Il existe aujourd’hui plusieurs options thérapeutiques dont il a été démontré qu’elles améliorent le contrôle de la maladie et des symptômes du vitiligo. Mais il semble y avoir des lacunes dans les soins cliniques quotidiens. Par exemple, une étude britannique portant sur plus de 17 000 patients a montré que, bien que les corticostéroïdes topiques (TCS) soient majoritairement utilisés comme traitement de première ligne, comme le recommandent les recommandations, il s’écoule en moyenne trois ans après le diagnostic du vitiligo avant qu’un premier traitement spécifique au vitiligo ne soit administré.
Le vitiligo est une maladie auto-immune chronique qui se caractérise par une perte de mélanocytes, ce qui entraîne des zones de peau dépigmentées circonscrites de taille variable. La prévalence des cas de vitiligo diagnostiqués en Europe est estimée entre 0,2% et 0,8%. Les personnes touchées par le vitiligo ont une charge de morbidité importante – le vitiligo peut avoir un impact profond sur la qualité de vie et est associé à d’autres maladies auto-immunes ainsi qu’à l’apparition fréquente de troubles psychologiques. Eleftheriadou et al. ont évalué rétrospectivement les données de 17 239 patients atteints de vitiligo [1]. Pour leurs analyses, les chercheurs ont utilisé des données collectées et archivées dans la pratique quotidienne au Royaume-Uni dans le cadre du Clinical Practice Research Datalink (CPRD), qui est lié à l’Hospital Episode Statistics (HES). Au total, CPRD Aurum contient les données d’environ 40 millions de patients enregistrés depuis 1995. La cohorte d’incidence de la présente étude comprenait des patients âgés de ≥12 ans au moment du premier diagnostic de vitiligo. La période d’étude complète s’étendait du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2021. L’incidence moyenne du vitiligo par rapport à cette période était de 0,16 pour 1000 personnes-années. Les comorbidités les plus fréquentes après le diagnostic du vitiligo étaient le diabète (19,4%), l’eczéma (8,9%), les maladies de la thyroïde (7,5%) et la polyarthrite rhumatoïde (6,9%) (Fig. 1 ) [1].
Une personne sur quatre présente des symptômes de dépression ou d’anxiété
Les comorbidités psychiatriques les plus fréquentes enregistrées à un moment ou à un autre dans la cohorte d’incidence étaient les troubles dépressifs (18,5%) et l’anxiété (16,0%), la dépression et/ou l’anxiété ayant été enregistrées chez 24,6% des patients. Les troubles du sommeil et les tendances suicidaires ont été signalés à un moment ou à un autre par 12,7% et 7,1% des patients respectivement, dont 3,9% et 3,2% des patients nouvellement atteints après un diagnostic de vitiligo. Au cours de la première année suivant le diagnostic de vitiligo, 16,7% des patients se sont vu prescrire des antidépresseurs et/ou des anxiolytiques ; les taux de prescription sont restés relativement stables au cours de chacune des cinq années suivant le diagnostic.
Un traitement précoce pourrait réduire la charge de la maladie
Au cours de la première année après le diagnostic, 60,8% des 16 741 patients dont les données étaient liées à la base de données HES ambulatoire n’avaient pas de dossier sur les traitements liés au vitiligo, ce qui a augmenté à ≥82,0% à partir de la deuxième année. Parmi les patients dont les données étaient liées à HES, 29,1% ont reçu une prescription de corticoïdes topiques (TCS) la première année, 11,8% se sont vu prescrire des inhibiteurs topiques de la calcineurine (TCI) et 4,2% des corticoïdes oraux (OCS). A partir de la deuxième année, le pourcentage de patients auxquels des OCS ont été prescrits est resté stable, tandis que la prescription de TCS et de TCI a diminué à 11,4% et 3,9% respectivement au cours de la deuxième année et est restée faible par la suite. La durée médiane entre le diagnostic et la première prescription d’un traitement lié au vitiligo était de 34,0 mois (intervalle de confiance à 95% [KI] 31,6-36,4) mois. Après 1 an, 40,1% avaient reçu un premier traitement contre le vitiligo. Les auteurs de l’étude constatent que le manque d’utilisation de traitements efficaces contribue à la charge de morbidité élevée des patients atteints de vitiligo. Et ils soulignent que de nouveaux traitements efficaces et un début de traitement précoce, combinés à des mesures psychologiques, sont nécessaires pour réduire le fardeau de la maladie chez les patients atteints de vitiligo [1].
Que recommandent les lignes directrices actuelles ?
Les lignes directrices britanniques et la ligne directrice allemande S1 préconisent une intervention précoce et adéquate pour le vitiligo afin de réduire la charge de la maladie [2,3]. Un algorithme thérapeutique simplifié des lignes directrices allemandes est présenté dans la figure 2. Voici quelques explications sur les différentes options de traitement.
TCS comme traitement de “première ligne” : selon la directive allemande S1 de 2022, l’utilisation de corticostéroïdes topiques (TCS) est le traitement de première ligne en cas de vitiligo limité (atteinte de <3% de la surface corporelle) et d’atteinte extrafaciale [3]. Les corticostéroïdes puissants (classe III) avec un index thérapeutique amélioré, comme le furoate de mométasone, sont recommandés, par exemple sur une période de 3 mois (1 fois par jour) ou 6 mois (1 fois par jour pendant 15 jours suivi d’une pause de 14 jours). Ce traitement convient également aux enfants, en tenant compte de la résorption systémique dans les zones intertrigineuses.
TCI en tant que traitement de seconde ligne : les inhibiteurs topiques de la calcineurine (TCI) peuvent être utilisés comme alternative aux TCS [3]. Leur avantage réside dans leur sécurité d’utilisation à long terme, car ils ne provoquent pas d’atrophie cutanée en cas d’utilisation prolongée, contrairement aux TCS. Leur efficacité sur le visage et le cou est comparable à celle des TCS. Il est recommandé d’appliquer les TCI deux fois par jour et, en fonction de la réponse, de les utiliser pendant 6 à 12 mois. En cas de repigmentation réussie (y compris après une photothérapie et une photothérapie ciblée), un traitement proactif de TCI appliqué 2 fois par semaine réduit le risque de récidive.
Photothérapie : la photothérapie est une autre modalité thérapeutique importante. Aujourd’hui, on utilise principalement les UVB à bande étroite (NB-UVB) [3]. Une dose érythématogène discrète est généralement administrée deux à trois fois par semaine pendant plusieurs mois. Une alternative à la photothérapie en ambulatoire ou en cabinet spécialisé est la thérapie NB-UVB à domicile, pour laquelle différents appareils sont disponibles (systèmes d’irradiation manuelle, partielle ou totale du corps) [4]. Selon les lignes directrices, une photothérapie du corps entier limitée dans le temps peut être utilisée non seulement pour la repigmentation, mais aussi pour prévenir la progression de la maladie. Les données concernant les effets d’une utilisation combinée de la photothérapie avec des thérapies externes ou systémiques ne sont pas homogènes.
Autres méthodes thérapeutiques : De nombreuses études soulignent l’effet du laser ou de la lampe excimère de 308 nm sur le vitiligo [3]. L’effet des corticostéroïdes et d’autres immunosuppresseurs administrés par voie systémique a été décrit dans le vitiligo sous forme de rapports individuels et de petites séries de cas. Une mini-thérapie orale par corticostéroïdes (par ex. dexaméthasone, prednisone ou méthylprednisolone) deux jours consécutifs par semaine peut être envisagée en cas de vitiligo aigu et rapidement progressif. La durée du traitement est de 3 à 6 mois et les effets secondaires de la cortisone sont souvent légers à modérés. Les options de traitement chirurgical font partie des interventions les plus efficaces pour le vitiligo stable, et les techniques suivantes sont généralement disponibles : Greffes de tissus par greffe de peau totale, greffe de peau fendue (ultrafine) ou technique de la bulle d’aspiration et greffe de cellules de mélanocytes épidermiques autologues cultivés ou non [7].
Quelles sont les nouvelles approches thérapeutiques prometteuses ?
Les inhibiteurs de Janus kinase (JAK-i) topiques ou systémiques sont porteurs de grands espoirs [3]. Une crème prometteuse contenant le principe actif ruxolitinib est autorisée dans l’UE depuis 2023, mais il n’y a actuellement pas d’autorisation en Suisse (état de l’information : 03.10.2024) [5]. Elle a été développée pour le traitement local du vitiligo non segmentaire chez les adultes et les enfants de plus de 12 ans. Dans la peau du vitiligo, il existe une signature γ-IFN de différentes cellules inflammatoires. La transduction du signal médiée par le γ-IFN passe par l’activation de JAK, qui sont exprimées de manière spécifique à la cellule. Ces kinases peuvent être bloquées de manière sous-typique par JAK-i [3]. L’efficacité du ruxolitinib topique à différentes concentrations (0,15-1,5% , une à deux fois par jour) a été évaluée dans un essai contrôlé randomisé (ECR) sur 157 patients par rapport à une préparation véhicule [6]. Les patients atteints de vitiligo non segmentaire ont été inclus, indépendamment de l’activité de la maladie et de sa durée. Sous ruxolitinib 1,5% (1 fois par jour), 50% ont obtenu des changements significatifs du VASI50 facial (F-VASI) après 24 semaines dans le bras verum, contre 3% sous placebo. Les démangeaisons au niveau de la zone d’application ont été l’effet indésirable le plus fréquent de la crème au ruxolitinib [6].
Littérature :
- Eleftheriadou V, et al : Burden of disease and treatment patterns in patients with vitiligo : findings from a national longitudinal retrospective study in the UK. Br J Dermatol 2024 ; 191(2) : 216-224.
- Eleftheriadou V, et al : British Association of Dermatologists guidelines for the management of people with vitiligo 2021. Br J Dermatol 2022 ; 186 : 18-29.
- Böhm M, et al. : S1-Leitlinie : Diagnostik und Therapie der Vitiligo. J Dtsch Dermatol Ges 2022 ; 20(3) : 365-379.
- Eleftheriadou V, et al. : Feasibility, double-blind, randomised, placebo-controlled, multi-centre trial of hand-held NB-UVB phototherapy for the treatment of vitiligo at home (HI-Light trial : Home Intervention of Light therapy). Trials. 2014 Feb 8 ; 15 : 51.
- Agence européenne des médicaments (EMA) : Opzelura, www.ema.europa.eu/en/medicines/human/EPAR/opzelura,(dernière consultation 30.09.2024)
- Rosmarin D, et al : Ruxolitinib cream for treatment of vitiligo : a randomised, controlled, phase 2 trial. Lancet 2020 ; 396 : 110-120.
- van Geel N, Ongenae K, Naeyaert JM : Techniques chirurgicales pour le vitiligo : une revue. Dermatologie 2001 ; 202 : 162-166.
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2024 ; 34(5) : 44-45