Antécédents : chez cette patiente de 49 ans, non atopique (pas de pollinose, d’asthme ou d’autres allergies), trois épisodes de réactions allergiques sont survenus en l’espace de six mois, tous en rapport avec l’ingestion d’aliments, sans effort physique concomitant (il ne s’agit donc pas d’une “food-dependent, exercise-induced anaphylaxis”) [1].
Le premier épisode s’est produit après avoir mangé une pizza margherita dans un take-away. 30 minutes après le repas, des nausées, des démangeaisons et un exanthème généralisé sont apparus. De plus, elle avait une sensation de gonflement dans la gorge. L’administration d’une ampoule de Tavegyl® i.v. et de 100 mg de Spiricort® per os a été suivie d’une régression rapide des symptômes.
Le deuxième épisode est survenu deux mois plus tard après avoir mangé un “guetzli” destiné aux patients atteints de la maladie cœliaque. La patiente a également ressenti de la tachycardie et des bouffées de chaleur et a immédiatement pris les médicaments d’urgence.
le troisième épisode similaire s’est produit six mois après le premier épisode à Munich après avoir mangé une dinde avec des ingrédients. Une consultation allergologique a ensuite eu lieu dans mon cabinet à l’hôpital de Zollikerberg.
Évaluation
Le premier épisode après la consommation d’une pizza à emporter m’a rappelé un cas grave d'”allergie à la pizza” que j’avais diagnostiqué et publié en 2003 dans le service d’allergologie de l’USZ [2], raison pour laquelle j’ai ciblé l’enquête allergologique.
Bilan allergologique
Prick-tests avec des aliments et des épices : en cas de réactions très fortement ou fortement positives au phosphate de codéine (+++) et à l’histamine (++) et de réaction négative au contrôle du glycérol de la série d’aliments, une réaction immédiate positive à l’arachide (+) et de la série d’épices au mélange de curry a été observée. Tous les autres allergènes inhalés et alimentaires testés étaient négatifs.
Sérologie (UNILABS) :
- IgE sériques totales : dans la norme avec 31,0 kU/l (<100).
- Tryptase (marqueur d’une mastocytose [okkulten] ) : dans la norme avec 6,4 μg/l (>11,4).
- IgE spécifiques (RAST/CAP) :
– Lupin (graines, farine) : nettement positif avec 4,19 kU/l (CAP classe 3) (norme <0,35 kU/l).
– Arachide : limite positive avec 0,63 kU/l (CAP classe 1).
– soja, rGly m4, rTri α19-oméga-5-gliadine, poivron et curry avec <0,35 kU/l tous négatifs.
Diagnostic
Réactions allergiques récurrentes en cas de sensibilisation monovalente au lupin.
Commentaire
L’enquête sur l’allergie a confirmé l’allergie au lupin suspectée sur la base de la publication décrite ci-dessus [2]. Comme cette réaction allergique monovalente est survenue chez une patiente qui n’était pas atopique par ailleurs, il s’agit d’une allergie alimentaire de type C selon la classification de W. Pichler [3].
La farine de lupin (Lupinus albus), de la famille des légumineuses (Leguminosae) (Fig. 1), est aujourd’hui largement utilisée dans l’industrie alimentaire, notamment comme additif aux farines de céréales et comme émulsifiant (par exemple, la baguette parisienne contient également de la farine de lupin !)
Il peut y avoir une sensibilisation croisée avec l’arachide et d’autres légumineuses (Fig. 2), mais des allergies isolées au lupin existent également.
Notre patiente présente une sensibilisation croisée à l’arachide (IgE CAP classe 1) douteux, d’autres sensibilisations aux légumineuses, comme le soja, rGly m4 (allergène rec. dans le soja), la gomme adragante (E413, additif alimentaire provenant de l’arbuste asiatique Astragalus, famille des Fabacaee, ajouté comme agent de remplissage, stabilisant, épaississant ou gélifiant, par exemple dans les sauces à salade, les fourrages pour pâtisseries et les glaces) ont pu être exclues par sérologie. Une allergie ingestive au blé a été exclue par un taux d’IgE négatif pour la rTri α19-omega-5-gliadine (principal allergène de la farine de blé) [1]. Le prick-test positif pour le curry s’est avéré non spécifique (sIgE pour le paprika, et curry négatif avec <0,35 kU/l). Il est possible que de la farine de lupin ait été ajoutée dans le biscuit coeliaque. Le lupin a été ajouté a posteriori par l’UE et la Suisse à la liste des aliments qui doivent toujours être déclarés dans les produits alimentaires confectionnés et fabriqués industriellement. Cela ne s’applique toutefois pas aux produits alimentaires en vente libre.
Un médicament d’urgence (2 comprimés d’un antihistaminique et 100 mg de prednisolone) a été remis par mesure de sécurité – en cas d’ingestion accidentelle de farine de lupin, par exemple dans des pains, des biscuits, des pâtes, etc. Bien entendu, la patiente doit lire attentivement l’étiquette des aliments confectionnés.
Littérature :
- Wüthrich B : Quel est votre diagnostic ? (Quiz) : Anaphylaxie alimentaire induite par l’effort en cas de forte sensibilisation aux protéines de céréales , en particulier à la rTri α19-omega-5-gliadine. DERMATOLOGIE PRAXIS 2013 ; 1 : 25 et 32-33.
- Wüthrich B, Mittag D, Ballmer-Weber BK : La pizza : une source d’allergènes inattendus – réaction anaphylactique à la farine de lupin dans la pâte à pizza et dans un pain d’épices. Allergologie 2004 ; 27 : 495-502.
- Pichler WJ : Allergies alimentaires à médiation IgE. Classification basée sur la voie de sensibilisation. Allergologie 1998 ; 21 : 441-445.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2014 ; 24(2) : 26-27
DERMATOLOGIE PRAXIS 2018 ; édition spéciale (numéro anniversaire), Prof. Brunello Wüthrich