La simple phrase à retenir “SO STONED” peut faciliter le diagnostic des vertiges. Quelle est l'”empreinte” laissée par le vertige positionnel, la migraine vestibulaire, la névrite et autres dans cet outil d’anamnèse standardisé ?
“SO STONED” [1] est une phrase simple, applicable aussi bien dans la pratique de la médecine générale que dans les services d’urgence, pour approcher le diagnostic des vertiges en huit dimensions (après avoir exclu un accident vasculaire cérébral comme cause [2]). Il s’agit de :
- Symptômes
- Combien de fois?
- Depuisquand ?
- Déclencheurde symptôme
- Otologie
- Neurologie
- Évolutiondes symptômes
- Durée.
L’anamnèse est essentielle chez un patient souffrant de vertiges afin d’en déterminer l’étiologie potentielle. Cependant, elle est également sujette à erreur, car le vocabulaire utilisé pour décrire les troubles de l’équilibre et de l’orientation peut être très imprécis et varie considérablement d’un individu à l’autre.
“Dans un premier temps, il s’agit donc avant tout d’établir le profil temporel, symptomatique et déclencheur de la maladie de la manière la plus complète, standardisée et rapide possible”, explique le professeur Floris Wuyts, MD, Anvers. “La détermination et le contrôle de notre orientation corporelle dans l’espace sont extrêmement complexes : les informations provenant des systèmes gravicepteurs des organes internes, de l’entrée proprioceptive, de l’organe de l’équilibre proprement dit de l’oreille interne et de la perception visuelle sont traitées dans le cerveau et influencent notre stabilisation du regard, notre orientation et notre navigation dans l’espace, notre équilibre et notre fonction autonome ainsi que le rythme circadien. Comme la plupart des formes de vertige – du moins dans leur expression typique – laissent une empreinte digitale claire dans les dimensions de SO STONED, un premier diagnostic différentiel devient ainsi beaucoup plus facile. Bien entendu, d’autres examens suivront, qu’ils soient cliniques, de laboratoire ou éventuellement d’imagerie”.
Le tableau 1 met en lumière les différentes dimensions de “SO STONED” de manière un peu plus détaillée.
Cas 1 : Vertiges quasi quotidiens depuis quelques semaines
Dans plusieurs présentations de cas, le professeur Wuyts a abordé les différents diagnostics différentiels des vertiges, toujours sur la base de l’adage “SO STONED”. Dans le premier cas, l'”empreinte digitale” était la suivante : S (vertige rotatoire), O (presque tous les jours), S (depuis quelques semaines), T (se retourner dans le lit, se pencher en avant, mouvements généraux de la tête, se lever, attraper quelque chose au-dessus de la tête), O (rien de spécial), N (rien de spécial), E (amélioration progressive, mais toujours pas bien), D (secondes).
Solution : Le vertige positionnel paroxystique périphérique bénin ou VPPB, qui peut d’ailleurs être facilement expliqué au patient à l’aide d’une “boule à neige” – par exemple, celles avec une petite maison miniature à l’intérieur, etc. – peut être traité par différentes manœuvres de physiothérapie (manœuvres de réduction aussi ciblées que possible au lieu de Brandt-Daroff). Pour le canal postérieur, il existe les manœuvres d’Epley et de Semont : les deux ont de bons taux de guérison, mais la première est plus souvent utilisée dans les pays germanophones et anglophones et peut être plus facilement répétée par le patient lui-même si le traitement chez le médecin n’a pas été efficace immédiatement ou en cas de récidive. Chez certaines personnes souffrant de fortes nausées, un accompagnement (pré)médicamenteux avec, par exemple, du dimenhydrinate, est nécessaire pour pouvoir effectuer correctement (et sans crainte) les manœuvres de libération. Si l’anamnèse révèle un VPPB relativement typique, mais que le nystagmus est absent ou atypique, il faut penser à d’éventuels diagnostics différentiels.
Cas 2 : Crises réversibles répétées, parfois pendant plusieurs jours, avec céphalées
Le deuxième cas est également relativement typique, avec l'”empreinte digitale” suivante : S (crises de vertige), O (variable, tous les jours à certaines périodes, puis seulement quelques fois par mois ou par mois), S (plusieurs mois), T (mouvement, mais aussi spontané), O (rien), N (de temps en temps maux de tête/migraines, nausées dues au mouvement), E (une montée et une descente), D (secondes, minutes, heures, jours).
Solution : Pour les migraines vestibulaires définitives et probables, il existe les critères diagnostiques de Lempert et al. qui existent depuis 2012. [3]. Pourtant, de nombreux médecins généralistes continuent de négliger cette pathologie, ce qui ne rend probablement pas compte de sa fréquence réelle dans la population. Il existe une association et une difficulté à faire la distinction clinique avec la maladie de Ménière (en particulier en l’absence de perte d’audition). Une migraine vestibulaire définitive est définie par
A : au moins cinq épisodes de symptômes vestibulaires d’intensité modérée à sévère, sur une période de cinq minutes chacun (somme de plusieurs crises) à 72 heures.
B : Antécédents actuels ou passés de migraine avec/sans aura selon l’ICHD
C : Symptômes de migraine (unilatérale/pulsations/douleur modérée à sévère/aggravation par les activités de routine et phonophobie, photophobie, aura visuelle) pendant au moins la moitié des crises de vertige.
D : Non explicable par une autre maladie.
Dans la forme “probable”, un seul des critères B/C est rempli. Pour le traitement, on utilise, en plus du sommeil, de l’alimentation et de l’hygiène quotidienne (comme pour la migraine classique) et de l’évitement du café, la flunarizine ou (également en fonction des comorbidités correspondantes) par exemple le propranolol/métoprolol, le topiramate. En cas de crises de vertige prolongées de plus de 30 minutes, un traitement non spécifique par un antivertigineux peut en outre être administré pendant l’épisode.
Cas 3 : Vertiges rotatoires sévères et persistants après un rhume
Le cas suivant “SO STONED” fait immédiatement suspecter un diagnostic : S (début aigu avec vertiges rotatoires sévères avec nausées et vomissements, vacillements latéraux, oscillopsie), O (unique, non répétitif), S (depuis quelques jours, le patient avait auparavant une infection grippale/un rhume), T (à chaque mouvement de la tête, mais symptômes également présents lorsque le patient est tranquillement couché dans son lit), O (rien, i.e. pas de perte auditive, d’acouphènes ou de sensation de pression), N (rien, i.e. pas de céphalée/migraine, pas de paresthésie), E (s’améliore progressivement), D (jours).
Solution : La névrite est environ la quatrième maladie vestibulaire la plus fréquente. Une infection virale/lésion inflammatoire de la partie (généralement supérieure) du nerf vestibulaire, par exemple par réactivation du HSV-1, peut en être la cause. La fonction vestibulaire périphérique se rétablit dans 40 à 63% des cas, selon le traitement par corticostéroïdes, et le taux de récidive est d’environ 2% à dix ans [4]. Outre le traitement temporaire par glucocorticoïdes, un traitement symptomatique de courte durée par antiémétiques/antitigineux peut être utile dans les premiers jours d’une névrite vestibulaire en cas de nausées et de vomissements prononcés. Une mobilisation précoce et progressive ainsi que des exercices de physiothérapie vestibulaire ou des exercices d’entraînement sont également nécessaires. Entraînement de l’équilibre.
Cas 4 : Crises de vertige fréquentes, durant de quelques secondes à quelques minutes
Une femme de 33 ans présente le profil de vertiges suivant : S (vertiges, étourdissements), O (tous les jours), S (depuis un an), T (changement de position, rotation de la tête en conduisant), O (perte auditive unilatérale, acouphènes bilatéraux), N (céphalées, douleurs cervicales), E (s’aggrave), D (régulièrement, de quelques secondes à quelques minutes). L’examen clinique révèle un nystagmus horizontal positionnel.
Solution : Il s’agit d’une paroxysmie vestibulaire, c’est-à-dire d’un contact vaisseau-nerf ou d’un conflit neurovasculaire avec transmission de l’excitation par voie éphaptique, visible à l’IRM. L’aperçu 1 présente les critères de maladie en vigueur depuis 2016 [5]. Certains patients signalent des symptômes auditifs pendant les crises, notamment des acouphènes ou une hypacousie. C’est surtout lors d’un examen au cours d’une crise que l’on constate un nystagmus horizontal et torsionnel se déplaçant vers l’oreille concernée. Les résultats de l’IRM mentionnés ci-dessus sont également observés chez environ 30% des personnes en bonne santé ne présentant aucun symptôme. Le traitement de choix est l’administration progressive de carbamazépine (Tegretol®) pendant au moins quatre semaines. Les diagnostics différentiels peuvent être par ex : VPPB, maladie de Menière et migraine vestibulaire. La paroxysmie vestibulaire se caractérise par des symptômes quotidiens semblables à ceux du VPPB (changement de position de la tête ou du corps), avec toutefois un nystagmus non typique du VPPB en position de Dix-Hallpike. Les crises très brèves surviennent plusieurs fois par jour, les troubles existent souvent depuis des mois ou des années, l’IRM montre les résultats neurovasculaires. Les patients répondent à la carbamazépine, la rééducation vestibulaire a tendance à aggraver les symptômes.
Source : Assemblée de printemps de la SGORL, 21-22 juin 2018, Bâle
Littérature :
- Wuyts FL, Van Rompaey V, Maes LK : “SO STONED” : Approche de sens commun du patient Dizzy. Front Surg 2016 Jun 1 ; 3 : 32.
- Kattah JC, et al : HINTS to diagnosis stroke in the acute vestibular syndrome : three-step bedside oculomotor examination more sensitive than early MRI diffusion-weighted imaging. Accident vasculaire cérébral 2009 Nov ; 40(11) : 3504-3510.
- Lempert T, et al : Migraine vestibulaire : critères de diagnostic. J Vestib Res 2012 ; 22(4) : 167-172.
- Brandt T, et al : Long-term course and relapses of vestibular and balance disorders. Restor Neurol Neurosci 2010 ; 28(1) : 69-82.
- Strupp M, et al : Paroxysme vestibulaire : Critères de diagnostic. J Vestib Res 2016 ; 26(5-6) : 409-415.
HAUSARZT PRAXIS 2018 ; 13(8) – publié le 7.7.18 (ahead of print)