Avec l’âge, une perte auditive dans les hautes fréquences apparaît. En raison de son évolution insidieuse, la perte auditive passe souvent inaperçue pendant longtemps. Il est prouvé qu’une perte auditive non traitée peut avoir des conséquences sociales, émotionnelles et sanitaires importantes pour les personnes concernées. Un dépistage précoce est possible grâce à des tests de diagnostic simples. Une étude récente a montré que le HHIE et le SSQ-12 sont des outils de test appropriés.
Dès l’âge de 50 ans, la probabilité de développer une perte auditive augmente en fonction de l’âge [1]. Le diagnostic de la CIM “presbyacousie” (code CIM-10 : H91.1) se réfère à un trouble auditif chronique, lentement progressif, généralement symétrique, avec une accentuation dans les hautes fréquences (Fig. 1)
Lorsque le seuil d’audition est ≤20 dB sur l’oreille qui entend le mieux, on parle d’audition régulière, et à 95 dB ou plus, de perte auditive complète [5]. Les niveaux intermédiaires de perte auditive (légère, moyenne, sévère) ne sont pas catégorisés de manière uniforme au niveau international. Outre la sévérité de la perte auditive, on distingue également les pertes auditives unilatérales et bilatérales. Selon une étude parue en 2022 et réalisée pour le compte de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan), les déficiences auditives sont particulièrement répandues chez les personnes âgées : Environ un sixième des personnes âgées de 65 à 74 ans et environ un tiers des personnes âgées de 75 ans résidant en Suisse présentent une déficience auditive [5].
Les causes de la perte auditive liée à l’âge sont multiples et complexes ; on suppose généralement qu’il existe une interaction entre les processus physiologiques de vieillissement, les facteurs génétiques, les facteurs environnementaux (bruit, substances ototoxiques) et d’autres caractéristiques de l’état de santé et du comportement de santé [5].
Prévention et dépistage dans le cadre des soins primaires
On pense que la presbyacousie est un trouble neurosensoriel qui trouve son origine dans des altérations fonctionnelles des cellules ciliées de la cochlée, dans la perte neuronale des ganglions spiraux et des fibres nerveuses associées, ainsi que dans des modifications métaboliques et atrophiques du striatum. Des aides auditives de très petite taille et parfois technologiquement très avancées constituent aujourd’hui des approches thérapeutiques. Dans sa résolution du 30 mai 2017, l’Assemblée mondiale de la santé, un organe de l’OMS, a notamment appelé les gouvernements à mettre en place des stratégies de soins otologiques et audiologiques dans le cadre des systèmes de soins de santé primaires et à mettre en œuvre des programmes de prévention et de dépistage pour les populations les plus vulnérables [6].
Selon les données épidémiologiques, en Europe, environ 30% des hommes et 20% des femmes sont touchés par une perte auditive de ≥30 dB jusqu’à l’âge de 70 ans ; chez les personnes de 80 ans, les prévalences correspondantes sont estimées à 55% des hommes et 45% des femmes [7,8]. Dans une publication publiée en 2024, Ferrán et al. indiquent que certaines personnes âgées atteintes de perte auditive liée à l’âge (ARHL, age related hearing loss) ont tendance à subir passivement cet état [9]. Pourtant, retarder le traitement peut être préjudiciable à la santé. D’une part, les problèmes de communication et les malentendus peuvent conduire à l’isolement et à la perte d’indépendance. D’autre part, l’ARHL s’accompagne d’un risque accru de troubles de l’équilibre, de chutes, d’isolement social, de dépression et de troubles cognitifs, ce qui peut avoir un impact important sur la qualité de vie des personnes âgées [10,11].
Certaines études, y compris des revues systématiques et des essais contrôlés randomisés, ont pu démontrer que les aides auditives sont une intervention rentable qui a un impact positif sur la qualité de vie de ses utilisateurs et qui entraîne des améliorations significatives dans différents aspects de la vie quotidienne, du bien-être fonctionnel et de la santé émotionnelle [15–21]. |
– Il a été démontré que l’utilisation d’appareils auditifs réduit le risque de dépendance sociale et a un effet positif sur les troubles dépressifs [22–24]. En outre, de plus en plus d’études montrent que les troubles cognitifs peuvent être réduits par l’utilisation d’aides auditives [25]. |
– En outre, il existe des preuves empiriques que les implants cochléaires qui restaurent l’audition améliorent la qualité de vie ; la prévalence des acouphènes et les symptômes associés à la dépression sont réduits et les performances cognitives générales sont améliorées [26–28]. En outre, l’analyse coût-bénéfice de l’implantation cochléaire a été démontrée par un certain nombre de revues systématiques et d’autres recherches [29,30]. |
Une étude d’observation fournit des informations intéressantes
Pour leur étude, Ferrán et al. au département d’oto-rhino-laryngologie de la Clínica Universidad de Navarra (Espagne) et par le biais d’une annonce dans un journal local jusqu’en août 2023, un total de 710 patients ont été répartis en trois groupes [9] :
- Groupe A (n=210) : Personnes âgées de ≥55 ans avec des capacités auditives et d’équilibre normales, caractérisées par une moyenne de son pur de 0 à 20 dB pour des fréquences de 500, 1000, 2000 et 4000 Hz, et présentant un bon contrôle de l’équilibre statique et dynamique.
- Groupe B (n=302) : Personnes âgées de ≥55 ans chez qui un trouble de l’audition et/ou de l’équilibre a été diagnostiqué mais qui n’ont pas suivi de traitement.
- Groupe C (n=198) : Personnes âgées de ≥55 ans chez qui un trouble de l’audition et/ou de l’équilibre a été diagnostiqué et qui ont reçu un traitement : avec des aides auditives (AA), des implants actifs d’oreille moyenne (AMEI), des implants à conduction osseuse (BCI), des implants cochléaires (IC) ou une rééducation vestibulaire.
La durée moyenne de la perte auditive était de 11,8 ans dans le groupe B et de 21,0 ans dans le groupe C. Au total, 60% des 500 patients présentant une perte auditive ne recevaient aucun traitement. Dans le groupe C, le délai moyen avant le traitement de la perte auditive était de 14,1 ans. Les chercheurs ont voulu vérifier l’impact du retard de traitement sur des tests audiométriques et différents questionnaires. Aucune corrélation statistiquement significative n’a été observée entre le délai de traitement et l’audiométrie vocale (p=0,471), le test HINT (p=0,784) ou le SSQ12 (p=0,637). Cependant, il y avait une association significative avec les résultats du “Digit Symbol Substitution Test” (DSST) (p=0,003), ce qui suggère que plus le traitement d’un patient est retardé, plus les performances cognitives sont mauvaises. Dans le groupe B, la durée moyenne de la perte auditive non traitée était de 11,8 ans.
Conclusion : HHIE-S et SSQ12, des outils de dépistage viables
Ferrán et al. recommandent d’augmenter le dépistage de la perte auditive dans les soins primaires, en particulier chez les personnes âgées de plus de 60 ans [9]. Dans leur étude, ils ont obtenu une sensibilité d’au moins 77% avec le “Hearing Handicap Inventory for the Elderly” (HHIE), le “Speech, Spatial and Qualities of Hearing Scale” (SSQ12) et l’audiométrie tonale pure à 4 kHz, le questionnaire SSQ12 présentant la sensibilité la plus faible de ces trois tests et le questionnaire HHIE la plus élevée. Combinés, les trois tests atteignent une sensibilité de 90,2% et une spécificité de 86,4%.
- “Hearing Handicap Inventory for the Elderly (HHIE) : il s’agit d’un questionnaire facile à remplir par le patient [32]. Il permet notamment d’évaluer le handicap socio-émotionnel lié à la perte auditive. La version de dépistage (HHIE-S) se compose de 10 items, dont la moitié concerne les aspects émotionnels et/ou sociaux ou situationnels [32]. Le score total du HHIE-S varie de 0 (minimum) à 100 (maximum). Les scores inférieurs à 16 dans chaque sous-section indiquent l’absence de handicap significatif, tandis que les scores entre 17 et 42 indiquent un niveau de handicap léger à moyen et les scores supérieurs à 43 un handicap sévère. Une valeur HHIE-S plus élevée est en corrélation avec un niveau de handicap plus élevé dû à une déficience auditive. En règle générale, les candidats ou les bénéficiaires peuvent remplir cette évaluation en 5 minutes environ. Le questionnaire rempli a également été vérifié par un audiologiste.
- “Speech, Spatial and Qualities of Hearing Scale” (SSQ-12) : Il s’agit d’un questionnaire dans lequel un patient indique sa capacité à entendre et à comprendre dans différentes situations [33]. Au total, le test contient 12 questions, réparties en trois sections : Compréhension de la parole, audition spatiale (perception du son dans l’espace) et qualité (clarté de la parole et des autres sons), adaptées aux adultes de tous âges et aux enfants à partir de neuf ans. Une échelle de notation de 0 à 10 est utilisée pour chaque interrogation, les scores les plus élevés indiquant une meilleure performance. En règle générale, les résultats sont présentés sous forme de moyennes pour chaque section, mais ils peuvent également être analysés individuellement ou dans différents groupes, ce qui permet une comparaison entre deux points temporels. Les différences cliniquement significatives peuvent être identifiées par le fait que le score de chaque section se déplace de 1,0 entre les sessions de test. Remplir ce questionnaire prend généralement environ 10 minutes.
Ferrán et al. concluent que le dépistage précoce de la perte auditive chez les personnes âgées permet d’intervenir plus tôt, ce qui peut contribuer à mieux préserver les capacités cognitives et mentales ainsi que l’autonomie de cette population, avec des effets positifs sur la qualité de vie des personnes concernées et de leur entourage
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