Les dysfonctionnements métaboliques ont des effets négatifs importants sur l’organisme, qui peuvent se manifester par des maladies cardiovasculaires et hépatiques. Traditionnellement, ces maladies ont été traitées de manière centrée sur l’organe, ce qui a conduit à des soins isolés. Cependant, en raison des effets systémiques des dysfonctionnements métaboliques, une approche multidisciplinaire est nécessaire pour obtenir des résultats optimaux pour les patients. Cet article examine comment les traitements cardiologiques peuvent avoir des effets positifs sur le foie et vice versa, et souligne la nécessité d’aborder les processus de la maladie plutôt que les conséquences spécifiques à l’organe du dysfonctionnement métabolique.
Les maladies cardiométaboliques offrent une base idéale pour une collaboration interdisciplinaire entre la cardiologie et l’hépatologie. Les progrès de la recherche ont permis de mieux comprendre les mécanismes pathogéniques complexes qui sous-tendent ces maladies et de mettre en évidence leur association avec les maladies cardiovasculaires. Le terme “metabolic dysfunction-associated steatotic liver disease” (MASLD) a été introduit pour souligner la dépendance de la stéatose hépatique à des états dysmétaboliques tels que le syndrome métabolique, le diabète sucré et l’obésité.
Nouvelle nomenclature et physiopathologie
L’introduction de la nouvelle terminologie MASLD et MetALD (metabolic and alcohol related/associated liver disease) souligne la nécessité de traiter les troubles métaboliques sous-jacents et pas seulement les symptômes liés au foie. Cette nouvelle classification évite la stigmatisation par des termes tels que “foie gras” et a des implications importantes pour la représentation des patients et la santé publique. La physiopathologie de la MASLD est étroitement liée à l’interaction entre le métabolisme des lipides et du glucose, qui conduit à un état inflammatoire systémique persistant. Cette méta-inflammation joue un rôle crucial dans le développement des maladies cardiovasculaires et hépatiques. Un traitement efficace nécessite donc des approches qui vont au-delà de l’étude isolée de chaque organe.
Approches cardiologiques pour améliorer la santé du foie
- Statines et acide bempédonique : les statines, comme l’atorvastatine et la rosuvastatine, sont des éléments clés de la prévention cardiovasculaire. Des études montrent que les statines peuvent également avoir des effets positifs sur la stéatose et la fibrose hépatiques. Un essai clinique randomisé mené auprès de personnel militaire a montré des améliorations de la stéatose hépatique et de la fibrose en cas de traitement par statines. L’acide bempédoïque, qui agit en inhibant l’ATP-citrate-lyase, pourrait également avoir des effets positifs sur la fibrose hépatique, mais des études supplémentaires sont nécessaires.
- Ezétimibe : ce médicament réduit l’absorption intestinale du cholestérol et a des effets potentiellement positifs sur la fibrose hépatique lorsqu’il est utilisé à long terme. Des études montrent que l’ézétimibe, associé aux statines, peut réduire le risque d’événements cardiovasculaires chez les patients présentant une fibrose NAFLD élevée.
- Inhibiteurs de PCSK9 : ces médicaments, tels que l’évolocumab et l’alirocumab, présentent des résultats contradictoires quant à leur effet sur la stéatose et la fibrose hépatiques, mais pourraient être bénéfiques grâce à leurs propriétés hypolipémiantes. Des études indiquent de possibles effets positifs sur la santé du foie, mais nécessitent une confirmation supplémentaire.
- Inhibiteurs SGLT2 et agonistes du récepteur GLP-1 : ces médicaments améliorent non seulement le contrôle glycémique et favorisent la perte de poids, mais ont également des effets positifs sur la santé du foie. Les inhibiteurs du SGLT2, comme la dapagliflozine et l’empagliflozine, et les agonistes des récepteurs du GLP-1, comme le sémaglutide, ont montré des améliorations significatives de la stéatose hépatique et des facteurs de risque cardiovasculaire dans les essais cliniques (tableau 1).
Approches hépatologiques pour améliorer la santé cardiovasculaire
Interventions sur le mode de vie : L’amélioration de la santé métabolique par des modifications du mode de vie, y compris le régime alimentaire et l’activité physique, peut prévenir à la fois les maladies du foie et les maladies cardiaques. Ces interventions sont efficaces, mais souvent insuffisantes pour enrayer l’augmentation de la morbidité et de la mortalité dues aux MASLD.
Approches pharmacologiques : La vitamine E et la pioglitazone se sont avérées bénéfiques dans le traitement de la MASH, mais avec des avantages cardiovasculaires limités. De nouveaux médicaments tels que le lanifibranor et le resmetirom ont montré des résultats prometteurs en améliorant simultanément la santé du foie et du cœur.
Médicaments spécifiques et leurs effets
- Vitamine E : la vitamine E, un antioxydant liposoluble, a montré des effets positifs dans le traitement de la MASH, mais sans amélioration significative de la fibrose hépatique. Les effets cardiovasculaires de la vitamine E sont mitigés, avec certaines études montrant des effets protecteurs et d’autres ne montrant pas de bénéfices significatifs.
- La pioglitazone : Une thiazolidinedione qui active PPARγ, améliore la résistance à l’insuline, l’inflammation et le métabolisme des lipides. Des études montrent des effets positifs sur l’histologie du foie chez les patients MASH, mais avec des effets secondaires tels que la prise de poids et l’insuffisance cardiaque.
- Lanifibranor : un agoniste pan-PPAR qui a montré des résultats prometteurs dans les essais cliniques en améliorant simultanément l’adipogenèse, l’inflammation et la fibrose. Lanifibranor a également montré des effets positifs sur le profil lipidique et la sensibilité à l’insuline.
- Resmetirom : un agoniste THR-β sélectif qui a montré une réduction de la graisse hépatique et une amélioration des paramètres MASH dans des études cliniques. Le resmetirome présente également des effets positifs sur les particules lipidiques athérogènes et pourrait donc offrir des avantages cardiovasculaires.
1. statines et acide bempédoïque
Les statines sont une pierre angulaire de la prévention et du traitement cardiovasculaire. Des études ont montré qu’elles peuvent également avoir des effets positifs sur la santé du foie. Dans une étude clinique menée auprès de personnel militaire, les statines ont montré des améliorations de la stéatose et de la fibrose hépatiques. Des études animales soutiennent également ces effets positifs. Néanmoins, d’autres études sont nécessaires pour clarifier les mécanismes exacts et les effets à long terme.
L’acide bempédoïque, un inhibiteur de l’ATP citrate lyase, donne également des résultats prometteurs dans des modèles animaux. Il pourrait réduire la fibrose hépatique et améliorer la santé métabolique. Les premiers essais cliniques indiquent un effet positif sur la santé cardiovasculaire, mais là encore, d’autres études sont nécessaires pour confirmer les effets à long terme et la sécurité.
2. l’ézétimibe
L’ézétimibe réduit l’absorption intestinale du cholestérol et, en association avec des statines, a montré qu’il pouvait réduire le risque d’événements cardiovasculaires chez les patients atteints de fibrose NAFLD élevée. Cependant, l’effet de l’ézétimibe sur la fibrose hépatique et la stéatose doit être étudié plus en détail avant de pouvoir formuler des recommandations claires.
3. inhibiteurs de PCSK9
Les inhibiteurs de PCSK9 tels que l’évolocumab et l’alirocumab sont des médicaments récents et prometteurs pour réduire le cholestérol LDL. Cependant, leur effet sur la santé du foie n’est pas encore totalement élucidé. Certaines études montrent des effets positifs sur la stéatose et la fibrose hépatiques, tandis que d’autres ne rapportent pas d’amélioration significative. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre le rôle de ces médicaments dans le traitement de la MASLD.
4. inhibiteurs du SGLT2 et agonistes du récepteur du GLP-1
Les inhibiteurs du SGLT2 et les agonistes des récepteurs du GLP-1 se sont révélés efficaces à la fois pour améliorer le contrôle glycémique et pour réduire le poids. Ces médicaments ont également montré des effets positifs sur la santé du foie, y compris la réduction de la stéatose hépatique et l’amélioration de la fonction hépatique. Ce double effet en fait des candidats prometteurs pour le traitement des MASLD et des maladies cardiovasculaires.
5. autres médicaments
Les autres médicaments étudiés comprennent
- Metformine : améliore la sensibilité à l’insuline et a montré des effets positifs sur la santé du foie, bien qu’elle ne soit pas spécifiquement recommandée pour le traitement de la MASH.
- Acides gras oméga-3 : ont montré des effets positifs dans des études expérimentales, mais les études cliniques n’ont pas encore démontré de bénéfices clairs pour la santé du foie.
- Fibrates : réduisent les triglycérides et pourraient avoir des effets positifs sur la santé du foie, mais des études supplémentaires sont nécessaires.
Coopération et recherche future
Une étroite collaboration entre les cardiologues et les hépatologues est essentielle pour obtenir les meilleurs résultats thérapeutiques pour les patients atteints de MASLD. Les recherches futures devraient se concentrer sur le développement de nouvelles thérapies qui s’adressent aux voies inflammatoires et aux comorbidités multiples. Cela pourrait améliorer considérablement la santé globale et la qualité de vie des patients. La mise en œuvre de changements de mode de vie et d’approches multidisciplinaires dans la pratique clinique sera également essentielle pour faire progresser le traitement de la MASLD.
Source :
- Raggi P, Milic J, Manicardi M, et al : Maladie hépatique stéatosique associée à un dysfonctionnement métabolique : une opportunité de collaboration entre cardiologie et hépatologie ; Open AccessPublished : March 15, 2024. doi : https://doi.org/10.1016/j.atherosclerosis.2024.117523.
CARDIOVASC 2024 ; 23(2) : 34-36