Les patientes et les patients atteints de cancer colorectal métastatique (mCRC) bénéficient d’un large éventail de traitements et ont pourtant un pronostic plutôt mauvais [1]. Lors du symposium satellite «Where did we come from, where might we go?» organisé par Merck (Schweiz) AG à l’occasion du congrès de l’ESMO Gastrointestinal Cancers (GI) de cette année, la Prof. Clara Montagut (Hospital del Mar Research Institute à Barcelone), le Dr Benoist Chibaudel (Hôpital Franco-Britannique Fondation Cognacq-Jay, Paris), la Dre Chiara Cremolini (Université de Pise) et le Prof. Sebastian Stintzing (Charité Universitätsmedizin de Berlin) ont discuté des stratégies thérapeutiques actuelles pour le mCRC avec RAS* de type sauvage (wt).
Le mCRC est associé à un mauvais pronostic et provoque environ 250 000 décès par an en Europe [2]. L’anticorps monoclonal anti-EGFR* Erbitux® (cétuximab) est utilisé en Suisse depuis plus de 20 ans pour cette indication et est efficace dans le cadre de différentes stratégies de traitement pour les patientes et les patients atteints de mCRC exprimant l’EGFR et présentant le gène RAS wt [3, 4].° Depuis son autorisation, diverses études cliniques ont contribué à une meilleure compréhension de l’efficacité et de la sécurité d’Erbitux® et le principe actif continue à être évalué dans de nombreuses études. Le congrès GI de l’ESMO de cette année coïncide avec l’anniversaire du traitement anti-EGFR; des stratégies de traitement d’entretien par Erbitux® ainsi que le thème du déroulement du traitement y ont été discutés.
Évolution du traitement du mCRC
Il y a encore 20 ans, les options de traitement pour les patientes et les patients atteints de mCRC se limitaient à la chimiothérapie (ChT) ou à la radiothérapie [5]. La découverte selon laquelle les anticorps monoclonaux anti-EGFR inhibent la prolifération cellulaire a permis au premier principe actif anti-EGFR, Erbitux®, de venir enrichir le paysage thérapeutique [6]. Erbitux® a reçu l’autorisation de Swissmedic en 2003 et a été suivi plus tard par le panitumumab, un deuxième anticorps anti-EGFR pour le traitement du mCRC exprimant l’EGFR [3, 4, 7]. L’utilisation des principes actifs en clinique et des études supplémentaires ont permis de prendre conscience que le statut KRAS* est susceptible de jouer un rôle dans l’efficacité des schémas thérapeutiques basés sur l’anti-EGFR [8, 9]. Sur la base des résultats de l’étude FIRE-3, il a alors été recommandé de traiter les patientes et les patients présentant un mCRC avec le gène RAS wt en première ligne par Erbitux® + FOLFIRI* ou FOLFOX* [3, 10]. La réadministration (rechallenge) d’anticorps anti-EGFR lors de lignes ultérieures de traitement constituait une option de traitement alternative pour retarder davantage la progression de la maladie (fig. 1) [11]. De plus, des développements concernant la localisation de la tumeur en tant que biomarqueur pronostique et prédictif ont indiqué une meilleure efficacité des traitements basés sur les anti-EGFR en présence de tumeurs du côté gauche [12]. Avec l’étude STRATEGIC-1, le déroulement du traitement est devenu un aspect important de la médecine personnalisée, de sorte qu’aujourd’hui, différentes stratégies pour le traitement du mCRC basé sur les anti-EGFR ont été étudiées et continuent de l’être [13].
Optimisation du traitement de première ligne
Les stratégies thérapeutiques actuelles visent à améliorer les résultats du traitement de première ligne des patientes et des patients atteints de mCRC, avec comme options le traitement d’entretien et le traitement «stop-and-go». Au début du symposium satellite, l’accent a été mis sur l’importance d’administrer le traitement le plus efficace possible dès la première ligne, car un certain nombre de patientes et de patients ne reçoivent pas d’autres lignes de traitement [14, 15]. Les directives de l’ESMO recommandent le traitement par ChT + anti-EGFR pour le mCRC avec gène RAS wt du côté gauche. En cas de maladie du côté droit, la préférence est donnée à la ChT + bévacizumab (anticorps anti-VEGF*), tandis que l’association ChT + anti-EGFR est recommandée lorsqu’une réduction de la taille de la tumeur est visée [1, 7]. L’étude clinique ERMES a examiné la possibilité d’un traitement d’entretien par Erbitux® seul et l’a comparé à la poursuite du traitement par Erbitux® + FOLFIRI. Le critère d’évaluation co-primaire de la survie médiane sans progression (mPFS) appuyait la recommandation en vigueur concernant le traitement combiné pour l’entretien, avec 10 mois sous Erbitux® seul (IC à 95%: 9,18-11,28) contre 12,2 mois sous Erbitux® + FOLFIRI (IC à 95%: 11,28-13,19) [1, 16]. Toutefois, une monothérapie par Erbitux® en première ligne pourrait constituer une option prometteuse pour les patientes et les patients présentant un rétrécissement tumoral précoce (early tumor shrinkage, ETS) [17]. Le traitement «stop-and-go» a été étudié dans le cadre de l’étude clinique COIN-B [18]. Les patientes et les patients atteints de mCRC avec gène RAS wt ont reçu Erbitux® + FOLFOX, suivi soit d’un intervalle sans traitement, soit d’un traitement d’entretien par Erbitux®. Après une progression de la maladie, les patientes et les patients ont également reçu le même schéma en deuxième ligne [18]. Le critère d’évaluation principal de «survie sans récidive ni décès lié à la tumeur» (failure-free survival, FFS) indiquait un avantage du traitement continu par Erbitux® par rapport à l’intervalle sans traitement [18].
Déroulement du traitement par Erbitux®
Les recommandations concernant le déroulement du traitement en cas de mCRC avec gène RAS wt dépendent fortement de la localisation de la tumeur, de la population de patients et, dans les lignes ultérieures, du traitement antérieur [1]. Plusieurs méta-analyses tentent donc de déterminer rétrospectivement la meilleure séquence d’options de traitement. Dans l’analyse réalisée par Wu et al., il apparaît ainsi que le traitement de première ligne par un anticorps anti-EGFR + ChT suivi d’un anticorps anti-VEGF en deuxième ligne est supérieur à la séquence inverse [19]. L’étude CRICKET a évalué le traitement par Erbitux® + ChT en première ligne, par le bévacizumab + ChT en deuxième ligne et par une réadministration (rechallenge) d’Erbitux® + irinotécan en troisième ligne. L’étude a atteint son critère d’évaluation principal, le taux de réponse globale (overall response rate, ORR), avec 21% (IC à 95%: 10-40%). La mPFS était de 3,4 mois (IC à 95%: 1,9-3,8 mois) et la mOS était de 9,8 mois (IC à 95%: 5,2-13,10) [20]. L’étude de phase III FIRE-4 en cours examine désormais l’efficacité de la réadministration (rechallenge) d’Erbitux® + ChT par rapport aux autres options de traitement [21].
Conclusion
Les résultats des nombreuses études cliniques achevées et en cours permettront de mieux définir le déroulement du traitement pour différentes populations de patients présentant un mCRC avec gène RAS wt. Pendant ce temps, outre les anticorps ciblés visant l’inhibition des voies de signalisation, d’autres options de traitement du mCRC sont à l’étude, notamment l’immunothérapie, les conjugués anticorps-médicaments et l’inhibition de la PARP. Ces options, ainsi que de nouveaux outils de diagnostic (p. ex. la biopsie liquide), continueront d’enrichir l’éventail de traitements contre le mCRC et permettront de proposer des options de traitement personnalisées toujours plus performantes.
Figure 1: Stratégies de traitement du mCRC avec gène RAS wt, y compris le traitement d’entretien et la réadministration (rechallenge). PD, maladie progressive (progressive disease) Adapté d’après [1, 18].
Erbitux® est autorisé pour les patientes et les patients atteints de mCRC présentant le gène RAS wt et exprimant l’EGFR, en association avec les schémas de chimiothérapie FOLFIRI* ou FOLFOX*, et est utilisé en monothérapie après échec d’un traitement à base d’oxaliplatine (OX) ou d’irinotécan (IRI) ou en cas d’intolérance à l’IRI [3].
*Abréviations
FOLFIRI = acide folinique [FOL], 5-fluorouracile [F], irinotécan [IRI]
FOLFOX = acide folinique [FOL], 5-fluorouracile [F], oxaliplatine [OX]
OPTIMOX = oxaliplatine en «stop-and-go»
EGFR = récepteur du facteur de croissance épidermique (Epidermal Growth Factor Receptor)
VEGF = facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (Vascular Endothelial Growth Factor)
KRAS = Kirsten rat sarcoma virus
Cet article a bénéficié du soutien financier de Merck (Schweiz) AG.
CH-ERB-00079 07/2024
L’information professionnelle abrégée d’Erbitux®
Références
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2. Ferlay, J., et al., Cancer incidence and mortality patterns in Europe: Estimates for 40 countries and 25 major cancers in 2018. Eur J Cancer, 2018. 103: p. 356-387.
3. Information professionnelle d’ERBITUX® (cétuximab), www.swissmedicinfo.ch, état actuel.
4. Swissmedic approved medicines. Available at: https://www.swissmedic.ch/swissmedic/fr/home/services/listen_neu.html, accessed online 07/24.
5. Ohishi, T., et al., Current Targeted Therapy for Metastatic Colorectal Cancer. Int J Mol Sci, 2023. 24(2).
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7. Information professionnelle de Vectibix® (panitumumab), www.swissmedicinfo.ch, état actuel.
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20. Cremolini, C., et al., Rechallenge for Patients With RAS and BRAF Wild-Type Metastatic Colorectal Cancer With Acquired Resistance to First-line Cetuximab and Irinotecan: A Phase 2 Single-Arm Clinical Trial. JAMA Oncol, 2019. 5(3): p. 343-350.
21. Stintzing, S., et. al., Phase III FIRE-4 study (AIO KRK-0114): Influence of baseline liquid biopsy results in first-line treatment efficacy of FOLFIRI/cetuximab in patients with tissue RAS-WT mCRC. ASCO Annual Meeting, 2.-6. June 2023, Chicago, Illinois, USA. Abstract 3507 – oral presentation.