Si les thromboembolies ne sont pas détectées et traitées à temps, elles peuvent avoir des conséquences potentiellement mortelles. Pour évaluer le risque de thrombose, des tests validés peuvent être utilisés, comme le score de Wells et le test des D-dimères. Pour le traitement et la prophylaxie des thromboses, les anticoagulants (DOAK) se sont imposés ces dernières années comme une alternative aux antagonistes de la vitamine K. Les DOAK peuvent être administrés par voie orale ou par voie intraveineuse. Ainsi, les directives actuelles de l’ASH recommandent également une anticoagulation par DOAK pour les patients souffrant de thrombose veineuse profonde et/ou d’embolie pulmonaire.
Les thromboses veineuses des jambes et les embolies pulmonaires sont toutes deux des manifestations de la maladie thromboembolique veineuse. L’embolie pulmonaire est l’une des complications les plus dangereuses de la thrombose. La fréquence de la thromboembolie veineuse dépend de l’âge. Chez les personnes âgées de 20 à 40 ans, l’incidence annuelle des thromboses veineuses des jambes ou des embolies pulmonaires est de 1 sur 1000, alors qu’elle est de 1 sur 100 chez les personnes âgées de plus de 75 ans [1]. La triade de Virchow décrit trois facteurs essentiels qui conduisent à l’apparition d’une thrombose : Lésion endothéliale, altération de la vitesse de circulation (hypocirculation, stase), troubles de la coagulation (hypercoagulabilité). Les facteurs prédisposants typiques incluent les opérations, les cancers ou les hospitalisations. Les facteurs de risque spécifiques aux femmes sont la grossesse, le post-partum et la prise de la pilule ou d’un traitement hormonal substitutif.
Quels patients présentent un risque accru d’embolie pulmonaire ?
“Christina Jeanneret-Gris, médecin-chef, Hôpital cantonal de Bâle-Campagne, Bruderholz [2]. “Nous devons notamment savoir, sur la base de l’expérience, quels patients sont ‘à risque'”, dit-elle, en soulignant : “Demandez à voir la dyspnée d’effort”. L’expérience du médecin traitant est importante, mais il existe également plusieurs méthodes validées empiriquement qui peuvent être utilisées pour soutenir l’évaluation clinique. Selon les directives de l’American Society of Hematology (ASH) publiées en 2020, l’évaluation clinique ne peut certes pas être remplacée par des scores permettant de prédire les résultats des patients, mais ceux-ci peuvent fournir des indications supplémentaires [3]. Les D-dimères et le score de Wells sont des outils d’aide à la prédiction de l’embolie pulmonaire (Fig. 1). Des D-dimères élevés ne constituent pas à eux seuls une indication d’anticoagulation [5]. Les D-dimères sont des produits de clivage de la fibrine et indiquent une activité accrue de coagulation et de fibrinolyse de toute origine, c’est-à-dire, outre les réactions thrombotiques, des réactions non spécifiques telles qu’une inflammation, un traumatisme, une opération, une grossesse, une maladie tumorale active ou un saignement/une formation d’hématome.
Test des D-dimères plus score de Wells : valeur prédictive négative élevée
L’ajout du score de Wells permet d’augmenter considérablement la probabilité de prédiction négative du test des D-dimères. Selon une étude prospective publiée en 2019 dans le New England Journal of Medicine, une embolie pulmonaire peut être largement exclue chez les patients “à faible risque” avec un taux de D-dimères <1000 µg/ml combiné à un score de Wells <4 [6].
Sur les 1 325 patients présentant une probabilité faible ou modérée de pré-test et un test de D-dimères négatif (<1000 µg/ml), aucun n’a développé de thromboembolie veineuse au cours de la période de suivi de trois mois. Les participants à l’étude n’ont pas reçu d’anticoagulants pendant cette période. En résumé, la valeur-seuil pour les D-dimères est <1000 µg/ml, mais il est important de noter que les D-dimères doivent être interprétés en fonction de l’âge, ajoute le professeur Jeanneret-Gris (encadré).
Si le test des D-dimères est positif, une imagerie est ensuite nécessaire pour confirmer la suspicion de thrombose ; si le résultat n’est pas clair, un examen de contrôle est recommandé quelques jours plus tard [5]. En ce qui concerne le choix de la technique d’imagerie, une échographie des veines des jambes est recommandée en cas de suspicion de thrombose veineuse profonde, et une scintigraphie pulmonaire ou une angiographie par scanner en cas de suspicion d’embolie pulmonaire.
Profiter des avantages des anticoagulants oraux directs (AOD)
Si une embolie pulmonaire est détectée, le traitement anticoagulant doit être commencé immédiatement. Pour aider à décider si un patient souffrant d’embolie pulmonaire peut être traité en ambulatoire, il existe le PESI (“The Pulmonary Embolism Severity Index”), un score validé à plusieurs reprises pour stratifier le risque des personnes souffrant d’embolie pulmonaire (tableau 1) [4]. Une anticoagulation rapide est également recommandée en cas de thrombose veineuse profonde afin d’éviter que le thrombus ne continue à se développer et à se répandre dans la circulation pulmonaire. C’est le médecin généraliste ou le spécialiste traitant qui décide au cas par cas quel est le médicament le mieux adapté à chaque patient ou qui présente le profil bénéfice/risque individuel le plus optimal.
L’effet des anticoagulants oraux directs (AOD) est plus rapide que celui des antagonistes de la vitamine K et disparaît donc plus rapidement. Avec une prise quotidienne fiable et régulière, le risque d’embolie peut être considérablement réduit par un traitement DOAK et le risque de saignement est relativement faible. “Les nouveaux anticoagulants directs agissent principalement sur le facteur Xa, mais aussi sur le facteur IIa”, explique le Pr Jeanneret-Gris. En Suisse, les DOAK suivants sont actuellement autorisés : Rivaroxaban (Xarelto®), Apixaban (Eliquis®), Edoxaban (Lixiana®), Dabigatran (Pradaxa®) (tab. 2) [7].
Les directives actuelles de l’ASH ne précisent pas quelle substance active est particulièrement appropriée dans quelle situation clinique. Le professeur Jeanneret-Gris utilise le rivaroxaban et l’edoxaban, entre autres, chez les patients atteints de cancer et l’apixaban chez les patients souffrant d’insuffisance rénale. Elle prescrit souvent de l’edoxaban aux patients qui suivent une co-médication (par exemple des antidépresseurs tricycliques). Pour le rivaroxaban et l’apixaban, il faut faire plus attention aux co-médications en raison des interactions avec le CYP3A4, ce qui joue un rôle moins important pour le dabigatran et l’edoxaban. En ce qui concerne la durée du traitement anticoagulant de première intention, les directives actuelles de l’ASH indiquent qu’une période de 3 à 6 mois est préférable à une durée de traitement plus longue.
Pour la prophylaxie secondaire, l’American Society of Hematology propose, en cas de thromboembolie idiopathique, de poursuivre le traitement DOAK à long terme pendant une période indéterminée, en choisissant la dose standard ou une faible dose (par ex. rivaroxaban 10 mg/1×d, apixaban 2,5 mg/2×d).
Arrêter l’aspirine pendant le traitement DOAK
D’autres conseils de la ligne directrice actuelle de l’ASH sont les suivants [3] : Si une thrombose se produit pendant une anticoagulation avec un antagoniste de la vitamine K (par exemple Marcoumar), il faut administrer une héparine de bas poids moléculaire et non un DOAK. Les thromboembolies récidivantes nécessitent un traitement coagulant à long terme. Et il est très important d’arrêter l’aspirine lorsqu’on donne un DOAK. Le professeur Jeanneret-Gris procède toujours ainsi, sauf en cas d’événement coronarien récent (p. ex. stent, infarctus du myocarde). Selon les directives de l’ASH, il est possible de renoncer à l’utilisation de la compression, tout en précisant que les bas de compression peuvent contribuer à réduire l’œdème et la douleur. Au stade aigu des thrombus, la conférencière estime que la compression est tout à fait indiquée et que son utilité a été prouvée empiriquement.
Congrès : FomF Journées de formation continue en médecine générale 2021
Littérature :
- DGA : Thrombose et embolie pulmonaire, www.dga-gefaessmedizin.de (dernière consultation 21.10.2021)
- Jeanneret-Gris C : Thrombose veineuse, Prof. Dr méd. Christina Jeanneret-Gris. Journées de formation continue FomF Médecin de famille, 08/09/2021
- Ortel TL, et al : American Society of Hematology 2020 guidelines for management of venous thromboembolism : treatment of deep vein thrombosis and pulmonary embolism. Blood Adv 2020 ; 4 (19) : 4693-4738.
- Jimenez D, et al : Simplification de l’indice de sévérité de l’embolie pulmonaire pour le pronostic chez les patients atteints d’embolie pulmonaire aiguë symptomatique. Arch Intern Med 2010 ; 170 (15) : 1383-1389.
- Medix : Thromboembolie, www.medix.ch/wissen/guidelines/herz-kreislauf-krankheiten/thromboembolie (dernière consultation 21.10.2021)
- Kearon C, et al : Diagnostic de l’embolie pulmonaire avec les D-dimères ajustés à la probabilité clinique. N Engl J Med 2019 ; 381 : 2125-2134.
- Information sur les médicaments : www.compendium.ch (dernière consultation 21.10.2021)
- Rhigini M, et al : JAMA 2014 ; 311(11) : 1117-1124.
- Clinique de Nuremberg : Embolie pulmonaire aiguë, Clinique universitaire de médecine interne, www.klinikum-nuernberg.de (dernière consultation 22.10.2021)
HAUSARZT PRAXIS 2021 ; 16(11) : 24-26 (publié le 15.11.21, ahead of print)