Dans une interview accordée à DERMATOLOGIE PRAXIS, le Dr Myriam Wyss Fopp, médecin spécialiste FMH en dermatologie, allergologie et immunologie clinique, Meilen, donne des informations sur les différentes maladies trichologiques associées à la perte de cheveux et aux problèmes de cuir chevelu. L’accent est mis sur les causes et les options thérapeutiques de l’alopécie androgénétique, de l’irritation du cuir chevelu et de la desquamation de la tête.
Dr Wyss, sait-on aujourd’hui, d’un point de vue médical, quels sont exactement les gènes responsables de l’alopécie androgénétique ou qui interagissent dans l’alopécie androgénétique ?
Le Dr Wyss :
Le rôle de la génétique dans l’alopécie androgénétique (AGA) est hors de question. Par exemple, l’AGA est plus fréquente chez les Caucasiens et il existe une prévalence familiale. Cependant, si certains gènes ont été identifiés comme étant associés à l’AGA, il n’en reste pas moins qu’il existe des différences entre les deux. Toutefois, la pathogenèse exacte n’a pas encore été élucidée. On sait que les polymorphismes du gène du récepteur des androgènes, localisé sur le chromosome X, sont associés à l’AGA chez l’homme. Cependant, il est probable qu’un grand nombre de gènes soient responsables de la manifestation du phénotype “alopécie androgénétique”. Récemment, quatre nouveaux loci à risque ont été identifiés sur les chromosomes 2, 3, 5 et 12. L’hypothèse selon laquelle les AGA partagent des gènes de susceptibilité communs chez l’homme et la femme a également été étudiée. Ainsi, ces quatre loci ont été étudiés chez 585 femmes souffrant de perte de cheveux androgénétique, mais aucune association n’a été trouvée. L’étiologie de l’alopécie androgénétique chez la femme est encore mal comprise. On pense que des modifications au niveau du gène de la voie de l’aromatase et du récepteur 2 des œstrogènes jouent un rôle important.
Les traitements contemporains peuvent-ils régénérer les racines des cheveux ou seulement empêcher la progression de l’AGA ?
L’objectif premier du traitement est de stopper la perte de cheveux. L’AGA est un processus à évolution lente qui se traduit par un raccourcissement progressif de la phase anagène des cheveux dans une zone spécifique du cuir chevelu. Il en résulte une miniaturisation croissante des follicules, qui est heureusement réversible dans une certaine mesure. Cela a été démontré à la fois avec les comprimés de finastéride et la solution de minoxidil.
Quelles sont les méthodes thérapeutiques disponibles pour les hommes et pour les femmes ?
Les médicaments dont l’efficacité a été scientifiquement prouvée et qui sont disponibles sur le marché sont les comprimés de finastéride et la solution de minoxidil chez l’homme, et la solution de minoxidil chez la femme.
Est-il possible de traiter complètement l’AGA afin qu’elle ne se poursuive pas après l’arrêt du médicament ?
Vous soulevez ici un point important qui ne doit pas être omis dans l’information donnée aux patients : Non, les médicaments ne sont efficaces que tant qu’ils sont utilisés.
Quelle est l’importance du moment du début de la thérapie ?
Très important. Plus la thérapie est mise en place tôt, plus elle est efficace. Il est beaucoup plus facile d’obtenir des cheveux que de restaurer des cheveux perdus. Souvent, beaucoup de temps et d’argent sont perdus avant qu’une analyse approfondie des causes ne soit effectuée, ce qui est dommage.
Passons maintenant aux problèmes quotidiens du cuir chevelu : Comment distinguer un cuir chevelu irrité ponctuellement ou temporairement d’un cuir chevelu à problèmes permanents ?
L’irritation du cuir chevelu peut se manifester par des pellicules, un érythème, un prurit, une trichodynie, une dysesthésie, une sébostase ainsi qu’une séborrhée.
Une irritation passagère du cuir chevelu est soit auto-limitée, soit souvent améliorée par l’utilisation de shampooings traitants anti-irritants doux (contenant par exemple des extraits d’hamamélis ou de cardiosperme) ou de shampooings contenant du kétoconazole.
Les irritations permanentes du cuir chevelu se présentent souvent sous la forme d’une dermatite séborrhéique du cuir chevelu, d’une manifestation de psoriasis ou de dermatite atopique.
Comment regraisser un cuir chevelu sec ?
Par exemple, avec des enveloppements de soin qui peuvent également être laissés sur les cheveux pendant la nuit. Il est important d’utiliser des shampooings doux et enrichis en agents traitants. En cas d’eczéma à caractère sébostatique, il ne faut pas prescrire d’excipients contenant de l’alcool (par exemple sous forme de solutions contenant des corticostéroïdes), mais des crèmes, par exemple des crèmes à base de stéroïdes, pendant la nuit.
Quelles sont les causes qui contribuent à une surproduction des glandes sébacées (cuir chevelu gras) ?
Là encore, les facteurs génétiques jouent un rôle. L’hyperséborrhée est souvent le résultat d’une action des androgènes et est donc associée à l’acné, à l’hirsutisme et à l’alopécie androgénétique, comme c’est le cas par exemple dans le syndrome des ovaires polykystiques. Les hommes sont plus souvent touchés par l’hyperséborrhée que les femmes. Une cause connue est le parkinsonisme, on parle de visage en pommade.
Les pellicules du cuir chevelu sont-elles essentiellement un problème esthétique ou ont-elles tendance à accompagner une maladie de la peau ?
Les deux. La cause des pellicules du cuir chevelu est une prolifération accélérée des cellules épidermiques. Elles peuvent se présenter sous la forme de simples squames sèches (pityriasis simplex), ou alors au niveau de zones inflammatoires du cuir chevelu comme symptôme associé à la maladie de peau. Le psoriasis capillitii, l’eczéma séborrhéique et l’eczéma atopique du cuir chevelu en sont des exemples, mais il faut également penser à des dermatoses rares comme le pemphigus foliacé.
Quelle est la différence entre le traitement des pellicules sèches et celui des pellicules grasses ?
Cette question est importante, car le traitement est effectivement différent. Dans les deux cas, l’acide salicylique convient pour la desquamation. Pour les pellicules sèches (pityrisis simplex), nous préférons une base huileuse et pour les pellicules grasses (pityriasis steatoides), nous utilisons des lotions. Si l’on souhaite également obtenir un effet anti-inflammatoire, il est recommandé d’utiliser une crème à la cortisone en cas de pellicules sèches et une lotion contenant des stéroïdes, appelée “application sur le cuir chevelu”, en cas de pellicules grasses. En outre, des shampooings médicamenteux sont bien entendu utilisés, par exemple ceux contenant du kétoconazole, de la piroxolamine ou du miconazole. Pour la prévention des récidives, il est recommandé de suivre un traitement progressif sur plusieurs semaines ou, selon les cas, un traitement d’entretien, par exemple une fois par semaine.
Quelles sont vos recommandations aux patients qui souffrent de pellicules et qui doivent se laver les cheveux tous les jours pour des raisons d’emploi et d’hygiène ?
L’idée que le lavage quotidien des cheveux est néfaste ou qu’il entraîne la chute des cheveux est une idée fausse courante dont il faut informer le patient. Les cheveux peuvent être lavés tous les jours sans problème. Dans le cas du pityriasis amiantacé (lichen asbestosique), le lavage quotidien des cheveux est déterminant pour le succès du traitement. D’après mon expérience, cette maladie du cuir chevelu touche volontiers les patientes qui ne se font laver les cheveux que toutes les semaines ou toutes les deux semaines chez le coiffeur. Il faut souvent faire preuve de persuasion pour briser cette habitude.
Le temps et la saison contribuent-ils à la desquamation de la tête ?
Oui, prenons un exemple : En hiver, pendant la saison sèche, nous observons plus souvent des cas d’eczéma atopique du cuir chevelu.
Entretien : Andreas Grossmann
Pratique dermatologique 2014 ; 24(1) : 30-31