La détection précoce est décisive pour les possibilités de traitement de cette maladie multisystémique avec implication cutanée. Les crises de Raynaud sont souvent à un stade précoce et doivent toujours faire l’objet d’un examen plus approfondi. Outre les médicaments, des méthodes non pharmacologiques sont de plus en plus utilisées pour soulager les symptômes et améliorer la qualité de vie. La transplantation de cellules souches autologues est l’une des nouvelles approches systémiques actuellement à l’étude.
La sclérodermie systémique (SSc) continue d’être létal mais, grâce aux progrès dans la compréhension de la pathogenèse de la maladie et à l’amélioration du diagnostic et du traitement, elle perd de plus en plus son caractère effrayant du passé.
Amélioration du pronostic de l’évolution grâce à des thérapies ciblées sur les organes
Ainsi, les taux de survie à 10 et 20 ans des personnes atteintes de sclérodermie systémique limitée cutanée (lSSc) – dont fait partie le syndrome dit CREST, un terme devenu superflu – ne se distinguent plus guère aujourd’hui des collectifs de comparaison sans sclérodermie [7,10]. Dans le cas de la sclérodermie systémique diffuse cutanée (dSSc), on parvient de plus en plus à ralentir et à bloquer partiellement l’évolution de la maladie grâce à l’utilisation précoce de thérapies ciblées sur les organes. Dans ce contexte, la transplantation autologue de cellules souches de la SSc, toujours risquée, suscite de plus en plus d’intérêt. Cette évolution positive s’accompagne d’une attention accrue portée par la médecine aux nombreuses contraintes somatiques et psychiques individuelles, parfois graves, de la sclérodermie, une maladie chronique multisystémique. Outre le traitement médicamenteux symptomatique, les traitements non médicamenteux d’une médecine spécialisée (physiothérapie, ergothérapie, drainage lymphatique manuel, massage du tissu conjonctif, orthophonie, thérapie respiratoire réflexe, photothérapie dermatologique, thérapie d’entraînement médical, psychologie, médecine nutritionnelle) jouent ici un rôle important.
Une étiopathogénie complexe pas encore totalement élucidée
On ne sait toujours pas clairement comment, dans la sclérodermie systémique (SSc), les différents mécanismes immunitaires, les modifications vasculaires et la surproduction de tissu conjonctif collagène sont liés. La question de savoir si la SSc est une maladie auto-immune, c’est-à-dire si des réactions immunitaires mal orientées sont à l’origine de la maladie ou s’il s’agit en premier lieu d’une vasculopathie suivie d’une inflammation et de réactions immunitaires aberrantes, n’est pas non plus définitivement résolue. D’autres experts considèrent que le principal trouble de la SSc est la dérégulation du métabolisme du tissu conjonctif, analogue à un trouble de la cicatrisation des plaies, par exemple à la suite d’un traumatisme [2].
Les succès thérapeutiques actuels concernent d’une part les troubles circulatoires de la sclérodermie et ses complications : phénomène de Raynaud secondaire, ulcérations digitales, hypertension artérielle pulmonaire, crise rénale aiguë ; d’autre part la sclérose de la peau et la fibrose pulmonaire. Le diagnostic précoce des différentes complications d’organes ainsi que leur traitement précoce jouent ici un rôle clé. Il est possible qu’il existe dans un avenir proche une “fenêtre d’opportunité” [5] qui, si elle est reconnue et exploitée à temps, pourrait contribuer à stopper l’évolution de la sclérodermie.
Recommandations de bonnes pratiques cliniques
Les critères de classification ACR-EULAR pour la sclérodermie systémique, reformulés en 2013, se distinguent des critères de classification ACR de 1980, qui étaient en vigueur jusqu’alors, par la prise en compte du phénomène de Raynaud, des télangiectasies et des modifications de la SSc au microscope capillaire, ainsi que du gonflement des doigts (appelé “puffy hands”), du profil d’anticorps spécifique et de l’hypertension artérielle pulmonaire. Cela permet de mieux détecter les stades précoces de la maladie ainsi que les personnes atteintes d’une SSc limitée [1].
Il est important que, chez les adultes, la première apparition d’une crise de Raynaud conduise déjà à la détermination des anticorps antinucléaires (ANA) spécifiques de la sclérodermie dans le sérum et à l’examen des capillaires des doigts au microscope capillaire (clarification de la question d’un schéma de lésions typique de la sclérodermie), afin de détecter suffisamment tôt une sclérodermie systémique débutante. Cela est particulièrement vrai pour les crises de Raynaud asymétriques (atteinte d’un seul doigt) et lorsque les premiers gonflements des doigts apparaissent également. La grande sensibilité de ces mesures diagnostiques simples a une grande importance pour le diagnostic précoce de la sclérodermie systémique : on sait ainsi que la moitié des lésions des organes internes peuvent être détectées dans les deux ans suivant la première crise de Raynaud [6]. Étant donné que le dépistage précoce de la sclérose en plaques passe essentiellement par la peau et les vaisseaux proches de la peau et que les modifications de la peau sont également très importantes pour la morbidité globale de la sclérodermie au cours de son évolution, les dermatologues, en tant qu’experts de l’organe cutané, devraient continuer à surveiller et à accompagner activement cette maladie complexe.
Les recommandations pour le dépistage d’organes dans le cadre de la SSc (examens de base et examens progressifs) sont résumées dans le tableau 1 . Les recommandations actuelles pour les traitements médicamenteux de la sclérose en plaques en fonction des organes, selon les études (si elles existent) ou selon les accords/recommandations des comités d’experts internationaux, complétées par des propositions de traitement non médicamenteux de la sclérose en plaques, qui reflètent essentiellement l’expertise du Centre européen de rééducation pour la sclérodermie de la Reha Rheinfelden, sont présentées dans le tableau 2 .
Messages Take-Home
- Les progrès réalisés dans le domaine des méthodes diagnostiques et thérapeutiques permettent de ralentir l’évolution de la maladie et d’augmenter l’espérance de vie. Des évaluations diagnostiques minutieuses et un dépistage précoce sont essentiels pour adapter au mieux le traitement aux symptômes et doivent être répétés à intervalles réguliers.
- L’objectif premier des thérapies médicamenteuses liées aux organes est de restaurer la capacité fonctionnelle des organes affectés par la maladie multisystémique. Outre les approches médicamenteuses, des méthodes non pharmacologiques sont de plus en plus utilisées pour soulager les symptômes et améliorer la qualité de vie.
- En ce qui concerne les mécanismes pathologiques de la sclérodermie systémique, de nombreuses questions restent ouvertes et de nouvelles options thérapeutiques systémiques (par exemple, la transplantation de cellules souches autologues) sont encore en cours de validation.
Littérature :
- Allanore Y, et al : Sclérose systémique. Nat Rev Dis Primers 2015 Apr 23 ; 1 : 15002. doi : 10.1038/nrdp.2015.2.
- Denton C, Khanna D : Sclérose systémique. Lancet 2017 ; 390 : 1685-1698.
- Fernández-Codina A, et al : Algorithmes de traitement pour la sclérose systémique selon les experts. Arthritis & rheumatology 2018 ; 70 : 1820-1828.
- Frech T, et al : Low-dose naltrexone for prurit in systemic sclerosis. Int J Rheumatol 2011 : 804296. Publié en ligne 2011 Sep 12. doi : 10.1155/2011/804296
- Guiducci S, Bellando-Randone S, Matucci-Cerinic M : Une nouvelle façon de penser la sclérose systémique : l’opportunité d’un diagnostic très précoce. Isr Med Assoc J 2016 ; 18 : 141-143.
- Jaeger VK, et al : Incidences et facteurs de risque des manifestations organiques au début de la sclérose systémique : une étude longitudinale EUSTAR. PLos One 2016 ; 11 : e0163894 : doi : 10.1371/journal.pone.0163894. eCollection 2016.
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- Knobler R, et al : European Dermatology Forum S1-guideline on the diagnosis and treatment of sclerosing diseases of the skin, Part 1 : localized scleroderma, systemic sclerosis and overlap syndroms. J Eur Acad Dermatol Venereol 2017 ; 31(9) : 1401-1424.
- Kowal-Bielecka O, et al : Update of EULAR recommendations for the treatment of systemic sclerosis. Ann Rheum Dis 2017 ; 76(8) : 1327-1339.
- Simeon-Aznar CP, et al : Registre du réseau espagnol pour la sclérose systémique : survie, facteurs pronostiques, et causes de décès. Medicine (Baltimore). 2015 Oct ; 94(43) : e1728. doi : 10.1097/MD.0000000000001728.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2019 ; 29(3) : 19-23