L’hétérogénéité de l’arthrite psoriasique (PsA) laisse supposer qu’il existe un nombre élevé de manifestations non diagnostiquées. Les critères de classification CASPAR fournissent une orientation. Les concepts thérapeutiques devraient être multimodaux – soutenus par une large gamme de médicaments, qui sont systématisés ici.
L’arthrite psoriasique (PsA) est une maladie rhumatismale inflammatoire qui touche les hommes et les femmes dans les mêmes proportions (1:1) et présente des formes d’évolution hétérogènes [1]. Autrefois considérée comme la “sœur jumelle” de la polyarthrite rhumatoïde (PR), la pathogenèse et les cytokines pro-inflammatoires impliquées (facteur de nécrose tumorale-α (TNF-α), interleukine (IL)-12/23, interleukine (IL)-17, phosphodiestérase (PDE)-4) suggèrent un lien plus étroit à la fois avec les spondylarthritiques séronégatives et avec les syndromes auto-inflammatoires [1].
Les données d’études épidémiologiques antérieures estimaient que la PsA se manifestait chez 7 à 20 % des patients atteints de psoriasis vulgaire (PsO) [2]. Des données récentes font état d’une prévalence plus élevée de l’infection articulaire (environ 30%) et soulignent qu’en raison de l’hétérogénéité de la maladie, il existe un nombre élevé de manifestations non diagnostiquées [2]. En conséquence, une bonne collaboration interdisciplinaire entre les dermatologues et les rhumatologues est essentielle. Il est important de mettre en place des procédures de dépistage appropriées, par exemple au moyen de questionnaires standardisés et de consultations communes, afin de garantir un diagnostic et une mise en place du traitement précoces.
Phénotypes de PsA
Moll et Wright ont décrit cinq sous-types de PsA en fonction de leur manifestation dominante [3]. Ils ont ainsi distingué une forme d’évolution symétrique, proche de la PR, des formes oligoarticulaires, asymétriques avec ou sans atteinte axiale. Il existe également des formes mono- ou oligoarticulaires qui ressemblent à de l’arthrite urique avec une atteinte du gros orteil ou des grosses articulations (genou, OSG), ainsi que des formes proches de l’arthrose qui touchent notamment les articulations interphalangiennes distales (DIP).
Les critères de classification CASPAR (tableau 1) et, pour la spondylarthrite périphérique, les critères de classification ASAS (tableau 2), conçus avant tout pour les études cliniques, offrent une aide au diagnostic de la PsA.
Outre l’étendue et la forme du psoriasis, le schéma d’atteinte articulaire (axiale, périphérique) ainsi que l’enthésite (fig. 1) et la dactylite (fig. 2) typiquement présentes dans la PsA, voire d’autres manifestations extra-articulaires telles que l’uvéite, sont des facteurs décisifs pour le traitement de la PsA.
Options thérapeutiques actuelles des différentes formes de PsA
Le traitement de l’arthrite psoriasique suit les directives actuelles de la European League Against Rheumatism [4] (EULAR) et les directives du groupe d’experts commun pour la PsO et la PsA : Group for Research and Assessment of Psoriasis and Psoriatic Arthritis (GRAPPA).
L’objectif du traitement doit être la rémission clinique et en laboratoire de la maladie dans les trois à six mois, bien que les scores d’activité soient souvent plus difficiles à appliquer pour la PsA que pour la PR [6].
En principe, c’est le symptôme principal qui détermine le choix de l’agent thérapeutique. Les formes légères d’arthralgies et/ou d’arthrites intermittentes n’affectant que quelques articulations peuvent être traitées avec succès par des AINS associés à des injections intra-articulaires de glucocorticoïdes [4,5]. Une infiltration locale de glucocorticoïdes peut également être tentée dans un premier temps en cas d’inflammation périarticulaire des articulations des doigts ou des orteils (dactylite). En cas d’oligo- ou de polyarthrite et/ou de dactylite persistantes, ainsi qu’en présence de facteurs pronostiques défavorables, notamment de modifications structurelles déjà détectables radiologiquement, les traitements de fond conventionnels (cDMARDs, par ex. MTX, léflunomide, salazopyrine) constituent le traitement de choix [4]. Malheureusement, le niveau de preuve pour le traitement avec les cDMARDs repose sur des données peu nombreuses et il n’existe pas de grands essais contrôlés randomisés qui démontrent les avantages des cDMARDs.
Si la peau et les articulations sont touchées, le méthotrexate (MTX) est généralement utilisé comme traitement de première intention à la dose de 15 mg/semaine s.c. [4,5]. Cela repose sur une bonne expérience clinique et un taux d’adhésion élevé. En cas de substitution adéquate en acide folique et de bonne tolérance, il est possible d’augmenter la dose jusqu’à 25 mg/semaine, en fonction de l’activité de l’arthrite périphérique et de l’étendue du psoriasis [4,5].
Une étude a montré que 22% des patients sous MTX atteignent une faible activité de la maladie après trois mois [7], alors qu’une étude antérieure n’a pas démontré d’effet clair sur l’arthrite périphérique [8]. L’atteinte axiale ne devrait pas être affectée par le MTX. Si l’atteinte articulaire périphérique est dominante et qu’il existe une intolérance au MTX, on peut utiliser comme alternative le léflunomide ou la sulfasalazine qui, contrairement au MTX, n’ont pratiquement aucun effet sur l’atteinte cutanée [4,5].
En cas d’échec des cDMARD, l’efficacité, tant pour la PsO que pour la PsA, a été démontrée pour chacun des cinq bloqueurs du TNF-α autorisés : Adalimumab, Certolizumab, Etanercept, Golimumab, Infliximab. L’étanercept présente une réponse plus faible ou retardée concernant la PsO par rapport aux autres [4,5]. En outre, les inhibiteurs du TNF-α sont recommandés en première intention par l’EULAR pour l’enthésite réfractaire aux AINS et l’atteinte axiale [4], car les cDMARD n’ont pas d’efficacité sur ces phénotypes de PsA et les données de sécurité disponibles dans les registres internationaux sont plus complètes que celles concernant les nouvelles classes de substances.
Nouvelles cibles dans la PsA
L’aprémilast, un DMARD synthétique ciblé (ts), un inhibiteur de la PDE-4, occupe une place particulière. Il est utilisé après l’échec du MTX en cas d’activité modérée de la maladie et surtout en cas de contre-indications à un traitement biologique (comorbidités, risque d’infection) [9]. Les études actuelles ont démontré un effet modéré sur la peau, l’affection articulaire et l’enthésite, avec un bon profil de sécurité et une administration per os [9]. L’aprémilast peut donc être considéré comme un traitement de fond efficace après les cDMARD et avant l’utilisation de médicaments biologiques.
Enfin, le blocage de l’IL-12/23 et de l’IL-17 est crucial et constitue une cible puissante pour l’inhibition de l’activité inflammatoire de la PsA, en particulier lorsqu’il s’agit de l’enthésite et, dans le cas de l’IL-17, de l’atteinte axiale.
L’ustékinumab, un inhibiteur de l’IL-12/23, est efficace à la fois dans le psoriasis cutané et dans la PsA active qui ne répond pas aux cDMARD [10]. Une analyse récente a même montré une supériorité de l’ustékinumab sur l’adalimumab dans le traitement de l’enthésite [11].
Le sécukinumab, inhibiteur de l’IL-17, a en outre une bonne efficacité sur l’atteinte axiale dans la PsA et peut être introduit alternativement en cas d’échec du TNF-α-bloquant pour changer le mode d’action [12]. Selon les recommandations du GRAPPA, contrairement aux recommandations de l’EULAR, ces médicaments peuvent être utilisés au même titre que les bloqueurs du TNF-α dans les formes actives de PsA après échec des cDMARD et dans les enthésites réfractaires aux mesures locales et aux AINS [5]. En pratique clinique, ils sont plus souvent envisagés comme agents biologiques de seconde ligne lorsqu’un traitement par TNF-α-bloqueur a échoué et que le changement de mode d’action est prometteur.
Considérations finales
Nous disposons désormais d’un large éventail de médicaments pour le traitement de la PsA et l’utilisation ciblée de ces substances nous permet d’optimiser les résultats cliniques et ceux définis par les patients (qualité de vie, douleur, fatigue [Fatigue]).
Dans le cas de la PsA, une approche thérapeutique multimodale est nécessaire pour identifier précocement les comorbidités potentielles (syndrome métabolique, maladies cardiovasculaires, dépression) et améliorer le résultat à long terme (capacité de travail, mortalité).
D’autres piliers thérapeutiques importants pour le maintien et l’amélioration de la fonction articulaire comprennent des traitements réguliers de physiothérapie et d’ergothérapie, ainsi que des instructions sur la protection des articulations et l’éducation des patients, qui contribuent à l’information des patients sur leur maladie et à leur responsabilisation.
Enfin, une partie décisive d’un concept thérapeutique global est l’échange interdisciplinaire entre les dermatologues et les rhumatologues traitants.
Messages Take-Home
- Un diagnostic et un traitement précoces de l’arthrite psoriasique (PsA) sont essentiels pour le résultat clinique et fonctionnel.
- Le traitement de la PsA dépend de la forme de manifestation et de l’activité de la maladie.
- Les bloqueurs du TNF-α conservent une place importante dans le traitement des formes actives de PsA.
- Les nouvelles cibles prometteuses dans le traitement de la PsA sont l’IL-12/23, l’IL-17 et la PDE-4.
Littérature :
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