La gestion des lipides en cas de risque cardiovasculaire (CV) élevé prévoit d’atteindre des valeurs cibles définies pour le LDL-C [1]. Dans les directives actualisées de l’ESC figurent désormais pour la première fois des recommandations structurées pour le suivi et l’intensification des traitements hypolipémiants (LLT) après un syndrome coronarien aigu (SCA) [2]. Ces directives misent sur une réduction rapide et intensive du LDL-C, notamment par une utilisation précoce de PCSK9i.
Les SCA englobent un éventail de maladies qui incluent, entre autres, l’angor instable et l’infarctus aigu du myocarde (IAM) [2]. De faibles taux de LDL-C constituent une base importante pour la prévention d’un SCA, et les valeurs cibles recommandées dans le cadre de la gestion des lipides ont continué à baisser au fil des ans, à chaque mise à jour des directives [2, 3]. La dernière mise à jour des directives de l’ESC a mis en évidence que l’obtention rapide des valeurs optimales de LDL-C fait également partie intégrante du suivi du SCA. Grâce à des directives plus structurées, l’intensification systématique du LLT devrait désormais être plus rapide si les valeurs cibles du LDL-C ne sont pas atteintes après un SCA. Dans ce contexte, les PCSK9i doivent être ajoutés le plus tôt possible au LLT lorsque les valeurs cibles ne sont pas atteintes avec le traitement oral optimisé par des statines et l’ézétimibe [2].
Une gestion rapide et efficace des lipides dès l’hospitalisation
Un taux de LDL-C plus faible est associé à un risque CV plus faible [4]. C’est la raison pour laquelle, en prévention secondaire, en présence d’un risque CV très élevé, la valeur cible du LDL-C est < 1,4 mmol/l et même < 1,0 mmol/l [2]en cas d’événements récurrents. Si, après un SCA, les valeurs cibles n’ont pas été atteintes ou ont été réduites à hauteur de <50% de la valeur initiale, la nouvelle recommandation prévoit que le LLT soit intensifié dès l’hospitalisation [2].
Assurer le suivi grâce à des contrôles réguliers
Les directives actualisées soulignent l’importance d’un bon suivi à la suite d’un SCA. Il est désormais recommandé de procéder à un contrôle régulier du LDL-C après la sortie de l’hôpital, à intervalle de 4 à 6 semaines (fig. 1) [2]. Si les objectifs de LDL-C ne sont pas atteints avec la dose maximale de statine tolérée, l’ajout d’ézétimibe est recommandé. L’introduction d’un traitement par PCSK9i est prévue si, après 4 à 6 semaines de traitement combiné par une statine et l’ézétimibe, le taux de LDL-C cible reste dépassé [2].

Figure 1) Recommandations actuelles pour le suivi ambulatoire en cas de SCA. Le LLT doit être initié ou intensifié dès l’hospitalisation lorsque les valeurs cibles du LDL-C ne sont pas atteintes. Après chaque période de 4 à 6 semaines, le LLT doit être intensifié davantage si les valeurs cibles de LDL-C ne sont toujours pas atteintes. aTenir compte du taux de LDL-C < 1,0 mmol/l en cas d’événement récurrent. Adapté d’après Byrne et al. 2023 [2].
Le rôle des PCSK9i dans la gestion des lipides après un SCA
Les directives actuelles sur la prise en charge du SCA mettent en avant le rôle des PCSK9i, qui se sont avérés ces dernières années être un traitement adjuvant (add-on) efficace pour réduire le LDL-C lorsqu’un traitement oral optimisé par des statines ± l’ézétimibe ne suffit pas [5, 6]. L’effet préventif de la réduction du LDL-C par les PCSK9i repose entre autres sur une meilleure stabilisation des plaques d’athérosclérose par rapport à un traitement optimisé par une statine seule [7]. En conséquence, l’étude à long terme FOURIER-OLE menée avec l’évolocumab (Repatha®) a démontré qu’une initiation précoce du traitement par PCSK9i était associée à un risque plus faible d’événements CV à long terme (période d’observation de 8,4 ans) [8]. Même en situation aiguë après un SCA ou un IAM, le traitement adjuvant par l’évolocumab a entraîné une diminution rapide du LDL-C et une réduction significative du risque d’événements CV sévères [9, 10]. Le profil de sécurité et d’efficacité convaincant, tant dans l’utilisation à long terme en prévention secondaire que dans le cadre d’un traitement aigu, appuie la recommandation d’une intensification rapide au moyen des PCSK9i [9, 11]. Il convient de noter que la limitation actuelle pour le remboursement des PCSK9i en prévention secondaire suppose le dépassement d’un taux de LDL-C de 1,8 mmol/l malgré un traitement par une statine à haute dose ± l’ézétimibe d’au moins 3 mois [12].
Conclusion
Outre le principe «The lower the better» (plus il est bas, mieux c’est), la mise à jour des directives défend désormais également la devise «Strike early and strike strong» (frapper tôt et frapper fort). C’est ce que doit permettre une prise en charge structurée de suivi à la suite d’un SCA au moyen d’une intensification rapide du LLT lorsque les valeurs cibles du LDL-C ne sont pas atteintes [2]. Il devrait donc y avoir à l’avenir encore plus de patientes et patients qui atteindront plus rapidement leurs taux de LDL-C cibles après un SCA et feront ainsi durablement baisser leur risque CV.

Selon vous, quelle est l’importance de la réduction la plus précoce et la plus intensive possible du LDL-C après un SCA et quel est le rôle des PCSK9i dans ce contexte?
Si l’on considère les récentes données d’études, il apparaît qu’une réduction agressive et immédiate du LDL-C après un SCA est cruciale. Il est évident que l’ampleur de la réduction du taux de LDL-C que nous pouvons obtenir avec les PCSK9i par rapport aux statines seules est nettement plus importante. Cela nous ouvre de nouvelles perspectives de traitement dont nous ne disposions pas par le passé. Il apparaît donc clairement que les PCSK9i jouent un rôle clé dans le traitement de l’hypercholestérolémie dans la phase précoce après un SCA.
Selon vous, des mesures s’imposent-elles en Suisse pour améliorer la gestion des lipides chez les patientes et les patients en prévention secondaire et pour atteindre plus rapidement des taux de LDL-C inférieurs?
Les données concernant l’atteinte des valeurs cibles de LDL-C, par exemple un an après un SCA, sont en effet extrêmement préoccupantes. Un grand nombre de patientes et de patients n’atteint pas les valeurs cibles de LDL-C recommandée dans les dernières directives émises par l’ESC. Je suis convaincue que de grands progrès sont encore possibles dans ce domaine, d’autant plus que nous disposons désormais de moyens extrêmement performants qui nous permettent, dans la plupart des cas, d’atteindre ces objectifs. Aujourd’hui, un immense travail reste cependant à faire pour protéger au mieux nos patientes et nos patients dans ce domaine.
Pensez-vous qu’une mise en œuvre selon des directives reposant sur une recommandation structurée pour le suivi et l’intensification pourrait aider à améliorer la situation en Suisse?
Il s’agirait là d’un pas dans la bonne direction. Selon moi, la recommandation d’une intensification rapide du traitement est la nouveauté la plus importante, car elle n’est actuellement pas encore systématiquement mise en pratique. La réduction rapide du LDL-C directement après un SCA est essentielle, en recourant à un traitement par une statine de haute intensité à forte dose associé à de l’ezetimibe et en ajoutant précocement un PCSK9i chez les patientes et les patients qui n’atteignent pas les valeurs cibles malgré un traitement per os maximal. La réalisation d’un contrôle précoce après 4 à 6 semaines est évidemment une condition indispensable pour mener à bien le cas échéant une intensification du traitement. La mise en pratique de cette recommandation nécessitera un changement de notre façon de faire. Néanmoins, je pense que ces nouvelles propositions montrent la direction à suivre et que leur mise en oeuvre contribuera à améliorer le traitement de l’hypercholestérolémie.
Comment évaluez-vous en particulier les examens de suivi recommandés dans un délai de 4 à 6 semaines? Y a-t-il des problèmes ou des défis à relever lors de leur mise en œuvre? Si oui, existe-t-il des solutions?
L’examen de suivi précoce est un élément clé de l’abaissement rapide et conséquent du LDL-C. Cependant, il faudra préciser la répartition des tâches entre le médecin-traitant, le cardiologue et même le réadaptateur afin de définir qui se chargera de ce premier contrôle. D’autre part, du fait de leur coût considérable, il existe des conditions qui régissent la prise en charge des PCSK9i et qui ne permettraient pas le remboursement d’un tel traitement dans les délais préconisés par les recommandations.
Ainsi, il apparaît que ces recommandations sont pertinentes mais que leur mise en oeuvre nécessitera quelques adaptations.
Abréviations
SCA = syndrome coronarien aigu; IAM = infarctus aigu du myocarde; CV = cardiovasculaire; ESC = European Society of Cardiology (Société européenne de cardiologie); LDL-C = low-density lipoprotein cholesterol (cholestérol à lipoprotéines de basse densité); LLT = lipid-lowering treatment (traitement hypolipémiant); PCSK9i = inhibiteur de la proprotéine covertase subtilisine/kexine de type 9.
Information professionnelle abrégée de Repatha® (évolocumab)
Ce rapport spécial a bénéficié du soutien financier d’Amgen Switzerland AG, Rotkreuz.
CHE-145-0424-80015 04/2024
Références
1 Mach, F., et al., 2019 ESC / EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J, 2020. 41(1): p. 111 – 188.
2 Byrne, R. A., et al., 2023 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes. Eur Heart J, 2023. 44(38): p. 3720 – 3826.
3 De Backer, G., et al., European guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice. Third Joint Task Force of European and other Societies on Cardiovascular Disease Prevention in Clinical Practice (constituted by representatives of eight societies and by invited experts). Atherosclerosis, 2004. 173(2) : p. 381 – 91.
4 Ference, B. A., et al., Low-density lipoproteins cause atherosclerotic cardiovascular disease. 1. Evidence from genetic, epidemiologic, and clinical studies. A consensus statement from the European Atherosclerosis Society Consensus Panel. Eur Heart J, 2017. 38(32) : p. 2459 – 2472.
5 Sabatine, M. S., et al., Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease. N Engl J Med, 2017. 376(18) : p. 1713 – 1722.
6 Schwartz, G. G., et al., Alirocumab and cardiovascular outcomes after acute coronary syndrome. New England Journal of Medicine, 2018. 379(22) : p. 2097 – 2107.
7 Nicholls, S. J., et al., Effect of Evolocumab on Coronary Plaque Phenotype and Burden in Statin-Treated Patients Following Myocardial Infarction. JACC Cardiovasc Imaging, 2022. 15(7) : p. 1308 – 1321.
8 O’Donoghue, M. L., et al., Long-Term Evolocumab in Patients with Established Atherosclerotic Cardiovascular Disease. Circulation, 2022. 146(15) : p. 1109 – 1119.
9 Koskinas, K. C., et al., Evolocumab for Early Reduction of LDL Cholesterol Levels in Patients With Acute Coronary Syndromes (EVOPACS). J Am Coll Cardiol, 2019. 74(20) : p. 2452 – 2462.
10 Gencer, B., et al., Efficacy of Evolocumab on Cardiovascular Outcomes in Patients With Recent Myocardial Infarction: A Prespecified Secondary Analysis From the FOURIER Trial. JAMA Cardiol, 2020. 5(8) : p. 952 – 957.
11 Gaba, P., et al., Association Between Achieved Low-Density Lipoprotein Cholesterol Levels and Long-Term Cardiovascular and Safety Outcomes: An Analysis of FOURIER-OLE. Circulation, 2023. 147(16) : p. 1192 – 1203.
12 Liste des spécialités de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). http://www.listedesspecialites.ch; dernière consultation: 19.01.2024.
Les professionnels de santé peuvent demander les références correspondantes auprès de l’entreprise.