Les chiffres d’incidence des tumeurs cutanées, y compris le mélanome malin, continuent d’augmenter. Grâce aux techniques modernes de chirurgie dermatologique, de nombreuses tumeurs cutanées peuvent être enlevées de manière douce, efficace et avec un bon résultat cosmétique. Outre la maîtrise des techniques chirurgicales simples, l’expérience d’autres procédures non chirurgicales est également pertinente. Il est également important de savoir quand il est nécessaire d’orienter les patients vers des interventions plus complexes, telles que l’excision avec contrôle de l’incision (chirurgie de Mohs).
En raison de l’augmentation massive des cancers de la peau sous nos latitudes [1], la chirurgie dermatologique prend également de plus en plus d’importance. Une grande partie des cancers de la peau peuvent être diagnostiqués et traités au cabinet médical par de simples biopsies et excisions. Ainsi, ces patients peuvent être pris en charge à un coût très faible par rapport à un traitement en clinique, tant que les interventions simples de chirurgie dermatologique sont suffisamment remboursées par les tarifs ambulatoires. Pour traiter avec succès les patients atteints de cancer de la peau dans un cabinet médical, il faut non seulement maîtriser les techniques chirurgicales simples, mais aussi avoir de l’expérience avec d’autres procédures de traitement non chirurgicales et savoir quand il est nécessaire d’orienter le patient vers des procédures plus complexes telles que l’excision contrôlée par incision (chirurgie de Mohs).
Biopsies
En règle générale, si une tumeur cutanée est suspectée, une biopsie est d’abord effectuée. En cas de suspicion de mélanome malin, l’exérèse totale doit être recherchée dans la mesure du possible. Bien que plusieurs études n’aient pas confirmé les craintes antérieures selon lesquelles la biopsie incisionnelle pourrait favoriser la formation de métastases [2], l’excision complète de ces lésions permet d’établir un diagnostic histologique beaucoup plus fiable et d’évaluer la profondeur de pénétration ou le stade de la tumeur.
En cas de suspicion clinique de carcinome basocellulaire ou pour distinguer une kératose actinique (précancéreuse) d’un carcinome spinocellulaire, une biopsie au punch ou au shave est suffisante dans la plupart des cas. La biopsie au punch peut être réalisée rapidement, mais pour une évaluation histologique adéquate, il convient d’utiliser le punch le plus grand possible, ou au moins un punch de 4 mm. Les défauts peuvent être fermés à l’aide de Steristrips ou de sutures à bouton unique. Des études ont montré que les cicatrices des biopsies au punch >4 mm sont plus belles lorsque le défaut est suturé [3]. Pour gagner du temps, les trous de punch peuvent également être fermés avec un seul point double croisé. Il est important que, lors de la réalisation de la biopsie par punch, la zone de peau soit étirée dans le sens de la largeur, perpendiculairement aux lignes de la fente cutanée, de sorte qu’il en résulte un défaut ovale qui peut être fermé beaucoup plus facilement.
Pour le diagnostic histologique d’une tumeur épithéliale, une biopsie du shave peut également suffire dans certaines circonstances. Celle-ci peut par exemple être réalisée à l’aide d’une curette à anneaux ou d’une lame flexible (dermablade). L’hémostase est ensuite réalisée avec une solution de chlorure d’aluminium à 30% ou avec une solution de fer III. Cette technique permet de gagner du temps, mais il faut veiller à prélever un biopsat suffisamment profond pour l’évaluation histologique. Si seules des croûtes sont biopsiées, il n’est pas possible de se prononcer sur la valeur intrinsèque de la tumeur.
Une biopsie trop superficielle ne permet pas non plus de déterminer le caractère invasif de la tumeur. En outre, la biopsie du shave rend parfois l’exérèse totale de la tumeur plus difficile par la suite – d’une part, le site de la biopsie n’est souvent plus bien reconnaissable par la suite, et d’autre part, l’exérèse ultérieure est souvent plus importante en raison de la cicatrice de la biopsie du shave plus étendue. Dans la mesure du possible, la punchbiospie est donc toujours préférable dans le diagnostic des tumeurs cutanées.
Les tumeurs pigmentées et les nævus cellulaires peuvent en principe être complètement excisés par shave-excision, ce qui donne même de meilleurs résultats esthétiques sur certaines parties du corps (p. ex. le dos). Cette technique doit cependant y être réservée à des médecins expérimentés, sinon le risque est grand que la lésion ne soit pas retirée in toto à la base. Cela complique d’une part l’évaluation histologique et entraîne d’autre part des récidives qu’il peut être difficile de distinguer histologiquement d’un pseudomélanome.
Excisions simples
Une grande partie des tumeurs cutanées peuvent être traitées de manière curative par une simple excision avec une marge de sécurité. Il n’y a pas de consensus dans la littérature sur l’ampleur des marges de sécurité nécessaires lorsque les taux de récidive sont faibles. Celle-ci dépend principalement du type de tumeur et de sa localisation. Dans le cas d’un carcinome basocellulaire nodulaire, une marge de sécurité de 4 mm est généralement suffisante sur tous les côtés en milieu sain. Pour les tumeurs à croissance infiltrante (par ex. carcinome basocellulaire szirrheux, carcinome basocellulaire micronodulaire, etc.), la marge de sécurité pour des taux de guérison de 95% devrait être de 13-15 mm [4]. Dans ces cas, il est généralement recommandé d’orienter le patient vers la chirurgie de Mohs, qui permet des marges de sécurité nettement plus faibles avec un taux de récidive plus faible. Pour un carcinome spinocellulaire, la marge de sécurité latérale doit être de 6 à 10 mm selon le degré de différenciation [5]. Les tumeurs cutanées pigmentées doivent faire l’objet d’une excision totale avec une marge de sécurité étroite. Si l’histologie révèle alors un mélanome malin, il convient de procéder à une nouvelle excision avec une marge de sécurité de 1 à 2 cm et, si nécessaire, à une biopsie du ganglion lymphatique sentinelle en fonction de la profondeur de pénétration du mélanome [6]. Même en cas de forte suspicion clinique de mélanome malin, l’excision ne doit pas être réalisée en premier lieu avec une marge de sécurité, car cela rendrait impossible ou plus difficile et moins précise la réalisation éventuelle d’une biopsie du ganglion lymphatique sentinelle.
Guide de coupe
En cas d’excision fusiforme, l’incision doit toujours être pratiquée dans le sens des lignes de la fente cutanée. Dans différents manuels, on trouve parfois des schémas différents avec ces lignes de fente cutanée. Il est donc toujours recommandé de vérifier avec les doigts, avant d’injecter l’anesthésie locale, dans quelle direction la tension est la plus forte. Aux extrémités, les lignes d’excision doivent généralement être axiales ou en forme de S, contrairement à de nombreux schémas publiés. Sur le visage, les rides d’expression servent de guide. En cas de doute, il est recommandé d’exciser la lésion le long de ses limites et de ne la compléter en un défaut fusiforme qu’ultérieurement, lorsqu’il devient évident dans quelle direction l’excision ronde sera étirée. Près des bords libres (par exemple la bouche, les ailes du nez, les paupières), il est extrêmement important que l’incision soit perpendiculaire à ce bord libre, sinon celui-ci sera déformé, ce qui donnera des résultats très défavorables sur le plan esthétique.
Obturation des défauts
La fermeture du défaut se fait généralement en plusieurs couches en cas d’excision fusiforme. On commence par poser une suture sous-cutanée, qui est en fait une suture sous-cutanée/cutanée à proprement parler. Celle-ci diminue la tension et conduit à une meilleure éversion des berges de la plaie. Il est important de choisir le fil approprié – aux endroits où il y a souvent de larges cicatrices dues à la tension de la peau, il faut choisir un fil résorbable avec un long temps de résorption. Il est ainsi possible de faire en sorte que la cicatrice soit plus avancée dans le processus de guérison et de maturation jusqu’à ce que la suture sous-cutanée n’aide plus à réduire la tension.
On procède ensuite à une adaptation fine des bords de la plaie à l’aide d’une suture cutanée qui sert également à l’hémostase. Pour obtenir de beaux résultats esthétiques, il est essentiel que les bords de la plaie soient adaptés avec précision à l’aide de la suture cutanée, sans aucune étape, et que la piqûre soit effectuée près des bords de la plaie. De plus, les résultats sont plus beaux sur de nombreuses parties du corps si les bords de la plaie sont couverts lors de la fermeture. Cela peut être réalisé d’une part en positionnant correctement la suture sous-cutanée, et d’autre part en utilisant différentes techniques de suture (par exemple, la suture de Donati ou la suture de matelas). (Fig. 1). Au cours de la cicatrisation, chaque cicatrice se contracte, c’est pourquoi une fermeture de plaie primaire plate se traduit souvent par une cicatrice rétractée, tandis qu’une fermeture de plaie plus profonde, d’abord légèrement bombée, se traduit finalement par une cicatrice plate. Si la plaie est déjà fermée sans tension par la suture sous-cutanée, la suture de la peau peut généralement être effectuée avec une suture continue. Cette technique permet avant tout de gagner du temps et donne souvent de plus beaux résultats esthétiques, surtout si la suture est intracutanée. Il existe également des techniques de suture continue qui permettent une bonne hémostase des bords de la plaie en enroulant le fil (Fig. 2). Les complications éventuelles (déhiscence de la suture, infection de la plaie, hémorragie secondaire) sont toutefois plus difficiles à traiter avec les techniques de suture continue, car il faut alors généralement ouvrir toute la suture.
Plasties par lambeaux et greffes de peau
Si un défaut peut être fermé en ajoutant un défaut fusiforme et en adaptant directement les bords de la plaie sans déformer les structures environnantes, il s’agit de la méthode préférée. Grâce à la fermeture directe de la plaie, le traitement est le plus rapide et le plus agréable pour le patient, le moins coûteux et donne généralement les meilleurs résultats esthétiques. Mais si la fermeture du défaut n’est plus possible en raison de la taille du défaut ou du résultat esthétique, on a recours à des plasties par lambeau ou à des greffes de peau. De nombreuses plasties par lambeau simples peuvent tout à fait être réalisées en cabinet si l’on dispose de l’expérience nécessaire. Il s’agit par exemple de défauts dans la région du front qui peuvent être fermés par une plastie O-Z ou une plastie O-T. Les défauts dans la région de l’oreille interne peuvent être fermés par une plastie O-Z ou une plastie O-T. Ou des défauts dans la région de la tempe qui peuvent être fermés par une rotation-plastie ou une transposition-plastie. Une greffe de peau totale peut également être facilement réalisée dans le cabinet. Dans de nombreux endroits, une greffe de peau totale donne un résultat esthétique tout à fait satisfaisant, par exemple au niveau de la pointe du nez ou de la tempe. Les greffes de peau totale sont généralement moins esthétiques sur les zones convexes comme la joue ou le front. Toutefois, avant de procéder à une plastie par lambeau ou à une greffe de peau, il est essentiel de s’assurer que la tumeur a été entièrement retirée grâce à un traitement histologique contrôlé par incision.
Excision contrôlée par micrographie
Pour de nombreuses tumeurs, il est préférable de les traiter en premier lieu par une chirurgie contrôlée par micrographie. Pour ce faire, il est possible d’avoir recours à la chirurgie classique de Mohs. La tumeur est excisée, puis immédiatement traitée histologiquement par un examen extemporané selon une procédure spéciale, de sorte que l’ensemble du bord de coupe latéral et profond puisse être évalué histologiquement. L’évaluation histologique est effectuée par le dermatochirurgien lui-même, ce qui permet d’obtenir la plus grande précision dans la localisation des éventuelles parties tumorales formant les bords, ce qui se traduit par des défauts d’excision les plus petits possibles. Cette technique est toutefois réservée à des centres spécialisés qui offrent la possibilité d’un traitement chirurgical et d’un examen histologique sous le même toit.
D’autre part, il existe la possibilité d’une excision en deux temps, dans laquelle le défaut d’excision est traité avec un pansement de maintien, tandis que l’excision est traitée par un laboratoire de dermatohistopathologie en contrôlant les bords de la coupe. La ré-excision ou la fermeture de la plaie a lieu quelques jours après l’obtention de ce résultat. Cette technique doit être réservée en priorité aux tumeurs difficiles à évaluer histologiquement, aux tumeurs mélanocytaires du visage et aux situations où il n’est pas possible d’adresser le patient à un centre spécialisé dans la chirurgie de Mohs.
Les deux méthodes d’excision contrôlée par micrographie ont en commun le fait que l’examen complet de tout le bord de l’incision permet de réduire considérablement le taux de récidive des tumeurs. Pour les carcinomes basocellulaires nodulaires, par exemple, on observe des taux de guérison d’environ 95% en cas d’excision simple avec une marge de sécurité de 4 mm. La chirurgie à incision contrôlée permet de les augmenter à 99% [4].
La différence de taux de récidive est encore plus marquée pour les tumeurs récidivantes : Dans ce cas, une excision normale avec une marge de sécurité de 4-5 mm entraîne jusqu’à 17% de récidives, alors que la chirurgie de Mohs permet de réduire ce taux à 3-4% [7]. Parallèlement, l’utilisation de la chirurgie à incision contrôlée entraîne des défauts d’excision plus petits, car il est possible de choisir en premier lieu des distances de sécurité plus petites. Cet avantage est particulièrement utile dans le cadre de la chirurgie classique de Mohs, où les excisions sont évaluées par le dermatochirurgien lui-même et où les ré-excisions peuvent être effectuées avec une précision correspondante.
En raison du coût supplémentaire de la chirurgie à incision contrôlée, celle-ci ne peut pas être pratiquée sur toutes les tumeurs épithéliales (carcinomes basocellulaires, carcinomes spinocellulaires). Elle doit être utilisée en premier lieu lorsque, en raison de la localisation difficile de la tumeur ou de la nécessité de reconstruire avec une plastie par lambeau, il est nécessaire d’avoir un défaut d’exérèse aussi petit que possible, mais certainement exempt de tumeur. Elle est également indiquée pour les tumeurs qui sont très difficiles à délimiter cliniquement ou pour les tumeurs qui présentent un schéma de croissance particulièrement agressif ou qui ont tendance à récidiver plus fréquemment (par exemple, les carcinomes basocellulaires à croissance infiltrante, l’invasion périneurale, la localisation dans la zone H du visage, un diamètre supérieur à 2 cm, etc. Aperçu 1). Pour ces tumeurs, le traitement chirurgical en cabinet est moins adapté et une orientation vers un centre de dermatochirurgie doit être envisagée.
Pour les tumeurs mélanocytaires, il existe des preuves croissantes que l’excision contrôlée par incision des mélanomes lentigo malins du visage entraîne moins de récidives que l’excision avec des marges de sécurité fixes. Cela pourrait être dû principalement à la difficulté de délimiter cliniquement ces tumeurs dans une peau endommagée par la lumière. Pour ces entités, l’excision en deux temps avec contrôle du bord de coupe sur l’incision en paraffine est plus appropriée, car elle permet également de réaliser plus facilement des colorations spéciales. Il en va de même pour d’autres tumeurs plus rares, comme le dermatofibrosarcome protubérant (DFSP) ou le microcancer de l’annexe, pour lesquels la chirurgie avec contrôle de l’incision permet d’obtenir des marges de sécurité nettement plus faibles avec des taux de récidive plus faibles.
Messages Take-Home
- Pour les tumeurs épithéliales (carcinome basocellulaire, carcinome spinocellulaire), le diagnostic est généralement confirmé en premier lieu par une biopsie. En cas de suspicion de mélanome malin, l’exérèse totale doit être recherchée. Cela permet d’établir un diagnostic histologique plus fiable.
- La fermeture du défaut se fait généralement en plusieurs couches en cas d’excision fusiforme. Pour ce faire, une suture sous-cutanée est d’abord posée afin de réduire la tension. Dans les zones où les cicatrices sont souvent larges en raison de la tension de la peau, il convient de choisir un fil résorbable avec une longue durée de résorption.
- De nombreuses plasties par lambeau simples peuvent être réalisées avec l’expérience nécessaire.
être effectuées dans la pratique. Dans de nombreuses localisations, une greffe de peau totale donne un bon résultat esthétique, alors que les greffes de peau totale sont déconseillées dans les zones convexes comme la joue ou le front. - Des centres spécialisés réalisent des excisions sous contrôle micrographique, soit par chirurgie de Mohs classique, soit par excision en deux temps.
Les deux méthodes permettent de réduire considérablement le taux de récidive des tumeurs grâce à l’examen complet de l’ensemble du bord de l’incision.
La chirurgie de Mohs sur l’incision rapide présente des avantages en termes de précision et de confort du patient.
Bibliographie chez l’auteur
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2023; 11(2): 10–13