Des progrès durables ont été réalisés en dermato-oncologie au cours des dernières années. Néanmoins, il existe encore aujourd’hui des situations dans lesquelles le contrôle des symptômes est primordial. Les possibilités de traitement intralésionnel peuvent y contribuer de manière significative. Mais il est également question d’influencer l’évolution de la maladie avec les développements actuels, comme la virothérapie.
Le fait que les troubles locaux tels que les suintements, les brûlures et les saignements puissent être influencés par des mesures locales telles que l’électrochimiothérapie ou la virothérapie intralésionnelle est de plus en plus souvent mis à profit en clinique. Un contrôle local de la tumeur – par exemple en cas de métastases facilement accessibles mais inopérables – peut également être obtenu dès aujourd’hui au moyen de mesures locales. L’influence systémique de la maladie par le biais d’options thérapeutiques intralésionnelles reste cependant un objectif inatteignable, qui semble néanmoins se rapprocher de plus en plus grâce à de gros efforts de recherche. La base scientifique : l’injection à un endroit doit activer le système immunitaire de manière à ce qu’il puisse mieux reconnaître et détruire la tumeur à d’autres endroits. Une tumeur “froide” doit donc être transformée en une tumeur “chaude”. Les progrès dans ce domaine ainsi que les nouvelles approches de traitement intralésionnel ont été discutés en détail lors du Congrès allemand sur le cancer de la peau, qui s’est tenu cette année du 8 au 11 septembre.
Le classique : l’électrochimiothérapie
Une option thérapeutique locale qui a toujours été utilisée pour le contrôle local des tumeurs et des symptômes dans les cas avancés est l’électrochimiothérapie – une combinaison d’électroporation et de chimiothérapie. La peau est perforée par des aiguilles et modifiée par le courant électrique appliqué de manière à faciliter l’accès de l’agent chimiothérapeutique appliqué – bléomycine ou cisplatine – au tissu tumoral. L’effet : le cytostatique pénètre dans la cellule tumorale à une concentration jusqu’à 10 000 fois plus élevée. En outre, la microstructure des cellules endothéliales est perturbée, la réorganisation est empêchée par l’agent chimiothérapeutique et il en résulte un effet antivasculaire qui entrave considérablement la croissance locale de la tumeur.
En raison de cet effet, l’électrochimiothérapie a déjà été intégrée dans différentes lignes directrices de traitement, notamment dans les lignes directrices S3 du mélanome malin pour le traitement des métastases en transit et satellites non opérables [1]. Dans le cas du carcinome épidermoïde et du carcinome à cellules de Merkel, cette mesure locale a également été intégrée dans les lignes directrices de l’EORTC pour le traitement des métastases en transit et des métastases satellites [2,3]. En fin de compte, la méthode convient au traitement des métastases cutanées et sous-cutanées, indépendamment de leur origine et des traitements antérieurs. La thérapie est limitée à une profondeur de 4 cm et à la surface d’un demi-mamelon. En revanche, les comorbidités ou l’âge avancé ne constituent généralement pas des obstacles. Comme le diamètre de la tumeur est le facteur qui influence le plus l’efficacité du traitement, il vaut la peine de penser à cette option à un stade précoce.
Bien que l’électrochimiothérapie n’ait pas d’influence sur la survie globale, elle permet d’améliorer considérablement la qualité de vie [4]. En effet, les métastases cutanées peuvent entraîner des complications importantes, telles que des suintements ou des saignements, et répondent souvent mieux à un traitement local qu’à un traitement systémique [4].
Virothérapie : objectifs de développement
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Thérapies intralésionnelles avec effet systémique potentiel : rendre les tumeurs “froides” “chaudes”.
Contrairement à l’électrochimiothérapie, qui ne provoque pas de réactions immunologiques significatives, il existe d’autres options thérapeutiques intralésionnelles dont on peut espérer qu’elles permettront un jour au système immunitaire de l’organisme de s’activer contre la tumeur. Outre le contrôle local de la tumeur, ces substances devraient également avoir un effet sur les lésions qui ne sont pas directement traitées. L’exemple le plus marquant est celui des virus oncolytiques.
L’idée d’injecter des agents pathogènes dans la tumeur pour la détruire existe depuis un certain temps déjà. Ainsi, le premier traitement intralésionnel des tumeurs documenté a été réalisé en 1891 par William B. Coley. Il avait alors injecté du Streptococcus pyogenes dans la lésion du cou de son patient et obtenu une rémission de la tumeur qui a duré huit ans. Le mécanisme d’action était probablement encore obscur à l’époque, mais la première pierre de la thérapie intralésionnelle était néanmoins posée. Aujourd’hui, le mode d’action de l’agent pathogène administré par voie intratumorale peut s’expliquer par le fait que l’infection locale provoquée artificiellement a activé des motifs moléculaires associés à l’agent pathogène (PAMP), qui ont en quelque sorte rendu la tumeur visible pour le système immunitaire. Ces derniers ont en effet déclenché une réponse des cellules T – entre autres via le récepteur Toll-like 9 (TLR9). En raison des nombreux messagers et récepteurs impliqués, de nombreuses structures sont actuellement testées comme immunothérapies intratumorales. Les exemples incluent, outre divers agents pathogènes, des cytokines telles que l’interleukine-2 (IL-2) et les agonistes TLR et STING (Stimulator of Interferon Genes)[5]. L’espoir sous-jacent est le même pour toutes les substances actives : avec le moins d’effets secondaires possible, la réaction immunitaire déclenchée doit aller au-delà du contrôle local de la tumeur et combattre également les métastases éloignées du site d’injection.
Pour favoriser une telle réponse immunitaire, des recherches sont actuellement menées non seulement sur des substances potentiellement appropriées, mais aussi sur les moyens de les rendre particulièrement efficaces. Dans ce domaine, la combinaison avec des inhibiteurs de points de contrôle et la manipulation génétique, par exemple, revêtent une grande importance. Le traitement combiné vise non seulement à renforcer l’efficacité, mais aussi à prévenir d’éventuelles résistances.
Agonistes des TLR-9, IL-2 et STING
Dans le domaine des messagers immunogènes, les TLR-9, l’IL-2 et les agonistes STING, notamment, sont actuellement en discussion pour le traitement intralésionnel des tumeurs. L’étude de phase III la plus avancée est ILLUMINATE-301, qui évalue l’association de l’ipilimumab, un inhibiteur de point de contrôle, et du tilsotolimod (IMO-2125), un agoniste du TLR-9, chez des patients atteints de mélanome réfractaire aux anti-PD1. Les premiers résultats sont attendus dès la fin de l’année [6]. L’agoniste du TLR-9 SD-101 est également actuellement étudié en combinaison avec le pembrolizumab dans le mélanome malin. Chez les patients non prétraités par immunothérapie, les études précoces montrent des taux de réponse élevés, indépendamment du statut PD-L1 [7].
Malheureusement, au cours des dernières années, les agonistes STING se sont révélés décevants à plusieurs reprises dans différentes entités tumorales. Il existe actuellement quelques nouvelles approches avec des substances actives qui devraient agir plus longtemps et de manière plus stable : E7766, BMS986301 et GSK3745417. Ils sont également étudiés principalement en combinaison avec des inhibiteurs de points de contrôle.
La substance Bempegaldesleukin (NKTR-214), un analogue de l’IL-2, est déjà autorisée aux États-Unis pour le traitement intralésionnel du mélanome malin, en association avec le nivolumab. Actuellement, l’étude de phase III correspondante est en cours pour comparer le traitement combiné et la monothérapie par nivolumab chez des patients atteints de mélanome non traités.
Virus oncolytiques
Les agents pathogènes – en particulier les virus oncolytiques – sont également étudiés aujourd’hui pour le traitement intralésionnel des tumeurs cutanées et des métastases. Ceux-ci sont déjà mis en place, soit par une ponction directe de la lésion, soit par une ponction guidée par ultrasons. Ainsi, le Talimogen laherparepvec (T-VEC), virus de l’herpès simplex atténué, est autorisé en Suisse depuis 2016 en monothérapie pour les mélanomes non résécables avec métastases régionales ou à distance sans atteinte viscérale [8]. Dans l’étude OPTiM de phase III, qui a porté sur 2116 patients atteints de mélanome, une réduction de taille de plus de 50% a été observée dans 64% des lésions traitées, et des rémissions complètes ont été obtenues dans 47% des lésions traitées directement [9]. Cependant, l’effet du traitement était localisé. Ainsi, pour les lésions immédiatement adjacentes mais non traitées directement, une diminution de taille de plus de 50% n’a été observée que dans 34% des cas et des rémissions complètes dans 22% des cas seulement. Les foyers plus éloignés ont encore moins bien répondu au traitement, avec des réductions de taille de plus de 50% (15%) et des rémissions complètes (9%) rares [9].
Il existe donc déjà des virus oncolytiques efficaces pour le contrôle local des tumeurs, mais un effet systémique pertinent n’a pas encore été démontré. Pour obtenir un tel résultat, différents virus sont génétiquement modifiés et combinés à des agents immunothérapeutiques. Par exemple, à Heidelberg, on étudie actuellement un virus oncolytique de la rougeole génétiquement modifié qui code pour l’IL-12 et qui devrait donc stimuler encore plus la réponse immunitaire. Il s’est avéré puissant dans le modèle de souris et un essai clinique de phase I/II incluant des tumeurs gastro-intestinales avancées avec implication du foie est actuellement prévu. Le virus doit être introduit dans les métastases hépatiques sous guidage échographique. Un avantage potentiel réside dans le fait que les virus sont des agents capables de se répliquer et donc de se propager. Si l’on en croit les experts présents au 31e Congrès allemand sur le cancer de la peau, certaines modifications de laboratoire feront leur entrée dans les cliniques au cours des prochaines années.
L’administration de virus oncolytiques par voie intraveineuse pour obtenir un effet systémique est un sujet de débat récurrent. Celle-ci est plus ou moins bien tolérée selon le virus. Par exemple, le traitement par le virus de la variole provoque parfois des effets secondaires importants dès l’administration locale, alors que le traitement systémique par le parvovirus est généralement bien toléré.
Source : Session 5 “Virus oncolytiques et autres options thérapeutiques intralésionnelles” présidée par S. Haferkamp et J. Landsberg, 31e Congrès allemand sur le cancer de la peau, 09.09.2021
Littérature :
- AWMF : Ligne directrice S3 sur le diagnostic, le traitement et le suivi du mélanome . Version 3.3, 2020.
- AGO : Guidelines Breast, récidive locorégionale. Situation en 2021.
- Stratigos A, et al : Diagnostic et traitement des carcinomes épidermoïdes invasifs de la peau : guide interdisciplinaire européen fondé sur le consensus. Eur J Cancer. 2015 ; 51(14) : 1989-2007.
- Spratt DE, et al : Efficacité de la thérapie dirigée vers la peau pour les métastases cutanées de cancers avancés : une méta-analyse. J Clin Oncol. 2014 ; 32(28) : 3144-3155.
- Melero I, et al : Administration intratumorale et ciblage des tissus tumoraux des immunothérapies anticancéreuses. Nat Rev Clin Oncol. 2021 ; 18(9) : 558-76.
- www.clinicaltrials.gov (dernier accès le 23.09.2021)
- Ribas A, et al. : SD-101 en association avec le pembrolizumab dans le mélanome avancé : résultats d’une étude multicentrique de phase Ib. Cancer Discov. 2018 ; 8(10) : 1250-1257.
- www.swissmedicinfo.ch (dernier accès le 23.09.2021)
- Andtbacka RH, et al : Patterns of Clinical Response with Talimogene Laherparepvec (T-VEC) in Patients with Melanoma Treated in the OPTiM Phase III Clinical Trial. Ann Surg Oncol. 2016 ; 23(13) : 4169-4177.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2021 ; 9(5) : 37-39 (publié le 27.10.21, ahead of print)