La proportion de patients atteints d’IRC augmente fortement avec l’âge. Les causes les plus fréquentes sont le diabète sucré et l’hypertension artérielle. Des complications secondaires précoces peuvent avoir un impact significatif sur le pronostic. La détermination du DFGe et de l’albumine peut permettre de détecter à temps une MRC et d’en évaluer le pronostic.
Maladie rénale chronique
Une augmentation de la créatinine plasmatique ou sérique (P-/S-créatinine) pendant plus de 3 mois et une réduction du débit de filtration glomérulaire (DFG) qui en résulte sont considérées comme des signes de maladie rénale chronique (MRC). Celle-ci est généralement silencieuse pendant une longue période et est donc souvent diagnostiquée trop tard. La plupart du temps, l’IRC est due à un diabète sucré ou à une hypertension artérielle. Ces deux maladies constituent donc des facteurs de risque pour le développement de lésions structurelles du rein. Ce n’est qu’au fur et à mesure que les lésions rénales s’aggravent que la fonction rénale est altérée, ce qui entraîne une baisse du DFG ou une augmentation de la créatinine. Ainsi, l’augmentation chronique de la créatinine ne marque pas le début d’une maladie rénale, mais reflète une lésion rénale qui s’est développée sur une longue période (figure 1). Celle-ci peut être détectée à un stade précoce à l’aide du rapport albumine/créatinine dans l’urine spontanée. Ainsi, seule l’observation combinée du DFG comme marqueur de la fonction rénale et du rapport albumine/créatinine comme marqueur de l’atteinte rénale permet le diagnostic de l’IRC et son évaluation pronostique (tableau 1).


Une étude transversale multicentrique a révélé que, dans les cabinets de médecine générale suisses, environ 10% des patients et patientes présentaient un DFG réduit (<60 mL/min/1,73m2) et environ 17% une albuminurie significative (≥30 mg/g de créatinine). Cette proportion a fortement augmenté avec l’âge, atteignant respectivement 34% et 33% dans le groupe des plus de 75 ans. Au total, environ ¼ des participants à l’étude examinés présentaient une IRC. Une étude menée en Allemagne a montré que moins de 30% seulement des personnes concernées étaient au courant de leur dysfonctionnement rénal et que seuls deux tiers de ceux qui en avaient connaissance suivaient un traitement médical. Ces chiffres sont préoccupants dans la mesure où même une légère altération de la fonction rénale entraîne des complications qui se traduisent par une forte augmentation des maladies cardiovasculaires, elles-mêmes associées à une réduction significative de l’espérance de vie. (Fig. 1). C’est pourquoi les maladies rénales et leurs complications doivent être diagnostiquées et traitées à un stade précoce afin d’influencer favorablement l’évolution de la maladie rénale et de réduire la mortalité.
Évaluation de la fonction rénale
Créatinine : Depuis longtemps, la créatinine, un produit de dégradation du métabolisme musculaire, est établie dans la pratique comme marqueur endogène du DFG. Cependant, sa concentration en P/S est affectée par de nombreux facteurs d’influence, ce qui n’en fait pas a priori un marqueur idéal du DFG (tableau 2). Parmi les facteurs d’influence les plus importants figure la masse musculaire, elle-même déterminée par l’âge, le sexe et l’origine ethnique. En outre, les habitudes alimentaires et l’état nutritionnel ainsi que la fonction hépatique (production du précurseur de la créatine) ont un impact sur la P/S-créatinine. Une fois libérée des muscles dans la circulation, la créatinine est librement filtrée par les glomérules en raison de son faible poids moléculaire (113 Da), mais elle est également sécrétée par les tubes et excrétée dans une moindre mesure par les intestins. La sécrétion tubulaire gagne surtout en importance en cas de troubles préexistants de la fonction rénale. Dans cette situation, l’administration de médicaments qui inhibent la sécrétion tubulaire peut provoquer une forte augmentation de la P/S-créatinine, indépendante du DFG, ce qui peut conduire à des évaluations erronées de la fonction rénale.

En raison des facteurs d’influence, la créatinine ne présente qu’une très mauvaise corrélation avec le DFG. Pour une créatinine P/S de 1,0 mg/dL (88 mol/L), le DFG peut varier de 20 à 120 ml/min pour 1,73m2. De plus, la P-/S-créatinine n’augmente significativement qu’à partir d’une chute du DFG de <60 mL/min/1,73m2 (“zone aveugle à la créatinine”). A ce stade, plus de la moitié des néphrons sont déjà inopérants. Par conséquent, la créatinine n’est a priori pas un marqueur précoce de maladie rénale. Ainsi, même si la P/S-créatinine ou le DFG sont dans la norme, il n’est pas possible d’exclure une maladie rénale.
En outre, la méthode de mesure doit être prise en compte. Alors que la plupart des laboratoires utilisent désormais une méthode enzymatique fiable pour déterminer la créatinine, la méthode de Jaffé (réaction colorée non spécifique) est encore utilisée occasionnellement pour des raisons de coût. Cette méthode peut être fortement influencée par de nombreuses “pseudo-créatinines” circulant dans le sang. Il s’agit notamment de la bilirubine, des cétones, du glucose, des protéines, de l’acide ascorbique et des médicaments (antibiotiques).
Cystatine C : la cystatine C est une protéine plasmatique produite par toutes les cellules nucléées de l’organisme et libérée dans le sang à un taux constant. En raison de son faible poids moléculaire (13 kDa), il est librement filtré par les glomérules, puis absorbé et métabolisé dans le tubule proximal. Contrairement à la créatinine, elle n’est pas sécrétée par voie tubulaire. La cystatine C est en outre moins influencée par la fonction hépatique ainsi que par la musculature et n’est donc guère influencée par l’âge, le sexe et l’alimentation (tableau 2). Il en résulte les avantages suivants de la cystatine C par rapport à la créatinine :
- sensibilité diagnostique plus élevée, permettant une détection plus précoce d’une restriction du DFG dans la plage de 30 à 90 mL/min/1,73m2 pertinente pour le diagnostic
- plus fiable en cas de masse musculaire très différente et de cirrhose du foie
- détection plus rapide d’un dysfonctionnement rénal aigu
- convient également à l’évaluation du DFG chez les enfants de plus de 2 ans, sans valeurs de référence liées au sexe
Il convient de noter que ce sont surtout les processus inflammatoires, l’hyperthyroïdie et l’hypothyroïdie ainsi que l’administration de stéroïdes à haute dose qui peuvent entraîner une modification de la P-/S-cystatine indépendante du DFG.
Dans l’ensemble, la cystatine C est clairement supérieure à la créatinine en tant que marqueur endogène du DFG. Toutefois, en raison de son coût plus élevé, il ne joue qu’un rôle mineur dans la pratique quotidienne.
Algorithmes de calcul pour l’estimation du DFG (eGFR) : Aujourd’hui, il est recommandé d’éviter d’indiquer uniquement la P-/S-créatinine ou la P-/S-cystatine C sur les résultats de laboratoire. Au lieu de cela, le DFG doit être estimé à l’aide d’algorithmes de calcul et exprimé sous la forme d’un eDFG (e pour estimé). Lors du calcul de l’eGFR, la plupart des algorithmes de calcul prennent principalement en compte l’influence de l’âge, du sexe et de l’origine ethnique. Il existe aujourd’hui toute une série de formules de calcul différentes pour la créatinine et la cystatine C, ainsi que le calcul combiné de la créatinine et de la cystatine C (tableau 3). Cette dernière est censée être globalement plus précise. En principe, les aspects suivants doivent être pris en compte lors de l’utilisation des algorithmes de calcul :
- Ils ont été évalués dans différentes populations avec des structures d’âge différentes et ne doivent donc être utilisés que dans les groupes d’âge étudiés.
- Ils nécessitent une fonction rénale stable et ne sont donc pas indiqués en cas d’altération aiguë de la fonction rénale.
- Même avec leur aide, seule une précision limitée (environ ±30%) peut être obtenue.
Actuellement, l’utilisation de la formule CKD-EPI est recommandée, car elle a fait l’objet de l’évaluation la plus complète. Il convient de noter que la formule CKD-EPI n’est toutefois pas adaptée aux enfants et aux adolescents, ni aux patients âgés. D’autres formules de calcul sont désormais disponibles pour ces groupes d’âge (formule de Schwartz pour 1-16 ans, formule BIS pour l’âge ≥70ans et formule FAS pour l’âge 2-100 ans) (tableau 3).

Diagnostic en laboratoire d’une lésion rénale structurelle
Comme les lésions structurelles du rein se manifestent avant le dysfonctionnement rénal proprement dit, la détection de ces lésions par le diagnostic de laboratoire revêt une importance particulière dans le cadre d’un dépistage précoce. L’analyse d’urine est au cœur de ce diagnostic. Les trois études suivantes sont menées à cet effet :
- Bandelettes de test d’urine
- Examen microscopique du sédiment urinaire
- Diagnostic de la protéinurie
Bandelettes de test urinaire : Les bandelettes urinaires permettent un dépistage semi-quantitatif d’une :
- Microhématurie (champ de test : sang/hémoglobine)
- Protéinurie (champ de test : protéine/protéine)
L’un des points forts des bandelettes urinaires est la détection des saignements. Comme ils ont un seuil de détection des érythrocytes très bas (5 érythrocytes/μL), ils peuvent détecter les saignements les plus infimes qui ne sont pas visibles à l’œil nu dans l’urine (microhématurie). Cependant, ils ne sont pas en mesure de faire la distinction entre les saignements et l’hémolyse (dans les deux cas, il y a libération d’hémoglobine) et la rhabdomyolyse (libération de myoglobine) en raison de la réaction peroxydasique sous-jacente. C’est pourquoi un examen microscopique du sédiment urinaire doit être effectué par la suite pour une différenciation plus poussée.
Les bandelettes urinaires sont peu adaptées à la détection de la protéinurie. La zone de test correspondante réagit principalement à l’albumine chargée négativement. D’autres protéines telles que les immunoglobulines, les chaînes légères, les protéines marqueurs tubulaires, etc. ne sont pas détectées. De plus, la limite de détection des bandelettes urinaires normales est d’environ 100 à 300 mg/L, ce qui ne permet pas de détecter précocement une microalbuminurie telle qu’elle se produit au stade précoce de la néphropathie diabétique. Il existe certes des bandelettes de test spéciales disponibles dans le commerce à cet effet. Néanmoins, pour détecter précisément une protéinurie et la différencier davantage, il convient d’effectuer un diagnostic quantitatif de la protéinurie en laboratoire, car seules ces méthodes permettent également de prendre en compte l’influence de l’excrétion et de la concentration urinaires sur la concentration de protéines dans l’urine en rapportant l’excrétion de protéines à celle de la créatinine (rapport protéine/créatinine).
Sédiment urinaire : en présence d’une microhématurie, le sédiment urinaire peut fournir des indications importantes sur la localisation de la source du saignement. Ainsi, les cylindres érythrocytaires indiquent une source de saignement “intrarénale”. La matrice de ces cylindres est constituée d’uromoduline (protéine de Tamm-Horsfall), une protéine produite par les cellules épithéliales des tubules rénaux et libérée dans la lumière des tubules. L’uromoduline y entoure tous les éléments corpusculaires, entraînant ainsi la formation de cylindres.
L’étape suivante consiste à différencier les lésions glomérulaires des lésions tubulo-interstitielles. Les acanthocytes sont recherchés à cet effet . Il s’agit d’érythrocytes présentant des protubérances typiques en forme de cônes (“oreilles de Mickey”). Celles-ci se forment lorsque les érythrocytes traversent une membrane basale glomérulaire fortement endommagée. Un taux d’acanthocytes supérieur à 5% dans l’urine est considéré comme une indication diagnostique importante de glomérulonéphrite ou de maladie de la membrane basale.
En résumé, la microhématurie peut être différenciée comme suit :
- Suspicion de maladie des voies urinaires : hématurie , pas de cylindres d’érythrocytes, pas d’acanthocytes
- Suspicion de maladie rénale tubulo-interstitielle (par ex. médicamenteuse ou infectieuse) : Hématurie avec cylindre d’érythrocytes, pas d’acanthocytes
- Suspicion de maladie rénale glomérulaire (glomérulonéphrite, maladie de la membrane basale) : Hématurie avec cylindres d’érythrocytes et acanthocytes (>5%) – (“sédiment actif”)
Diagnostic quantitatif de la protéinurie : il permet de détecter et de quantifier précocement les lésions structurelles de la membrane basale glomérulaire et de les différencier des lésions tubulaires. Pour ce faire, les protéines marqueurs sont analysées dans les urines spontanées, de préférence dans la deuxième urine du matin, et sont exprimées sous forme de ratio protéine/créatinine. La référence à la créatinine, qui est constamment excrétée dans l’urine proportionnellement à la masse musculaire, sert à corriger les variations du volume et de la concentration de l’urine.
Cependant, pour obtenir un résultat valide, il faut tenir compte des limites suivantes, qui peuvent affecter soit l’excrétion de créatinine et/ou de protéines dans l’urine :
- Masse musculaire anormale
- Pas d’état stable
- Apports protéiques élevés
- Effort physique important
- Infection des voies urinaires
- Hyperfiltration
- Menstruation
Il convient de prêter une attention particulière à la présence d’une hyperfiltration (DFG élevé, par exemple grossesse, stade précoce du diabète sucré), car cela diminue la sensibilité des analyses d’urine (tests de bandelettes urinaires et diagnostic de protéinurie). En présence de limitations, l’excrétion de protéines doit exceptionnellement être déterminée dans les urines collectées sur 24 heures. Dans le cas contraire, il est préférable de ne pas effectuer de collecte d’urine sur 24 heures pour déterminer les protéines marqueurs, car la méthode est coûteuse et sujette à erreur. Les protéines marqueurs appropriées sont
- Albumine : marqueur de la fonction de filtration anionique glomérulaire
- Immunoglobuline G (IgG) : Marqueur de la fonction de tamis moléculaire glomérulaire
- α 1-Microglobuline: marqueur de lésions tubulaires
Le dosage conjoint de l’albumine et des IgG permet de détecter précocement les lésions glomérulaires et d’en différencier l’étendue. Selon le degré d’atteinte, on distingue
- Microalbuminurie (excrétion d’albumine 30-300 mg/g de créatinine)
- Protéinurie glomérulaire sélective (excrétion d’albumine >300 mg/g de créatinine)
- Protéinurie glomérulaire non sélective (augmentation de l’excrétion d’albumine + IgG)
Le dosage supplémentaire de l’α1-microglobuline, qui est filtrée librement au niveau glomérulaire et résorbée au niveau tubulaire, permet également de détecter les maladies tubulo-interstitielles.
Examen rationnel en cas d’augmentation chronique de la créatinine : en cas d’augmentation chronique de la créatinine, il y a une forte suspicion d’IRC. La première étape consiste à confirmer le diagnostic et à quantifier l’étendue de la maladie (tableau 1). En outre, il faut s’efforcer de procéder à une enquête étiologique initiale (tableau 4).

Diagnostic de l’IRC
1. mise en évidence d’un trouble rénal fonctionnel : initialement, la créatinine P/S doit être déterminée par une méthode enzymatique et la créatinine eGFR doit être calculée à l’aide de la formule CKD-EPI . Chez les patients jeunes et âgés, des formules adaptées à l’âge doivent être utilisées (tableau 3). La réalisation d’une clairance de la créatinine sur 24 heures n’est plus recommandée que dans des cas exceptionnels (limitations de l’excrétion de créatinine et/ou de protéines) en raison du risque élevé d’erreurs.
Si le DFGe <est de 60 mL/min/1,73m2, on peut suspecter un dysfonctionnement rénal. Avant de confirmer le diagnostic, les limitations suivantes de l’eGFRcréatinine doivent être prises en compte :
- eGFR dans la fourchette 45-59 mL/min/1,73m2
- Changements aigus de la fonction rénale (pas d’état d’équilibre)
- Facteurs d’influence :
- Âge <18 ans, très grand âge
- Masse musculaire très importante (bodybuilding) ou faible (cachexie)
- Maladie musculaire ou paralysie
- Masse corporelle très anormale (obésité, amputation)
- Maladies graves (par exemple, tumeur)
- Cirrhose du foie
- Supplémentation en protéines ou en créatine
- Consommation élevée de viande ou végétarien
- Médicaments qui inhibent la sécrétion tubulaire de créatinine
En présence de limitations, il est recommandé de procéder à un diagnostic de confirmation en utilisant la P-/S-cystatine C et en calculant l’eGFRCystatine. Il est également possible de calculer une eGFRCréatinine-CystatineC combinée. Dans des situations particulières (par ex. détermination de la dose lors d’un traitement cytostatique), il convient de réaliser au moins initialement une étude de la clairance à l’aide d’un marqueur exogène afin de déterminer un DFGm précis. Elle permet également d’évaluer l’écart entre l’eGFR et le mGFR dans un cas individuel.
Un dysfonctionnement rénal chronique est confirmé si l’eGFRCystatine, l’eGFRCréatinine-CystatineC ou le mGFR donnent une valeur de <60 mL/min/1,73m2 pour au moins deux déterminations sur une période de 3 mois. Les lignes directrices de la KDIGO permettent de classer l’altération de la fonction rénale en différents stades (G1-5) (tableau 1).
Il convient de noter que dans les lignes directrices actuelles de la KDIGO, le stade 3 a été à nouveau divisé en stades 3a et 3b, car les patients au stade 3b présentent un risque significativement plus élevé d’insuffisance rénale terminale et de survenue de complications cardiovasculaires.
Un autre défi dans la pratique quotidienne est l’évaluation des variations physiologiques du DFG. Selon le KDIGO, on peut considérer qu’il y a progression de l’altération de la fonction rénale lorsque le DFG diminue de ≥25%. Dans l’ensemble, la précision de l’évaluation augmente avec le nombre de déterminations du DFG et la longueur de la période d’observation.
2. détection d’une lésion rénale structurelle : La détermination du rapport albumine/créatinine (ACR) dans l’urine spontanée fournit les premiers indices d’une lésion rénale structurelle. Pour détecter une albu-min-urie, trois examens doivent être effectués à une semaine d’intervalle. Si plus de 2 analyses sont positives, l’albuminurie est considérée comme confirmée. En fonction de l’étendue de l’albuminurie, il est possible d’établir une classification en trois stades de gravité (A1-A3) (tableau 1).
3. évaluation du pronostic : le diagrammes des risques (KDIGO-Heatmap) permet d’évaluer le pronostic de l’IRC en examinant conjointement le DFG et l’albuminurie (tableau 1). Elle peut également servir de base pour les intervalles de surveillance du DFGe et de l’ACR chez les patients. Le diagramme de risque souligne l’importance particulière de l’albuminurie, car même avec un DFG de ≥90 mL/min/1,73m2, l’albuminurie aggrave considérablement le pronostic de l’IRC (tableau 1).
Investigation étiologique initiale
Les premières indications sur l’étiologie de l’IRC sont obtenues à l’aide de l’analyse d’urine. Trois examens doivent être effectués à une semaine d’intervalle à l’aide de bandelettes urinaires pour détecter une microhématurie. Si au moins deux résultats sont positifs, la microhématurie est considérée comme confirmée. Dans ce cas, il convient de rechercher spécifiquement des cylindres d’érythrocytes et des acanthocytes dans le sédiment urinaire afin d’obtenir une première différenciation de la source du saignement (tableau 4).
En présence d’une albuminurie, il convient de différencier davantage la protéinurie par un dosage supplémentaire des IgG et de l’α1-microglobulinedans le but d’appréhender l’étendue potentielle des lésions glomérulaires et de détecter les lésions tubulaires (tableau 4).
En outre, une échographie des reins et des voies urinaires doit être envisagée en cas de DFG <60 mL/min/1,73m2 si les facteurs suivants sont présents :
- Progression de l’IRC
- DFG <30 mL/min/1,73m2
- Macrohématurie ou microhématurie persistante
- Protéinurie significative
- Suspicion d’une uropathie obstructive
- Antécédents familiaux de polykystose rénale
- V.a. tumeur
De plus, la mise en évidence de reins rétrécis permet une évaluation pronostique supplémentaire et les différences de taille des reins peuvent donner une première indication de la présence d’une sténose de l’artère rénale (tableau 4).
Diagnostic des complications consécutives à l’IRC
Au cours de l’IRC, des complications caractéristiques se développent même en cas de réduction légère du DFG. L’anémie rénale et l’hyperparathyroïdie secondaire en font partie . La détection des deux renforce la suspicion d’un processus pathologique chronique dans le sens d’une IRC. Aux stades ultérieurs de l’IRC, il est également possible de mettre en évidence des troubles de l’équilibre acido-basique (p. ex. acidose métabolique) et électrolytique (p. ex. hyperkaliémie) (tableau 4).
1. anémie rénale : même un DFG légèrement diminué peut entraîner le développement d’une anémie rénale. La cause principale est la diminution de la production d’érythropoïétine par les reins. Cela entraîne un retard de maturation des érythrocytes dans la moelle osseuse. L’hémogramme montre généralement une anémie normochrome et normocytaire. En l’absence d’anémie, aucun autre examen de laboratoire n’est nécessaire. En revanche, en présence d’une anémie, d’autres valeurs de laboratoire doivent être analysées de manière ciblée, car l’anémie rénale est un diagnostic d’exclusion.
2. l’hyperparathyroïdie secondaire : des modifications chimiques de laboratoire indiquant une hyperparathyroïdie secondaire (sHPT) apparaissent dès les premiers stades de l’IRC. Une rétention rénale précoce de phosphate déclenche une cascade de changements métaboliques et endocriniens qui se manifestent en laboratoire de la manière suivante :
- Facteur de croissance des fibroblastes 23 (FGF 23) ↑
- Hormone parathyroïdienne ↑
- Phosphate ↑
- 1,25(OH)2-Vitamine D ↓
- Calcium ↑
Ces modifications de laboratoire ne sont pas seulement la base du diagnostic du sHPT, mais servent également au suivi au cours du traitement.
Orientation des patient(e)s
En raison de l’augmentation du nombre de patients avec l’âge, une stratégie d’orientation différenciée est nécessaire pour les patients atteints d’IRC. Les lignes directrices S3 de la DEGAM proposent les indications suivantes :
Orientation vers un néphrologue : Aux premiers stades de l’insuffisance rénale, en cas de doute, le patient doit être évalué en consultation par un spécialiste des reins afin d’identifier précocement les maladies rénales sous-jacentes et traitables et de traiter de manière adéquate les complications précoces. Un transfert doit être effectué dans les cas suivants :
- DFG <30-45 mL/min/1,73m2 (G3b)
- Diagnostic initial d’une MRC avec
- hématurie persistante sans explication urologique
- Stade d’albuminurie ≥A2
- hypertension réfractaire avec ≥3médicaments antihypertenseurs
- une progression rapide
- Pour les personnes âgées de moins de 50 ans, l’indication de transfert doit être généreuse.
- Pour les personnes âgées de plus de 70 ans, les comorbidités et les objectifs de santé individuels doivent être pris en compte.
Orientation vers un urologue
- Indication d’une uropathie obstructive
- Macrohématurie
- Microhématurie persistante sans cylindres d’érythrocytes ni acanthocytes
Suivi
En ce qui concerne les recommandations de surveillance, le guide S3 de la DEGAM propose des intervalles de surveillance individuels pour l’eGFRcréatinine en fonction du stade de l’IRC (tableau 1). Chez les patients présentant une protéinurie avérée, l’ACR devrait également être contrôlée à ces intervalles. En revanche, des intervalles de contrôle ACR individuels doivent être convenus en cas de diabète sucré.
Messages Take-Home
- Dans la pratique de la médecine générale, la proportion de patients atteints d’IRC augmente fortement avec l’âge. Les causes les plus fréquentes sont le diabète sucré et l’hypertension artérielle.
- Le pronostic des patients atteints d’IRC est principalement affecté par l’apparition précoce de complications secondaires (hypertension artérielle, anémie rénale, hyperparathyroïdie secondaire) et de maladies cardiovasculaires associées.
- La créatinine n’est pas un marqueur idéal pour évaluer le DFG en raison de nombreux facteurs d’influence. La cystatine C est supérieure à la créatinine.
- La détermination conjointe du DFGe (marqueur du dysfonctionnement rénal) et du rapport albumine/créatinine dans l’urine spontanée (marqueur de l’atteinte rénale) permet de détecter précocement une IRC et d’en évaluer le pronostic (carte heuristique KDIGO).
- Un bilan étiologique initial de l’IRC peut être réalisé rapidement et facilement à l’aide de bandelettes urinaires (microhématurie, protéinurie), d’un sédiment urinaire (cylindres érythrocytaires, acanthocytes) et d’un diagnostic de protéinurie quantitative (protéinurie glomérulaire/tubulaire) ainsi que d’une échographie.
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