Ces dernières années, le progrès a fait une entrée impitoyable dans les hôpitaux et les maisons de retraite. Les nouveaux noms sont le signe de l’ouverture d’esprit des institutions. Nos concitoyens âgés sont certainement heureux de ne plus devoir vivre dans une maison de retraite douillette, mais dans un centre moderne.
“Alterszentrum” ou “Seniorama” sont des noms qui évoquent un sentiment vraiment cool. Il est renforcé par le fait qu’une infirmière expérimentée s’occupe du résident au lieu d’une infirmière soignante. De nouveaux outils d’assurance qualité ont également fait leur apparition dans les centres de soins pour personnes âgées. Grâce à la documentation électronique détaillée des soins, il est possible de comparer les prestations des institutions. Ces documents sont méticuleusement tenus à jour par des infirmières qualifiées. Ils passent deux à trois heures par jour de travail sur leur ordinateur afin que tous les actes, résultats d’examens et prescriptions soient consignés. Il s’agit ainsi d’éviter qu’une absence d’inscription dans la documentation puisse donner lieu à une demande de remboursement par la caisse d’assurance maladie. La documentation doit également protéger contre les procès et les actions en responsabilité.
Mais personnellement, je n’ai pas connaissance de condamnations de soignants pour documentation insuffisante. Dans le passé, lorsque des plaintes ont été déposées contre des soignants dans des institutions pour personnes âgées, c’était toujours pour des fautes commises envers des patients. Il est difficile d’identifier les avantages des systèmes dans les soins quotidiens. Outre le fait que les infirmières les plus compétentes sont soustraites aux patients pendant des heures, il existe également des lacunes importantes. Par exemple, les prescriptions médicales sont toujours reçues par écrit, visées sur papier, saisies dans le système par l’infirmière qualifiée, imprimées. L’impression permet ensuite de préparer les médicaments. Espérons que vous disposerez toujours de la dernière version ! Mais si l’on regarde les choses de plus près, on constate que la “documentite numérique” a créé à grands frais deux nouvelles sources d’erreurs. En effet, dans la plupart des centres, il n’est pas possible de viser numériquement la prescription médicale et la mise à disposition des médicaments ne se fait pas directement à l’écran, mais à partir d’une impression. La méthode traditionnelle de mise à disposition des médicaments sur papier à l’aide du cardex (visa médical pour chaque médicament) a permis de garantir que les médicaments ont toujours été étalés selon la prescription la plus récente, sans erreur de transcription. Les avantages pour les soignants sont donc mal proportionnés à l’effort consenti.
La perversion de l’assurance qualité réside dans le fait que les infirmières sont soustraites aux patientes pendant des heures par la “digital documentitis”. La satisfaction des patientes dépend en effet dans une large mesure de la durée du contact avec la patiente. L’une des plaintes les plus fréquentes que j’entends est la suivante : “Les infirmières n’ont pas de temps à me consacrer, car elles ont beaucoup de travail et sont toujours au bureau”.
Le patient doit toujours être au centre de nos efforts de qualité. Il est inacceptable que la “documentite numérique” accapare à ce point le temps de travail déjà limité des infirmières et des médecins.
Cordialement, votre