L’autorisation de mise sur le marché du mogamulizumab, un anticorps anti-CCR4, permet pour la première fois aux patients atteints de lymphome cutané à cellules T (CTCL) des sous-types mycosis fongoïde (MF) et syndrome de Sézary (SS) de bénéficier d’une intervention non chimiothérapeutique efficace après un traitement systémique préalable. Cette option thérapeutique innovante a montré une amélioration significative de la survie sans progression et une réponse à long terme dans les compartiments sanguin et cutané par rapport au traitement de référence.
Le lymphome cutané à cellules T (CTCL) est caractérisé par la migration de cellules T dégénérées dans la peau [3]. Cette maladie rare mais grave peut toucher les compartiments de la peau, du sang, des ganglions lymphatiques et des organes internes [4,5]. Les sous-types les plus fréquents sont le MF et le SS, comme l’a montré le professeur Reinhard Dummer, Zurich [3,5–7]. Les taches rouges et les plaques sont typiques. Elles présentent des similitudes avec d’autres maladies de la peau et sont donc souvent attribuées à un psoriasis ou à un eczéma [8]. Il s’écoule donc en moyenne deux à sept ans avant que le diagnostic ne soit posé, un temps précieux pendant lequel la maladie peut progresser [8]. En effet, dès les premiers stades, jusqu’à 34% des patients atteints de MF subissent une progression de la maladie [7]. Au stade avancé, seuls 52% des personnes atteintes survivent plus de cinq ans [9].
Besoin élevé d’une thérapie efficace
Un diagnostic précoce des CTCL est essentiel pour initier une gestion efficace du traitement. Outre l’augmentation du risque de mortalité, les patients souffrent également d’une dégradation massive de leur qualité de vie, selon l’expert [10]. Le but du traitement devrait donc être la rémission dans les compartiments concernés, le soulagement des symptômes et la minimisation de la progression de la maladie [11].
Anticorps anti-CCR4 approuvé
Le mogamulizumab (Poteligeo®) est le premier traitement par anticorps autorisé en Suisse pour les patients adultes atteints de CTCL avec MF ou SS et ayant reçu au moins un traitement systémique antérieur [1]. L’autorisation de mise sur le marché est basée sur les résultats de l’étude de phase III MAVORIC [2]. Randomisés selon un rapport 1:1, 372 patients ont reçu soit du mogamulizumab 1,0 mg/kg i.v. par semaine pendant les 28 premiers jours et à J1 et J15 des cycles suivants, soit du vorinostat 400 mg par jour (non autorisé en Suisse). Emmanuella Guenova, Lausanne, le mogamulizumab a prolongé la PFS médiane de plus du double par rapport au vorinostat (7,7 mois contre 3,1 mois) (Fig. 1) [2]. En outre, le traitement par anticorps a entraîné une réponse globale plus élevée – en particulier dans les compartiments de la peau (41,9% vs. 15,6%) et du sang (66,9% vs. 18,4%) [1]. La durée médiane de la réponse a été de 20,6 et 25,5 mois respectivement [2]. Une amélioration de la qualité de vie a également été obtenue chez 80% des patients au cours du 11e cycle de traitement [12]. Dans l’ensemble, le traitement par mogamulizumab a été bien toléré et a montré un profil de sécurité gérable [2,13]. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés étaient les réactions liées à la perfusion (30%) et les éruptions médicamenteuses (21,5%) [1].
Source : Kyowa Kyrin
Littérature :
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InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2023 ; 11(2) : 19