Les démangeaisons persistantes sont très pénibles pour les personnes concernées et peuvent entraîner une énorme souffrance. Une évaluation diagnostique minutieuse du prurit chronique est la base d’un traitement ciblé. Il reste à voir quelles molécules actuellement testées dans le cadre d’essais cliniques franchiront l’obstacle de l’autorisation de mise sur le marché. Les résultats obtenus jusqu’à présent sont prometteurs, notamment en ce qui concerne le prurigo chronique, caractérisé par des nodules cutanés qui démangent beaucoup.
Si les symptômes de démangeaison persistent pendant plus de 6 semaines, on parle de prurit chronique. Cela peut se produire dans le cadre de différentes maladies. Le traitement reste un défi. Le mécanisme sous-jacent est supposé être une sensibilisation périphérique des fibres nerveuses cutanées par des médiateurs inflammatoires. Il reste cependant de nombreuses questions en suspens. Pour la prise en charge du prurit chronique, le guide s2k correspondant offre une orientation utile. Outre les dermatoses, le prurit est également associé à diverses maladies internes et neurologiques/psychiatriques (voir 1-3). Le prurigo chronique est une forme particulière chronicisée. “Le prurigo chronique est une maladie à part entière qui constitue un problème majeur pour nos patients”, explique le professeur Martin Metz, de la clinique de dermatologie, vénérologie et allergologie de la Charité, médecine universitaire de Berlin, à l’occasion de la réunion annuelle 2021 de la SGDV [1]. Récemment, l’International Forum for the Study of Itch (IFSI) a publié une nouvelle ligne directrice internationale (encadré) [2]. “C’est la toute première ligne directrice sur le prurigo chronique”, a déclaré le professeur Metz. Aujourd’hui, on pense que cette entité complexe se développe par le biais d’une sensibilisation neuronale et de l’apparition d’un cycle de démangeaisons et de grattage.
Evaluer la sévérité du prurit et l’altération de la qualité de vie
Selon l’étude “Global Burden of Diseases Study”, le prurit chronique fait partie des 50 maladies centrales et très invalidantes [3]. La qualité de vie des patients souffrant de démangeaisons persistantes est souvent considérablement réduite – beaucoup d’entre eux souffrent de dépression, de troubles du sommeil et d’une diminution deleurs performances. Il peut y avoir des pertes de revenus et des restrictions de participation à la vie sociale extra-professionnelle [4]. En plus de l’anamnèse et de l’examen clinique spécifiques au prurit, la ligne directrice actuelle recommande l’utilisation de questionnaires. Il existe désormais plusieurs outils validés pour évaluer la sévérité du prurit (NRS, VAS)* et les limitations de la qualité de vie (DLQI, ItchyQoL) ainsi que les éventuels symptômes affectifs (HADS) [4,5].
* NRS= Échelle de notation numérique, VAS= Échelle visuelle analogique
Existe-t-il ou non une maladie systémique ?
Les examens de laboratoire constituent un autre pilier du diagnostic. Dans ce cas, les paramètres suivants doivent être déterminés dans le cadre d’un dépistage : hémogramme différentiel, CRP, ferritine, paramètres hépatiques (bilirubine, enzymes hépatiques, phosphatase alcaline). Paramètres rénaux (créatinine, urée, DFG, potassium), taux de glucose pour exclure un diabète, ainsi que LDH et TSH. En outre, si l’on a une suspicion clinique, d’autres investigations peuvent être utiles, comme le dosage des IgE totales, les biopsies cutanées, la radiographie, l’échographie abdominale, a déclaré l’orateur. Ces évaluations doivent être réalisées en collaboration interdisciplinaire avec les autres disciplines concernées.
Le guide s2k actuel sur le prurit chronique propose une classification en trois catégories comme base de décision thérapeutique [1,4] (fig. 1) :
1) Prurit chronique sur une peau primitivement altérée, 2) Prurit chronique sur une peau initialement inchangée, 3) Prurit chronique avec lésions de grattage. Le premier groupe comprend, entre autres, le prurit comme symptôme associé dans le cadre de maladies hépatobiliaires, néphrologiques ou neurologiques, ainsi que le prurit d’origine médicamenteuse, explique le professeur Metz. La catégorie “prurit chronique avec lésions de grattage” comprend notamment le prurigo chronique – qui, selon la compréhension actuelle, est un modèle de réaction secondaire au prurit chronique [6,7].
Les options de traitement actuelles sont limitées
Il n’existe pas de traitement unique et universel du prurit chronique en raison de la diversité des causes sous-jacentes possibles [4]. Si l’on sait quelle maladie accompagne les symptômes de démangeaison, il est possible de recourir à des recommandations thérapeutiques spécifiques. Par exemple, pour les maladies du foie, on cite la rifampicine (150-600 mg/jour) ou la naltrexone (25-50 mg/jour) [8]. En cas de prurit chronique d’origine indéterminée, on utilise non seulement des antihistaminiques comme traitement de première intention, mais aussi des substances actives d’autres domaines, c’est-à-dire avec un autre champ d’indication principal [1]. Il s’agit notamment de la gabapentine de deuxième ligne (jusqu’à 3600 mg/jour) ou de la prégabaline (jusqu’à 600 mg/jour) et des ISRS de troisième ligne (p. ex. sertraline 25-50 mg/jour, le matin). Si aucune de ces options n’est envisageable ou ne permet d’atteindre l’objectif fixé, il est possible de faire un essai thérapeutique avec la mirtazapine (15 mg/jour) ou la naltrexone (50-150 mg/jour). En outre, la luminothérapie (UVB 311 nm) est mentionnée comme une alternative de traitement.
Les différentes options thérapeutiques dépendant de l’étiologie sont résumées dans la ligne directrice. Il est utile d’établir un plan de traitement individuel en tenant compte des mesures antiprurigineuses appropriées dans chaque cas.
Plusieurs candidats médicaments dans le pipeline
Il semble que l’éventail des médicaments pour le traitement du prurit chronique s’élargira dans un avenir pas si lointain. Au cours des dernières années, des efforts de recherche intensifs ont permis de réaliser des progrès significatifs et d’identifier plusieurs médiateurs et cibles pour un traitement pharmacologique ciblé du prurit. Beaucoup d’entre eux ont une approche directement anti-prurigineuse, explique le professeur Metz. Parmi les représentants prometteurs en phase avancée de développement clinique figurent notamment les anticorps monoclonaux lebrikizumab (anti-IL-13), tralokinumab (anti-IL-13) et nemolizumab (anti-IL-31), ainsi que les inhibiteurs JAK baricitinib, abrocitinib et upadacitinib, qui font partie des “petites molécules”. Ces agents ont obtenu une réduction remarquable des symptômes de démangeaison dans les études cliniques, avec une amélioration clinique allant jusqu’à 4 points sur l’échelle NRS, explique le conférencier. Il existe également quelques données spécifiques au prurigo chronique. Dans l’un des essais cliniques sur le némolizumab, la proportion de patients ayant obtenu une réduction d’au moins 4 points sur l’échelle NRS dans la condition verum dès 4 semaines après la ligne de base était considérable : 59% contre 31% sous placebo [9]. Il existe également des données encourageantes sur le dupilumab : cet anticorps qui inhibe les voies de signalisation de l’IL-4 et de l’IL-13 a obtenu un soulagement significatif du prurit dans plusieurs rapports de cas, même chez des patients dont les symptômes de prurit n’étaient pas dus à une dermatite atopique [10].
Congrès : Assemblée annuelle de la SSDP
Littérature :
- Metz M : Diagnostic et traitement du prurit chronique. Prof. Martin Metz, SSDV 25-27.08.2021.
- Ständer S, et al. : Itch 2020, 5 (Issue 4), p e42.
- Hay RJ, et al : J Invest Dermatol 2014 ; 134 : 1527-1534.
- Ständer S, et al : JDDG 2017 ; 15 : 860-873.
- Verweyen E, et al : Acta Derm Venereol 2019 ; 99(7) : 657-663.
- UKM ; www.ukm.de/index.php?id=8868.
- Pereira MP, et al : J Eur Acad Dermatol Venereol 2017, https://doi.org/10.1111/jdv.14570
- Düll MM, et al. : Curr Gastroenterol Rep 2019 ; 21(9) : 48.
- Ständer S, et al : N Engl J Med 2020 ; 382(8) : 706-716.
- Calugareanu A, et al ; J Eur Acad Dermatol Venereol 2020 ; 34(2) : e74-e76.
- Ständer S : Ligne directrice internationale sur le prurigo chronique : premier pas vers une prise en charge structurée. P 191. JDDG 2021 ; 19(IssueS2) : 25-142.
DERMATOLOGIE PRAXIS 2021 ; 31(5) : 29-30 (publié le 7.10.21, ahead of print)