D’un point de vue global, on observe une tendance à l’augmentation de l’utilisation des préparations contenant du cannabis. Les domaines d’indication sont entre autres les problèmes de douleur ou de spasticité dans le cadre de maladies neurologiques. Les effets indésirables sont fortement liés à la dose.
En Suisse, le spray sublingual Sativex® [1] est actuellement le seul médicament contenant des principes actifs cannabinoïdes autorisé par la loi sur les produits thérapeutiques et qui peut être prescrit par un médecin sans autorisation exceptionnelle de l’OFSP [1–2]. Cette préparation contient des extraits standardisés de THC (∆-9-tétrahydrocannabinol) et de CBD (cannabidiol) dans un rapport 1:1 [3]. En Suisse, l’indication se limite actuellement à une utilisation comme traitement de deuxième ligne de la spasticité dans le cadre de la sclérose en plaques. Pour les autres médicaments contenant du THC et du CBD, une demande médicale doit actuellement être soumise à l’OFSP et il existe une obligation de déclarer les effets secondaires à Swissmedics [4]. C’est le cas, par exemple, du Marinol® [5], une préparation qui contient la substance dronabinol (THC sous forme synthétique). Le dronabinol est notamment utilisé comme analgésique et possède des propriétés antispasmodiques et apéritives. Les produits non-médicaux contenant du CBD sont en vente libre en Suisse si la teneur en THC ne dépasse pas 1%. Contrairement au THC, le CBD n’a pas d’effet psychoactif. En plus du Sativex® [1], Canemes® (Nabilon) [6], une variante synthétique du THC utilisée pour traiter les nausées et les vomissements sous chimiothérapie, est disponible en Allemagne pour le traitement de la spasticité résistante au traitement dans la SEP.
La Suisse prévoit de modifier la loi
Des recherches scientifiques sur les cannabinoïdes sont en cours dans le monde entier. Cela devrait permettre de développer d’autres domaines d’application médicale. Dans de nombreux pays européens, certains cannabinoïdes sont autorisés à des fins médicales. C’est également le cas au Canada, où les produits non médicaux ont désormais été légalisés.
En Suisse, l’OFSP a accordé près de 3000 autorisations exceptionnelles pour des produits médicaux contenant du CBD et du THC en 2018 [4]. Cela implique une charge administrative importante et entraîne des retards dans le traitement. En octobre 2019, la procédure de consultation pour une révision de la loi correspondante s’est achevée. PharmaSuisse soutient les efforts visant à faciliter l’accès aux médicaments contenant du cannabis [7]. La loi prévoit une séparation juridique entre le cannabis à usage médical et le cannabis à usage non médical. La suppression de l’obligation d’autorisation exceptionnelle en Suisse devrait permettre aux patients d’accéder plus facilement aux médicaments correspondants, conformément à la loi. En ce qui concerne les coûts, la situation est telle que la procédure d’inscription d’un médicament sur la liste des spécialités (LS) est longue. Selon le Département fédéral de l’intérieur, le financement d’un remboursement au moins partiel des médicaments à base de cannabis exemptés d’autorisation par l’assurance obligatoire des soins, ou un éventuel financement alternatif, doit être examiné d’ici fin 2020 dans le cadre d’un projet séparé [7].
Douleurs chroniques et spasticité comme principaux domaines d’indication Une légalisation des produits contenant du cannabis à des fins médicales est prévue en Suisse (OFSP) [4]. En effet, ces dernières années, la demande de traitements à base de cannabinoïdes a fortement augmenté. Les principaux domaines d’application sont les états douloureux chroniques (par exemple en cas de douleurs neuropathiques ou tumorales), la spasticité et les crampes dans le cadre de la sclérose en plaques ou d’autres maladies neurologiques, ainsi que les nausées et la perte d’appétit comme effets secondaires de la chimiothérapie. |
Que sait-on à ce jour sur les mécanismes d’action ?
Les fleurs de cannabis ont une teneur élevée en deux cannabinoïdes, le THC et le CBD. Il contient également plusieurs centaines d’autres substances, mais leurs effets pharmacologiques sont encore peu connus [8]. Le THC et le CBD déploient leurs effets dans ce que l’on appelle le système endocannabinoïde. Il s’agit d’un système de régulation propre à l’organisme qui joue un rôle important dans le système nerveux central et le système immunitaire. Les effets pharmacologiques du THC et du CBD proviennent notamment de leur liaison aux récepteurs CB1 et CB2 [9]. Des connaissances plus récentes montrent également d’autres principes d’action, par exemple les propriétés anti-inflammatoires du CBD, qui sont basées sur l’activation ou l’inhibition de différentes cytokines (interleukine 10 et interleukine 17) [10]. Depuis la découverte des récepteurs cannabinoïdes CB1 (1990) et CB2 (1993), l’intérêt pour les médicaments contenant des cannabinoïdes a considérablement augmenté. Outre les récepteurs CB1 et CB2, il existe également des récepteurs PPAR-gamma (récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes) et des récepteurs vanilloïdes [11,12].
THC (∆-9-tétrahydrocannabinol) : Le THC est un agoniste partiel des récepteurs CB1/CB2 qui possède des propriétés enivrantes, antispasmodiques, antiémétiques, analgésiques et apéritives [11]. Les domaines d’application des médicaments contenant de l’extrait de THC, obtenus à partir de plantes de chanvre et produits de manière synthétique ou semi-synthétique, sont principalement le traitement des douleurs tumorales et le contrôle des symptômes dans les soins palliatifs, les nausées associées à la chimiothérapie ainsi que l’insuffisance pondérale chez les patients atteints de tumeurs et du SIDA, la spasticité douloureuse dans la sclérose en plaques ainsi que les douleurs neuropathiques chroniques.
CBD (cannabidiol) : Le CBD est un agoniste-antagoniste/modulateur des récepteurs CB1/CB2 [11]. Contrairement au THC, le CBD n’a pas d’effet enivrant ou addictif, mais a surtout des effets anti-inflammatoires, antiépileptiques, antipsychotiques et analgésiques. Les domaines d’application sont les formes précoces et réfractaires d’épilepsie, certains problèmes psychologiques et quelques autres indications.
Les effets secondaires liés aux médicaments dépendent de la dose
Les effets psychotropes chez les adultes apparaissent en moyenne à partir de 10 à 20 mg de THC (dose orale unique) [12]. La dose thérapeutiquement efficace est plus faible chez la plupart des patients [13]. Les effets indésirables les plus fréquents sont les suivants : Fatigue, somnolence, diminution des capacités cognitives, troubles de la coordination (hypotension orthostatique, vertiges), sécheresse de la bouche, tachycardie, rougeur des yeux [9,14]. En cas de dosage thérapeutique des préparations de cannabis, la dépendance physique ou psychique et le développement de la tolérance sont considérés comme négligeables par les experts [13]. Les éventuels symptômes de sevrage – par exemple en cas de dosage plus élevé – devraient disparaître complètement en quelques jours [15]. L’interaction avec d’autres substances concerne principalement les benzodiazépines et l’alcool (renforcement des effets sédatifs) ainsi que les médicaments qui agissent sur le système cardiovasculaire (par exemple, les bêtabloquants, les diurétiques, les antidépresseurs tricycliques) [13].
Littérature :
- Sativex®: Compendium suisse des médicaments, https://compendium.ch
- Loi sur les produits thérapeutiques (LPTh) : www.admin.ch/opc/de/classified-compilation/20002716/index.html
- Oberhofer E : Prescrire du cannabis – mais correctement ! Springer 2019, CME 16, 40. doi:10.1007/s11298-019-7351-z, https://link.springer.com/article/
- Office fédéral de la santé publique (OFSP) : modification de la loi sur les médicaments à base de cannabis, www.bag.admin.ch/bag/de/home/medizin-und-forschung/heilmittel/med-anwend-cannabis/gesetzesaenderung-cannabisarzneimittel.html
- Marinol®: PharmaWiki, www.pharmawiki.ch/wiki/index.php?wiki=marinol
- Nabilon : PharmaWiki, www.pharmawiki.ch/wiki/index.php?wiki=dronabinol
- pharmaSuisse : Société suisse des pharmaciens : www.pharmasuisse.org/data/docs/de/32789/191015-Auswertungsformular-Stellungnahme-phS-Cannabisarzneimittel.pdf?v=1.0
- Brenneisen R : Le cannabis à la croisée de l’expérience et de la recherche. Rudolf Brenneisen, www.stcm.ch/files/mediaplanet_2019-03.pdf
- Grotenhermen F : Le chanvre comme médicament. Un guide pratique. Nachtschatten Verlag AG (Soleure) 2015 : 40 – 52.
- Kozela E, et al : Les cannabinoïdes réduisent le phénotype inflammatoire th17 auto-immun. J Neuroimmune Pharmacol 2013 ; 8 : 1265-1276.
- Fankhauser M : Le cannabis comme médicament. Manfred Fankhauser, Langnau SRO AG, clinique de la douleur, Langenthal, 24.01.2019
- Communauté de travail sur le cannabis médical. Magazine ACM 2015. Rüthen 2015 : 9.
- Fankhauser M : Le cannabis comme médicament. Comparaison de l’utilisation thérapeutique en Allemagne et en Suisse. Journal allemand des pharmaciens 2015, www.deutsche-apotheker-zeitung.de/daz-az/2015/daz-30-2015/cannabis-als-arznei
- Kleiber D, Kovar KA : Effets de la consommation de cannabis, une expertise sur les conséquences pharmacologiques et psychosociales. Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft (Stuttgart) 1998 : 87.
- Grotenhermen F, Reckendrees B : Le traitement par le cannabis et le THC. Soleure 2014 : 50.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2020 ; 15(4) : 34-35
InFo NEUROLOGIE & PSYCHIATRIE 2020 ; 18(4) : 26-27