La présentation clinique du syndrome coronarien aigu (SCA) est très large, allant de l’absence de symptômes à l’arrêt cardiaque, à l’instabilité électrique/hémodynamique et au choc cardiogénique, en passant par une gêne thoracique persistante. La société européenne de cardiologie a maintenant publié ses nouvelles lignes directrices sur le syndrome coronarien aigu. Une nouveauté : les recommandations qui étaient auparavant contenues dans des lignes directrices séparées ont été regroupées dans un seul document.
Les lignes directrices actualisées sur le SCA sont les premières lignes directrices de l’ESC à couvrir l’ensemble du spectre du SCA (angine de poitrine instable, SCA sans sus-décalage du segment ST [NSTE-ACS] et infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST [STEMI]). En ce qui concerne le traitement antithrombotique, les lignes directrices ACS 2023 montrent des changements importants par rapport aux documents précédents, tout en maintenant une certaine réticence à l’égard des changements de paradigme soutenus par des données issues d’essais contrôlés randomisés (ECR).
Ligne directrice commune pour le STEMI et le NSTEMI
La séparation antérieure des lignes directrices entre STEMI (infarctus avec élévation du segment ST) et NSTEMI (infarctus sans élévation du segment ST) a été supprimée, de sorte qu’il existe désormais pour la première fois une ligne directrice commune. Le diagnostic du SCA comporte plusieurs étapes et comprend d’abord un diagnostic de travail basé sur la présentation clinique. Toutefois, le diagnostic final n’est établi que plus tard et repose sur les résultats des examens complémentaires :
Les syndromes coronariens aigus (SCA) englobent tout un éventail de conditions, dont les patients qui se présentent avec des changements récents de symptômes ou de signes cliniques, avec ou sans modifications de l’électrocardiogramme (ECG) à 12 dérivations et avec ou sans augmentation aiguë de la concentration de troponine cardiaque (cTn) (Figure 1 ) [1]. Chez les patients suspects de SCA, le diagnostic d’infarctus aigu du myocarde (IAM) ou d’angine de poitrine instable (API) peut être posé. Le diagnostic d’infarctus du myocarde (IM) est associé à une libération de cTn et est basé sur la quatrième définition universelle de l’IM. L’EI est défini comme une ischémie myocardique au repos ou lors d’un effort minimal sans lésion/nécrose aiguë des cardiomyocytes. Elle se caractérise par des résultats cliniques spécifiques tels qu’une angine de poitrine prolongée (>20 minutes) au repos, une angine de poitrine sévère d’apparition récente, une angine de poitrine dont la fréquence augmente, qui dure plus longtemps ou dont le seuil est plus bas, ou une angine de poitrine qui survient après un IDM récent. Les SCA sont associés à un large éventail de manifestations cliniques, allant de patients asymptomatiques lors de leur présentation à des patients présentant une gêne thoracique persistante, en passant par des patients présentant un arrêt cardiaque, une instabilité électrique/ hémodynamique ou un choc cardiogénique (CS) (Figure 1) [1].
Les patients qui se présentent avec une suspicion de SCA sont généralement classés en fonction de l’ECG réalisé lors de la présentation aux fins du traitement initial. Ensuite, les patients peuvent être classés plus avant sur la base de la présence ou de l’absence d’une élévation de la troponine cardiaque (dès que ces résultats sont disponibles), comme indiqué dans les figures 1 et 2. Ces caractéristiques (modifications de l’ECG et augmentation de la troponine cardiaque) sont importantes pour la classification et le diagnostic initiaux des patients atteints de SCA, car elles contribuent à la stratification du risque des patients et à la définition de la stratégie de traitement initiale. Cependant, après la phase de traitement aigu et de stabilisation, la plupart des aspects de la stratégie de traitement ultérieure sont communs à tous les patients atteints de SCA (indépendamment du profil ECG initial ou de la présence ou de l’absence d’une élévation de la troponine cardiaque à la présentation) et peuvent donc être considérés dans le cadre d’un parcours commun.
Abaissement de la recommandation d’une angiographie précoce
Un autre changement concerne la prise en charge invasive des patients atteints de NSTE-ACS. Pour ces personnes, une recommandation de classe 1 pour une stratégie invasive précoce (angiographie coronaire et, le cas échéant, intervention coronaire percutanée primaire (ICP) dans les 24 heures) était jusqu’à présent appliquée en cas de signes de risque élevé (notamment un diagnostic de NSTEMI confirmé, un segment ST dynamique ou des modifications de l’onde T, un score GRACE supérieur à 140). La recommandation de classe 1, jugée trop forte par rapport aux preuves scientifiques, est devenue une recommandation de classe IIa. En revanche, les patients STEMI doivent être amenés le plus rapidement possible dans un laboratoire de cathétérisme.
Recommandation de classe IIa pour une double inhibition plaquettaire plus courte
Malgré de nombreuses données d’ECR démontrant les avantages en termes de sécurité de différentes stratégies de désescalade des antiplaquettaires chez les patients présentant ou non un risque hémorragique élevé, un double traitement antiplaquettaire (DAPT) de 12 mois (avec ASA plus un inhibiteur de P2Y12) est toujours recommandé comme stratégie standard pour les patients atteints de SCA.
Toutefois, les stratégies alternatives sont également davantage prises en considération. Il est ainsi recommandé d’envisager le passage à une monothérapie antiplaquettaire (de préférence avec un inhibiteur de P2Y12) chez les patients atteints de SCA qui n’ont pas présenté d’événements cliniques pendant 3 à 6 mois sous double antiplaquettaire et qui ne présentent pas un risque élevé d’événements ischémiques. La recommandation selon laquelle un traitement antiagrégant plaquettaire (avec de l’ASA ou un inhibiteur de P2Y12) peut être envisagé après un mois seulement, en particulier chez les patients à haut risque de saignement, est encore réservée.
Pas d’angiographie coronaire immédiate après un arrêt cardiaque incertain
Chez les patients réanimés après un arrêt cardiaque survenu en dehors d’un hôpital (Out-of-Hospital Cardiac Arrest) sans élévation du segment ST, une coronarographie immédiate dès l’arrivée à l’hôpital ne semble pas forcément judicieuse. Des études telles que l’étude COACT**, qui a déjà fourni des indications en ce sens, et l’étude TOMAHAWK&, qui l’a confirmé, le prouvent. Les nouvelles lignes directrices sur le SCA ne recommandent donc pas la réalisation d’une coronarographie immédiate de routine après un arrêt cardiaque chez les patients réanimés, stables sur le plan hémodynamique et ne présentant pas de sus-décalage du segment ST persistant à l’ECG.
** Angiographie coronaire après un arrêt cardiaque
& Angiographie coronaire immédiate non sélectionnée versus triage différé chez les survivants d’un arrêt cardiaque en dehors de l’hôpital sans élévation du segment ST
La revascularisation complète reçoit une recommandation renforcée
De nombreux patients atteints de STEMI présentent une maladie coronarienne multiviscérale. Les recommandations précédentes préconisaient déjà une revascularisation de routine, y compris pour les lésions coronaires dans les artères non infarcies. Il y a eu une mise à jour ici : Il est désormais recommandé de procéder à une revascularisation complète, soit dès la procédure de PCI index, soit dans les 45 jours. La base de la revascularisation des lésions non infarcies devrait être l’angiographie coronaire.
Recommandations pour les complications du syndrome coronarien aigu
L’implantation d’un stimulateur cardiaque permanent est recommandée si un bloc AV de haut niveau ne se résout pas dans un délai d’attente d’au moins cinq jours après l’IM. Une IRM cardiaque doit être réalisée chez les patients dont les images échocardiographiques sont ambiguës ou en cas de forte suspicion clinique de thrombus du VG. Après un IM antérieur aigu, une échocardiographie de contraste peut être envisagée pour détecter un thrombus du VG si l’apex n’est pas bien visible à l’échocardiographie. Chez des patients sélectionnés présentant un bloc AV de haut niveau associé à une ml de paroi antérieure et une insuffisance cardiaque aiguë, l’implantation précoce d’un appareil (défibrillateur/ stimulateur cardiaque de resynchronisation) peut être envisagée. Chez les patients présentant des arythmies ventriculaires récurrentes mettant en jeu le pronostic vital, une sédation ou une anesthésie générale peuvent être envisagées pour réduire la décharge sympathique.
Nouvelles recommandations sur les comorbidités
Il est recommandé que le choix du traitement hypoglycémiant à long terme dépende de la présence de comorbidités, y compris l’insuffisance cardiaque, la maladie rénale chronique et l’obésité. Pour les patients âgés fragiles souffrant de maladies concomitantes, une approche holistique est recommandée pour les traitements interventionnels et pharmacologiques après avoir soigneusement évalué les risques et les avantages.
L’entité des maladies tumorales a été ajoutée comme nouvelle comorbidité, en plus des recommandations précédentes concernant les maladies concomitantes telles que le diabète et les maladies rénales chroniques. Une stratégie invasive est recommandée chez les patients cancéreux présentant un SCA à haut risque et dont la durée de survie attendue est ≥6 mois. Une interruption temporaire du traitement anticancéreux est recommandée chez les patients dont on soupçonne que le traitement anticancéreux est la cause de l’ACS. Une stratégie conservatrice non invasive doit être envisagée chez les patients atteints de SCA avec un mauvais pronostic de cancer (c’est-à-dire avec une survie attendue <6 mois) et/ou un risque très élevé de saignement. L’aspirine n’est pas recommandée chez les patients cancéreux dont le nombre de plaquettes est <10’000/uL. En outre, le clopidogrel n’est pas recommandé chez les patients atteints de cancer dont le nombre de plaquettes est <30 000/uL et le prasugrel ou le ticagrelor ne sont pas recommandés chez les patients atteints de SCA avec cancer dont le nombre de plaquettes est <50 000/uL.
Recommandations pour le traitement à long terme
Il est recommandé d’intensifier le traitement hypolipémiant pendant l’hospitalisation Index-ACS chez les patients qui recevaient déjà un traitement hypolipémiant avant leur admission. La colchicine à faible dose (0,5 mg une fois par jour) peut être envisagée, en particulier si les autres facteurs de risque sont insuffisamment contrôlés ou si des événements cardiovasculaires récurrents surviennent sous traitement optimal.
Recommandations pour le point de vue du patient lors du traitement
Un traitement centré sur le patient est recommandé, dans lequel les préférences, les besoins et les croyances individuels des patients sont identifiés et respectés, et les valeurs des patients sont prises en compte dans toutes les décisions cliniques. Les patients atteints de SCA doivent être impliqués dans la prise de décision (si leur état le permet) et doivent être informés du risque d’événements indésirables, de l’exposition aux radiations et des autres options. Des outils d’aide à la décision devraient être utilisés pour faciliter la discussion. Il est recommandé d’évaluer les symptômes en utilisant des méthodes qui aident les patients à décrire leur expérience. L’utilisation de la technique du “teach back” pour aider à la prise de décision lors de l’obtention du consentement éclairé devrait être envisagée. Les patients doivent être informés à la fois par écrit et oralement avant leur sortie. Envisager une préparation et une éducation appropriées du patient avant sa sortie, en utilisant la technique du “teach back” et/ou de l’entretien motivationnel, en donnant les informations au coup par coup et en vérifiant la compréhension. Il faut envisager d’évaluer le bien-être mental à l’aide d’un instrument validé et, le cas échéant, d’orienter le patient vers un psychologue.
Source :
- Byrne RA, et al : 2023 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes : Développées par le groupe de travail sur la prise en charge des syndromes coronariens aigus de la Société européenne de cardiologie (ESC). European Heart Journal, Volume 44, Issue 38, 7 Octobre 2023, Pages 3720-3826,
https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehad191.
CARDIOVASC 2023 ; 22(4) : 28-30 (publié le 29.11.23, ahead of print)