-dire avant que l’embryon ne s’implante dans la muqueuse utérine (diagnostic préimplantatoire, DPI). Le DPI est le terme générique pour toutes les procédures d’analyse génétique sur les gamètes et les embryons avant leur implantation. Il s’agit notamment de
DPI, diagnostic préimplantatoire : le DPI au sens strict désigne l’analyse génétique ciblée sur une maladie héréditaire spécifique. L’analyse porte soit sur les ovocytes par diagnostic des globules polaires (DPC), soit sur les embryons par biopsie trophectodermique (TE) (Fig. 1). Le DPI permet d’identifier de manière fiable les ovocytes ou les embryons qui ne présentent pas la modification génétique recherchée et qui peuvent donc être utilisés ultérieurement.
PIS, screening préimplantatoire : le PIS est une analyse génétique non ciblée (screening) des ovocytes ou des embryons et sert principalement à identifier et à exclure (screening des aneuploïdies) les embryons présentant des anomalies chromosomiques (aberrations) lors d’un traitement par FIV, et qui ont un potentiel de développement limité. L’exclusion de ces embryons aneuploïdes, dont le nombre augmente considérablement avec l’âge de la femme (Fig. 2), permet d’augmenter les chances de grossesse par transfert, mais pas par prélèvement d’ovocytes.
Pour qui le DPI et le PIS sont-ils indiqués et réalisables ?
Le DPI par biopsie embryonnaire est autorisé si la maladie est susceptible de se déclarer avant l’âge de 50 ans et s’il n’existe pas d’autre traitement approprié. Ces critères n’existent pas pour l’examen des ovocytes, de sorte qu’il est possible d’examiner les ovocytes pour toutes les maladies héréditaires pour lesquelles une mutation est connue comme cause.
Le DPI n’est généralement réalisable qu’en cas d’aberrations chromosomiques familiales et, surtout, en cas de maladies monogéniques. Les maladies les plus fréquemment diagnostiquées par DPI sont les maladies héréditaires liées au chromosome X telles que le syndrome de l’X fragile, la dystrophie musculaire (type Becker et Duchenne) et l’hémophilie, les maladies héréditaires autosomiques dominantes telles que la chorée de Huntington, la dystrophie myotonique de type I et la neurofibromatose, ainsi que des maladies autosomiques récessives telles que l’amyotrophie spinale, la fibrose kystique, la bêta-thalassémie et le syndrome drépanocytaire.
Chez les femmes ayant subi au moins trois avortements habituels idiopathiques consécutifs, un PIS peut être envisagé, car l’utilisation d’embryons euploïdes réduit le taux d’avortement. Cependant, une thérapie FIV coûteuse et contraignante est toujours nécessaire. Ainsi, cette procédure n’est indiquée qu’en cas d’exposition exceptionnelle à un grand nombre d’avortements.
Le DPI et le PIS ne peuvent être réalisés efficacement que si les chances de succès d’un traitement par FIV sont en principe élevées. En conséquence, la femme ne doit pas être âgée de beaucoup plus de 35 ans et doit encore disposer d’une bonne réserve ovarienne d’au moins 1 ng/ml (7,14 pmol/ml), de préférence 2 ng d’AMH i.S..
Combien coûte un traitement ?
Une FIV classique coûte au minimum environ CHF 7000. La biopsie des ovules et des embryons ainsi que le diagnostic génétique coûtent en outre plusieurs milliers de francs. S’il s’agit d’une mutation rare, l’ensemble du diagnostic génétique doit être établi individuellement avant la FIV, ce qui représente un surcroît de travail. Par conséquent, le coût total d’un cycle de traitement complet devrait être supérieur à 10 000 CHF si la facturation est exacte. Jusqu’à présent, les coûts ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie.
Où le DPI est-il effectué ?
En principe, chaque centre de fertilité peut réaliser un DPI et un SIP. Le diagnostic des maladies génétiques requiert un niveau élevé de consultation et de collaboration interdisciplinaire avec les centres de génétique humaine, de sorte que le DPI est plutôt prédestiné aux centres universitaires. Afin de garantir une qualité de traitement élevée, l’Association suisse des centres universitaires (pid-schweiz.ch) a été créée.
“Congélation sociale”
Depuis quelques années, le thème de la “congélation sociale chez les femmes” domine régulièrement les médias et est principalement associé à l’incompatibilité entre carrière et famille. Mais des études [1] montrent désormais que c’est plutôt l’absence de partenaire qui est à la base du désir de conserver les ovocytes. En Suisse, la conservation des ovocytes est limitée à dix ans.
Le taux de réussite dépend notamment du nombre individuel d’ovocytes à obtenir et de l’âge de la femme. Bien qu’il soit possible de répondre à la question du succès escompté par des modèles de calcul, le taux de réussite individuel est difficile à calculer.
Dans le tableau 1, les données des registres de FIV ainsi que les résultats des études du groupe de travail de Cobo et al. [2] a calculé le taux de réussite pour deux groupes d’âge. La probabilité de naissance est donc d’environ 50% par cycle de stimulation chez les femmes de moins de 35 ans – avec une réserve ovarienne adaptée à l’âge – (en utilisant tous les embryons à transférer). Pour une femme âgée de 36 à 40 ans, elle n’est plus que d’environ 20%.
Dans ce contexte, il ne faut pas non plus négliger l’aspect monétaire qui ne permet pas à toutes les femmes de recourir à la “congélation sociale”. Ainsi, chaque tentative de stimulation et chaque ponction folliculaire coûte environ CHF 5000. La cryoconservation des ovocytes est facturée en sus, y compris des frais de stockage annuels, à environ CHF 300-400.
Les coûts élevés et les chances de réussite limitées doivent être pris en compte lors de la consultation, tout comme les risques obstétricaux et les aspects sociaux d’une grossesse et d’une maternité tardives. Malgré toutes les controverses, la possibilité de recourir à la “congélation sociale” reflète un aspect de l’évolution de la société en matière de procréation et de planification familiale. Même si l’on peut s’interroger sur le rapport coût/bénéfice du “social freezing” et sur sa pertinence, il s’agit d’une nouvelle technique qui est devenue un complément accepté du planning familial dans certaines couches de la société et qui est également acceptée par les éthiciens suisses. Il n’est donc plus d’actualité de présenter le souhait de recourir à la “congélation sociale” comme une manière d’agir égoïste de la part de femmes qui s’inquiètent de pouvoir concilier leur vie professionnelle et leur maternité avec le bon partenaire au bon moment.
FIV dans le cycle naturel
La première grossesse FIV réussie au monde a été obtenue après une FIV à cycle naturel (“natural cycle-IVF”, NC-IVF), c’est-à-dire après une FIV sans aucune administration d’hormones et avec une folliculogenèse naturelle. Peu de temps après, les gonadotrophines ont été utilisées pour permettre une augmentation du taux de grossesse par une stimulation polyfolliculaire et le transfert consécutif de plusieurs embryons (FIV classique).
Le souhait de nombreuses femmes de prendre le moins d’hormones possible, les progrès réalisés dans la réalisation de la FIV NC et les nouvelles connaissances sur les avantages de ce traitement font que les couples s’y intéressent de plus en plus et que cette thérapie est de plus en plus utilisée dans des centres désignés.
Efficacité de la FIV dans le cycle naturel
Qu’entend-on par “efficacité” ? Le taux de grossesse ou le taux d’accouchement par transfert, par mois, par franc, par temps passé par la patiente, par unité de stress ? Les spécialistes de la médecine de la reproduction et les couples ont souvent des points de vue différents à ce sujet. Ainsi, pour certains couples, la longueur de la thérapie joue un rôle moins important, mais le fait d’éviter la stimulation hormonale, d’éviter la sélection des ovules et des embryons par le laboratoire et d’éviter la cryoconservation et le stockage des embryons surnuméraires. Ces points montrent que “l’efficacité” est plus que le taux de naissance par cycle de FIV initié. Mais comme ces points sont difficiles à résumer, nous allons tout de même nous pencher sur le taux de réussite par traitement FIV.
Si l’on calcule le taux de réussite par transfert, le facteur le plus important pour le succès d’une thérapie FIV NC est l’âge de la femme (Fig. 3). Il est vrai que
- Plus la femme est jeune, plus les chances de succès sont élevées (Fig. 3)
- Les thérapies FIV NC sont moins lourdes psychologiquement que les traitements FIV classiques [3].
- Le délai d’obtention d’une grossesse est 30% plus long avec une FIV NC, mais le coût par grossesse obtenue est 30% moins élevé [4].
- La charge de travail en termes de nombre de consultations est la même pour trois cycles de FIV NC que pour une FIV classique [4].
Il convient de noter que le traitement par FIV NC ne convient pas à tous les couples (aperçu 1). En raison de ces caractéristiques, la FIV NC est préférée par de nombreuses femmes. Comme environ un tiers à la moitié des couples sont bien adaptés à cette technique et que de nombreuses femmes préfèrent ce traitement, la FIV NC est également de plus en plus pratiquée en Suisse. Elle requiert toutefois une expertise particulière et une spécialisation dont seuls quelques centres en Suisse disposent à ce jour. Certains de ces centres ont rejoint le réseau de compétences “FIV-Naturelle” organisé par le Kinderwunschzentrum à Berne (ivf-naturelle.ch).
Messages Take-Home
- La nouvelle loi sur la procréation médicalement assistée autorise la réalisation d’une sélection d’embryons, ce qui permet de réduire le risque de grossesses gémellaires. Il permet également de réaliser des diagnostics préimplantatoires (DPI) sur les embryons. Ainsi, en cas de maladie génétique grave connue, la survenue d’une grossesse avec un défaut génétique peut être évitée. Le DPI est une prestation à la charge du patient et est principalement pratiqué par des centres de FIV universitaires (pid-schweiz.ch).
- La motivation pour une “congélation sociale” est généralement l’absence de partenaire ou l’inquiétude de ne pas en trouver un à temps.
- La FIV en cycle naturel, c’est-à-dire sans stimulation par gonadotrophines, est désormais une alternative efficace, souvent peu coûteuse et moins contraignante que la FIV classique. En Suisse, elle est développée par le centre de fertilité de la clinique gynécologique universitaire de Berne et réalisée dans des centres reconnus (ivf-naturelle.ch).
Littérature :
- Woodtli N, et al. : Attitude envers la cryopréservation de tissus ovariens et d’ovocytes pour des raisons non médicales – une étude intersectionnelle. Arch Gynecol Obstet [in press].
- Cobo A, et al : La vitrification ovocytaire comme option efficace pour la préservation sélective de la fertilité. Fertil Steril 2016 ; 105 : 755-764.
- Haemmerli Keller K, et al : Treatment related psychological stress in different IVF therapies with and without gonadotropin stimulation. Acta Obstet Gynecol Scand 2018 ; 97 : 269-276.
- von Wolff M, et al : Modified natural cycle in-vitro fertilization – an alternative IVF treatment with lower costs per achieved pregnancy but longer treatment time. J Reprod Med 2014 ; 59 : 553-559.
- Franasiak JM, et al : La nature de l’aneuploïdie avec le vieillissement du partenaire féminin : un examen de 15,169 biopsies trophectodermiques consécutives évaluées avec un dépistage chromosomique complet. Fertil Steril 2014 ; 101 : 656-663.
- von Wolff M, et al. : Seuls l’âge de la femme et la durée de l’infertilité sont des facteurs pronostiques pour le taux de réussite de la FIV à cycle naturel. Front Endrinol [in press].
- Sänger N, von Wolff M : carrière ou enfants ? Que conseiller ? Rôle de la congélation sociale. Endocrinologie gynécologique [in press].
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2018 ; 13(7) : 16-19