Les maladies de la moelle épinière s’accompagnent souvent d’une grande perte de qualité de vie pour les personnes touchées. La myélopathie spondylotique cervicale est la cause la plus fréquente de myélopathie chez les personnes âgées. Les diagnostics différentiels à prendre en compte pour une myélopathie spondylotique cervicale couvrent tout le spectre des myélopathies. Une étroite collaboration interdisciplinaire entre neurologues, neurochirurgiens et orthopédistes est nécessaire pour choisir entre une approche conservatrice et une approche chirurgicale. Des décisions doivent être prises au cas par cas, en l’absence d’études contrôlées sur cette décision thérapeutique.
La moelle épinière, qui fait partie du système nerveux central, est le prolongement du bulbe rachidien et s’étend chez l’adulte du foramen magnum jusqu’à la première ou la deuxième vertèbre lombaire. Il est entouré et bien protégé par les os et les ligaments du canal rachidien. En fonction de la disposition et de l’altération pathologique, ce canal rachidien censé protéger la moelle épinière peut toutefois représenter un danger pour la moelle épinière en raison de l’apparition d’un rétrécissement spinal avec myélopathie spondylotique cervicale (MSSC) consécutive [1].
Le ZSM est une maladie qui doit être abordée dans le cadre d’une étroite collaboration interdisciplinaire entre les neurologues, les neurochirurgiens et les orthopédistes. Cette étroite collaboration est importante dans la mesure où, en raison de l’individualité et de la complexité de la maladie, il n’est pas possible d’adopter une approche universelle et qu’il n’existe pas d’études contrôlées sur ce sujet. Il faut donc toujours s’efforcer d’obtenir un consensus entre les disciplines mentionnées pour que le traitement soit efficace.
Définition
La ZSM est une maladie du rachis cervical liée à l’âge qui, en raison des changements compressifs, peut entraîner des lésions de la moelle épinière et des racines nerveuses. La ZSM est la cause la plus fréquente de myélopathie chez les personnes âgées. Il est intéressant de noter qu’un pourcentage élevé de personnes âgées présentent une altération dégénérative de la colonne cervicale à l’imagerie, mais que toutes ne développent pas, loin s’en faut, de MCC. Typiquement, il faut qu’il y ait des changements dégénératifs progressifs sur le terrain d’un rétrécissement spinal préexistant pour qu’il y ait une manifestation clinique de la MCS (Fig. 1).
Physiopathologie
La physiopathologie sous-jacente de la ZSM n’est pas toujours élucidée. La pression qui en résulte sur la moelle épinière et les racines nerveuses entraîne initialement une lésion des gaines de myéline, mais aussi, au fil de l’évolution, une lésion axonale. En fonction de la hauteur de la lésion et de la structure neuronale touchée, on observe le schéma de déficit clinique correspondant, mais aussi des douleurs comme symptôme d’alerte. Outre ces causes purement liées à la compression, des problèmes vasculaires semblent également aggraver la situation. La réduction de l’apport sanguin artériel ou de l’écoulement veineux peut être suivie d’un œdème de la moelle épinière, avec une progression correspondante de la myélopathie. Des facteurs inflammatoires et biomoléculaires jouent également un rôle [2]. Il s’agit typiquement d’une triade associant une compression de la moelle épinière, une compression des vaisseaux avec ischémie consécutive et l’apparition d’un œdème intramédullaire, qui, ensemble, font progresser la problématique de la myélopathie [1].
Clinique
En fonction des lésions de la moelle épinière et des racines nerveuses impliquées, le schéma de déficit neurologique est très varié. Les symptômes vont d’une légère paresthésie des doigts bds. sur des signes de lésion du premier neurone moteur avec des signes de la voie pyramidale dans le sens d’une augmentation du tonus musculaire spastique et de réflexes propres aux muscles accrus. En raison des troubles de l’afférence dans les structures sensibles concernées, on observe une démarche ataxique à base large. Des troubles de la fonction vésicale et rectale peuvent survenir. Au niveau des racines nerveuses cervicales directement lésées, l’examen clinique et neurologique révèle un syndrome de défaillance périphérique avec parésie atrophique des muscles caractéristiques correspondants, accompagnée de troubles de la sensibilité et de douleurs radiculaires ainsi que d’un possible affaiblissement des réflexes propres des muscles au niveau de la lésion [3].
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel doit toujours être posé avec une sténose du canal cervical en cas de paraparésie à progression lente, d’ataxie de la corde postérieure ou de troubles de la marche, en particulier à un âge avancé. Bien entendu, la symptomatologie neurologique peut également se développer de manière subaiguë ou aiguë lorsque le canal cervical est passé en dessous d’un rétrécissement critique ou par compression des vaisseaux. Au niveau de la sténose cervicale, des douleurs radiculaires peuvent apparaître, imitant les symptômes d’une hernie discale. La hernie discale est la cause la plus fréquente de lésion spinale spacieuse. Les autres lésions spacieuses possibles sont les tumeurs épidurales ou intradurales telles que les méningiomes (Fig. 2), les cavernomes (Fig. 3) ou un abcès épidural. Les lésions traumatiques de la colonne vertébrale peuvent également entraîner une myélopathie (Fig. 4).
Globalement, le diagnostic différentiel d’une MCS englobe tout le spectre des myélopathies [3]. D’un point de vue nosologique, la myélopathie est un terme large, analogue à celui de “neuropathie” ou d'”encéphalopathie”, qui peut être à l’origine d’une maladie dégénérative traumatique, auto-immune, infectieuse, néoplasique, vasculaire ou héréditaire de la moelle épinière. Des exemples de maladies dégénératives héréditaires de la moelle épinière sont la paralysie spinale spastique héréditaire, l’amyotrophie spinale, l’ataxie de Friedreich ou les différentes formes évolutives d’ataxies spinocérébelleuses (SCA).
En fonction du niveau d’atteinte et de l’étendue de la lésion, on observe un aspect transversal avec des parésies accompagnées de troubles de la sensibilité et de la vessie et du rectum. Les lésions du canal cervical supérieur prédisposent à l’apparition d’une tétraparésie, tandis que les lésions de la région cervicale et thoracique la plus basse entraînent une paraplégie des jambes. Il faut toujours garder à l’esprit, lors de l’évaluation d’une imagerie neuroradiologique, que la lésion morphologique peut se situer au-dessus du niveau cliniquement perceptible.
Rarement, une myélite transverse peut également imiter le tableau d’une sténose du canal cervical, avec là aussi une paraparésie progressive des jambes, y compris une perte de sensibilité et des troubles des fonctions sphinctériennes. Cependant, l’évolution de la myélite est généralement plus rapide que celle de la sténose du canal rachidien osseux et les patients sont généralement plus jeunes. Souvent, les troubles sont associés à des douleurs.
En outre, en cas de symptômes cliniques aigus, le diagnostic différentiel doit également porter sur une ischémie spinale dans le territoire d’approvisionnement de l’artère spinale antérieure, qui entraîne une lésion des fibres descendantes de la voie pyramidale avec une paraparésie en aval de la zone d’ischémie. Une lésion du tractus spinothalamique latéral peut entraîner une perte de la perception de la douleur et de la température. Dans le même temps, la fonction de chaîne arrière reste intacte en ce qui concerne la sensibilité de surface. En raison de cette constellation avec une sensation de contact conservée, il n’est pas rare que le diagnostic d’une maladie psychogène soit posé à tort. Un syndrome spinal antérieur peut survenir de manière intermittente avec des parésies récurrentes des jambes suite à des attaques ischémiques transitoires dans le territoire d’approvisionnement de l’artère spinale antérieure. Cela se traduit par une claudication vasculaire spinale, mais aussi par des fistules artério-veineuses spinales sous-jacentes (Fig. 5).
Les principaux symptômes spinaux, leur correspondance anatomique et les manifestations cliniques qui en découlent sont résumés dans le tableau 1.
Diagnostic : examens techniques complémentaires et laboratoire
La première étape du diagnostic consiste en une anamnèse minutieuse et en l’établissement d’un bilan clinique et neurologique. Il faut notamment penser à une éventuelle sténose du canal rachidien cervical, qui est souvent négligée dans la pratique clinique quotidienne. En ce qui concerne l’imagerie neuroradiologique, un examen IRM est particulièrement utile [4–6].
Les séquences IRM les plus sensibles pour détecter les lésions de la moelle épinière sont la séquence STIR (“short-tau inversion recovery fast spin-echo”) et la séquence d’écho “fast spin” pondérée en T2 [3–5]. Dans certains cas, un examen IRM supplémentaire du crâne peut être indiqué pour vérifier la présence d’une encéphalopathie vasculaire sous-corticale ou pour exclure un processus inflammatoire du SNC allant au-delà d’une myélopathie. Les diagnostics électrophysiologiques tels que l’électroneurographie, l’électromyographie ou les potentiels évoqués somatosensoriels (PES) sont souvent utiles, notamment pour exclure une pathologie du système nerveux périphérique comme les neuropathies à médiation immunitaire, qui peuvent également simuler la présence d’une myélopathie. Les potentiels évoqués moteurs (PEM) peuvent être utiles pour différencier une maladie du motoneurone telle que la sclérose latérale amyotrophique d’une myélopathie spondylotique cervicale en utilisant la technique de la stimulation triple [7].
En cas de suspicion de myélite transverse, il faut procéder à un diagnostic du liquide céphalo-rachidien, dans le cadre duquel l’index d’immunoglobulines (schéma de Reiber), la détermination des bandes oligoclonales et une analyse cytologique sont également nécessaires. La vitamine B12, l’acide méthylmalonique, le dépistage du VIH, la sérologie de Borrelia et de la syphilis, les hormones thyroïdiennes et les taux de vit D3 doivent également être déterminés en cas de suspicion de myélite transverse. Le tableau 2 résume les diagnostics différentiels de la myélite transverse [8].
Thérapie
De nombreuses études ont montré qu’un traitement chirurgical entraîne une amélioration durable sur le long terme. Malheureusement, ces études ne comparent pas directement une approche chirurgicale à une approche conservatrice [2]. La question du traitement conservateur ou chirurgical primaire doit donc être posée en tenant compte de la situation globale. Celle-ci tient compte de la gravité et de la durée des troubles cliniquement perceptibles, de l’évolution dans le temps et également de l’âge du patient. Les résultats du diagnostic neuroradiologique sont importants pour la décision thérapeutique, mais l’indication est principalement posée sur la base du tableau clinique. Une approche conservatrice est recommandée lorsque le patient ne présente que peu de déficits neurologiques et qu’aucune myélopathie n’est détectable radiologiquement. Toutefois, dans ce cas, outre un examen clinique neurologique de l’évolution, un examen IRM de l’évolution doit être effectué après trois à six mois. Dans tous les cas, il est particulièrement important de suivre régulièrement une physiothérapie basée sur la neurophysiologie dans le but de développer les muscles et de stabiliser ainsi la colonne cervicale. En soutien, les méthodes de médecine complémentaire peuvent être utiles aux personnes concernées [9]. Une thérapie de rééducation neurologique en milieu hospitalier peut également être utile si vous optez pour une approche conservatrice. Sur le plan médicamenteux, des anti-inflammatoires temporaires, voire des myorelaxants, peuvent être envisagés.
L’indication d’une réhabilitation chirurgicale doit faire l’objet d’une attention particulière. Le pronostic concernant l’amélioration postopératoire est difficile à prévoir, en particulier lorsque les troubles sont présents depuis longtemps et qu’ils sont cliniquement et neurologiquement marqués. Un diagnostic électrophysiologique supplémentaire peut aider à la prise de décision, en plus de la représentation morphologique de l’image par IRM. Il est important de noter que les résultats cliniques et neurologiques doivent être en corrélation avec les données morphologiques de l’image et que cela est soutenu par le schéma de défaillance électrophysiologique [10].
Une symptomatologie transversale aiguë à subaiguë, qui évolue rapidement et progressivement et qui, après avoir exclu d’autres causes possibles de myélopathie, est due à une ZSM avérée, constitue une indication pour une intervention chirurgicale. L’objectif légitime d’une opération peut également être d’empêcher la progression d’un trouble de la marche, d’un trouble de la motricité fine des mains ou d’un trouble de la vessie.
Une fois la décision prise d’opérer le rétrécissement spinal, le choix de la technique chirurgicale (procédure ventrale ou postérieure) et de l’étendue de l’intervention revient aux spécialistes des disciplines chirurgicales. En cas de troubles de la vessie et du rectum, une collaboration interdisciplinaire neuro-urologique est nécessaire.
Remerciements : Je tiens à remercier chaleureusement le Dr Johannes Weber, médecin-chef de la clinique de radiologie de l’hôpital cantonal de Saint-Gall, pour le choix et la mise à disposition des illustrations.
Littérature :
- Beattie MS, Manley GT : Tight squeeze, slow burn : inflammation and the etiology of cervical myelopathy. Brain 2011 ; 134 : 1259-1263.
- Wilson JR, et al : État de l’art de la myélopathie cervicale dégénérative : une mise à jour des preuves cliniques actuelles. Neurosurgery 2017 Mar 1 ; 80(3S) : S33-S45.
- Tettenborn B, Hägele-Link S. : Troubles de la moelle épinière. Eur Neurol 2015 ; 74(3-4) : 141-146.
- Bot JC, et al : Comparaison d’un écho de spin double conventionnel déclenché par le cœur et d’une séquence STIR rapide dans la détection de lésions de la moelle épinière dans la sclérose en plaques. Eur Radiol 2000;10(5) : 753-758.
- Campi A, Pontesilli S, Gerevini S : Comparaison des séquences d’impulsions IRM pour l’examen des lésions de la colonne cervicale. Neuroradiologie 2000 ; 42(9) : 669-675.
- Wheeler-Kingshott CA, et al : The current state-of-the-art of spinal cord imaging : Applications. Neuroimage 2014 ; 84 : 1082-1093.
- Truffert A, Rösler KM, Magistris MR : Amyotrophic lateral sclerosis versus cervical spondylotic myelopathy : a study using transcranial magnetic stimulation with recordings from the trapezius and limb muscles. Clin Neurophysiol 2000 Jun ; 111(6) : 1031-1038.
- Tettenborn, B : Parésie paroxystique. In : Tettenborn B, Schmitz B (éd.) : Les troubles paroxystiques. Cambridge University Press 2010 ; 89-112.
- Ostermann T, et al : Effets de la thérapie d’embrocation rythmique avec de l’huile de solum chez les patients souffrant de douleurs chroniques : une étude prospective d’observation. Clin J Pain 2008 ; 24 : 237-243.
- Debette S, de Seze J, Pruvo JP : Résultat à long terme des myélopathies aiguës et subaiguës. J Neurol 2009 ; 256 : 980-988.
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2017 ; 15(3) : 14-18