Le tabagisme par inhalation reste le principal facteur de risque évitable de nombreuses maladies et de décès prématurés dans le monde. En Suisse, plus de 1,9 million de personnes fumaient en 2017, soit 27% des plus de 15 ans. 56% des fumeurs avaient entre 15 et 44 ans en 2017. L’arrêt du tabac le plus tôt possible dans la vie des fumeurs est la mesure la plus importante pour prévenir les maladies et les décès.
Le tabagisme par inhalation reste le principal facteur de risque évitable de nombreuses maladies et de décès prématurés dans le monde. 50% des fumeurs meurent prématurément, en moyenne 14 ans plus tôt [1]. En Suisse, plus de 1,9 million de personnes fumaient en 2017, soit 27% des plus de 15 ans. 56% des fumeurs en Suisse étaient âgés de 15 à 44 ans en 2017 [2]. Les taux de tabagisme dans l’UE présentent une grande variabilité, de 7% en Suède à 42% en Grèce [3], le taux de tabagisme moyen dans l’UE est de 26%. En Allemagne, le nombre de fumeurs a de nouveau augmenté au cours des trois dernières années et s’élève actuellement à 35,5% [4].
Les coûts socio-économiques annuels directs et indirects causés par la consommation de tabac sont estimés à près de 4 milliards de francs suisses [5] pour la Suisse et à environ 97 milliards d’euros pour l’Allemagne [6]. Le tabagisme est responsable d’environ 9500 décès liés à la fumée de tabac en Suisse (14% de tous les décès) [5] et de 127 000 en Allemagne [7]. Pour l’UE, on estime à 700 000 le nombre de décès annuels liés au tabagisme [1]. Les maladies cardiovasculaires, les maladies pulmonaires et les cancers sont responsables de la majorité des décès liés au tabagisme [8].
L’arrêt du tabac le plus tôt possible dans la vie des fumeurs est la mesure la plus importante pour prévenir les maladies et les décès. Chaque année en Allemagne, un fumeur sur cinq fait une tentative d’arrêt du tabac, mais la plupart du temps sans soutien fondé sur des preuves [9]. L’une des méthodes fondées sur des preuves n’est utilisée que dans 13% des tentatives d’arrêt du tabac et le gold standard, c’est-à-dire la combinaison d’une thérapie comportementale et d’un soutien médicamenteux, n’est utilisé que dans 2% des cas [9]. Les tentatives d’arrêt du tabac non assistées ne présentent qu’un taux de réussite de 3 à 7% [10] alors que l’étalon-or permet d’obtenir des taux de réussite à long terme de 30 à 35% [11], parfois 45% [12].

Une structure de soins “idéale” propose différentes offres de soutien aux fumeurs, comme le montre la figure 1. Les offres vont du simple conseil médical à des consultations plus intensives, des formations de groupe et des thérapies individuelles ou de groupe intensives. Un remboursement financier des offres de soutien doit être exigé, mais il n’est jusqu’à présent mis en œuvre en Allemagne que dans le cadre de projets isolés, comme le contrat sélectif de pneumologie dans le Bade-Wurtemberg [13], et non de manière régulière. Les interventions minimales telles que la “règle des 5A” et la “règle ABC” offrent un guide bien mémorisable pour la clinique et la pratique pour la mise en œuvre au quotidien (tableau 1).
Outre l’habitude et les rituels liés au tabagisme, la dépendance au tabac est un obstacle important à l’arrêt du tabac. On estime que 50 à 60% des fumeurs présentent une dépendance au tabac [14] qui, dans de nombreux cas, entraîne, dans le cadre de la réduction ou de l’arrêt du tabac, des symptômes de sevrage tels que l’irritabilité, l’irritabilité, la nervosité, les troubles de la concentration ou du sommeil et une forte envie de fumer (craving).
Traitement médicamenteux de la dépendance au tabac
Un traitement médicamenteux est recommandé chez les fumeurs dépendants et en cas d’apparition de symptômes de sevrage, afin d’éviter les rechutes au cours des premières semaines d’arrêt du tabac, généralement entre 8 et 12 semaines, et de permettre le changement de comportement nécessaire à la réussite à long terme [10,11]. Le traitement médicamenteux double ou triple (OR 1,82 à 2,88) les chances d’arrêter de fumer par rapport à l’absence de traitement médicamenteux [15]. Trois (groupes de) médicaments sont autorisés à cet effet en Europe (à l’exception de la Suisse : la cytisine n’a pas été autorisée en Suisse) et sont également recommandés dans les lignes directrices nationales et internationales correspondantes [11,16,17]:
- les substituts nicotiniques (patchs, comprimés à sucer, gommes à mâcher, sprays buccaux, inhalateurs)
- Agonistes partiels des récepteurs nicotiniques (varénicline, cytisine)
- antidépresseur (bupropion)
Les informations professionnelles respectives [18,19] des différents médicaments doivent être consultées avant l’utilisation et la prescription. Les principales données relatives aux différentes préparations sont présentées ci-dessous.
Thérapie de remplacement de la nicotine (TRN)
La raison d’être de cette forme de thérapie médicamenteuse est d’apporter de la nicotine pharmacologique par la peau (patch) ou par la muqueuse buccale (comprimés à sucer, gomme à mâcher, spray buccal, inhalateur) lors de l’arrêt du tabac, afin d’éviter ou de réduire considérablement les symptômes de sevrage. Les patchs transdermiques délivrent de la nicotine en continu pendant 16 ou 24 heures, assurant ainsi un apport de base en nicotine. Les produits NRT sont disponibles dans les pharmacies en tant que produits en vente libre (OTC).
Patchs transdermiques (TDM)
Les TDM sont proposés en trois niveaux d’efficacité, en fonction du nombre de cigarettes fumées jusqu’à présent, et sont progressivement réduits au fil du temps. Il est nécessaire de changer le patch tous les jours et il est recommandé de changer la zone de peau. Les principaux effets secondaires des patchs sont l’irritation de la peau et le prurit, ainsi que les maux de tête et les vertiges. Le tabagisme doit être arrêté lors de l’utilisation du TDM afin d’éviter tout surdosage. Les TDM peuvent également être associés à des formes orales de nicotine en cas de dépendance plus forte au tabac (voir plus loin dans le texte) afin de couper les crises de craving aiguës.
Formes orales de nicotine
L’administration orale de nicotine comprend les gommes à mâcher, les comprimés à sucer, les inhalateurs et les sprays buccaux et peut être utilisée en monothérapie avec un intervalle d’administration fixe ou seulement en cas de besoin, ou en combinaison avec le TDM. Les produits nicotiniques oraux sont également adaptés aux tentatives d’arrêt du tabac par la méthode de réduction. La nicotine orale est particulièrement indiquée en cas de craving. Des particularités d’application sont à prendre en compte pour les différents produits (tableau 2). Les principaux effets secondaires des produits nicotiniques oraux sont l’irritation des muqueuses de la bouche et de la gorge, le hoquet, l’irritation de l’œsophage et de l’estomac, parfois des nausées ainsi que la toux. Pour le spray buccal, les maux de tête sont également mentionnés comme un effet secondaire très fréquent (>1/10).
Les produits de TRN ne doivent être utilisés chez les fumeurs souffrant d’angine de poitrine instable, d’infarctus du myocarde récent, d’arythmie cardiaque sévère, d’accident vasculaire cérébral récent ou d’hypertension non contrôlée qu’après une évaluation très minutieuse des risques et des bénéfices. Il en va de même pour les patients atteints de phéochromocytome et d’hyperthyroïdie manifeste. Il est également conseillé aux femmes enceintes et allaitantes d’arrêter de fumer sans soutien médicamenteux. Ce n’est qu’après avoir soigneusement évalué les risques et les avantages que les TRN oraux peuvent être utilisés chez les femmes enceintes et allaitantes. Il est conseillé aux patients diabétiques de surveiller plus étroitement leur taux de glycémie, car la diminution de la libération de nicotine peut affecter le métabolisme des glucides. En cas de troubles de la fonction hépatique ou rénale, la posologie du TRN doit être adaptée si nécessaire.
L’arrêt du tabac peut ralentir la métabolisation des médicaments par le CYP 1A2. Dans ce cas, une réduction de la dose peut être nécessaire, en particulier pour les médicaments à faible marge thérapeutique (par ex. théophylline, tacrine, clozapine, ropinirole). Il est rare que la dépendance au tabac ou à la cigarette soit transférée à un produit NRT (en particulier pour les formes d’administration orale), avec la nécessité d’une intervention thérapeutique visant à réduire lentement et progressivement les doses de NRT sur plusieurs semaines ou mois.
Agonistes partiels des récepteurs nicotiniques (varénicline, cytisine)
La varénicline et la cytisine font partie de ce groupe. Les produits pharmaceutiques exercent un effet de type nicotinique (agoniste) sur le récepteur. En même temps, ils bloquent le récepteur pendant une période prolongée (effet antagoniste), le rendant indisponible pour la nicotine de la cigarette de tabac.
La varénicline a été retirée du marché à partir de 07/21 en raison d’une teneur élevée en N-nitroso-varénicline et n’est pas encore à nouveau disponible. La cytisine n’a pas été autorisée par les autorités de contrôle des médicaments en Suisse et, selon des recherches récentes, elle n’est pas non plus disponible dans les pharmacies en Allemagne, ou seulement de manière très limitée. Les deux préparations sont soumises à prescription médicale en Allemagne.
Dans les études, la varénicline a montré les taux d’arrêt à long terme les plus élevés par rapport aux autres thérapies médicamenteuses. La dose d’entretien recommandée est de 2× 1 mg/jour. L’arrêt du tabac doit avoir lieu au cours de la deuxième semaine de traitement. Un ajustement de la dose n’est nécessaire qu’en cas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créa <30 ml/min). Les rapports antérieurs faisant état d’une augmentation des événements neuropsychiatriques ou cardiovasculaires ont été contredits par de grandes études. Les principaux effets secondaires de la varénicline sont les maux de tête, les nausées, les troubles gastro-intestinaux et les rêves anormaux. En cas d’apparition d’effets secondaires, la dose peut être réduite à 1× 1 mg/jour avec toujours un bon effet en termes d’arrêt du tabac. La diminution du traitement n’est pas nécessaire, mais elle est pratiquée en pratique par de nombreux fumeurs.
La cytisine est un extrait de laburnum et est administrée sur 25 jours à doses décroissantes (en commençant par 6× 1,5 mg/j). Tant son mode d’action que son spectre d’effets secondaires sont similaires à ceux de la varénicline. Pour la cytisine, la tachycardie et l’hypertension, les éruptions cutanées et les myalgies sont encore mentionnées comme très fréquentes (>1/10). La varénciline ne doit pas être utilisée pendant la grossesse et l’allaitement. Pour la cytisine, une contre-indication à la grossesse et à l’allaitement est mentionnée dans l’information professionnelle.
antidépresseur (bupropion)
Le bupropion est un antidépresseur non tricyclique et est classé comme inhibiteur sélectif de la recapture de la dopamine et de la noradrénaline. Pour le sevrage tabagique, il a été autorisé en Allemagne et en Suisse en 2000. L’utilisation du bupropion doit tenir compte d’un certain nombre de contre-indications, d’interactions et d’effets secondaires (tableau 3), raison pour laquelle la prescription doit être réservée à des praticiens ayant une expérience appropriée du médicament.
Messages Take-Home
- Tout médecin devrait conseiller aux fumeurs d’arrêter de fumer et leur offrir un soutien fondé sur des données probantes.
- De nombreux fumeurs ont besoin d’un soutien médicamenteux en raison de leur dépendance au tabac et/ou de l’apparition de symptômes de sevrage, afin de pouvoir commencer à arrêter de fumer.
- Il existe plusieurs médicaments/groupes de médicaments autorisés qui peuvent être utilisés en tenant compte de l’expérience personnelle et des préférences du patient, et
sont censés. - L’utilisation de médicaments augmente les chances de succès à long terme d’un facteur d’environ 2 à 3.
Littérature :
- Europäische Kommission – EU: Public Health, Tobacco Overview; https://health.ec.europa.eu/tobacco/overview_en (dernier accès: 18.04.2023).
- Office fédéral de la statistique (CH) : www.bfs.admin.ch/bfs/de/home/statistiken/gesundheit/determinanten/tabak.assetdetail.6466013.html (dernier accès : 18.04.2023).
- Europäische Kommission: Special Eurobarometer 506: Attitudes of Europeans towards tobacco and electronic cigarettes 2021;
https://europa.eu/eurobarometer/surveys/detail/2240 (dernier accès : 18.04.2023). - Étude DEBRA : http://debra-study.info,(dernier accès : 18.04.2023).
- Office fédéral de la santé publique (CH) : www.bag.admin.ch/bag/de/home/zahlen-und-statistiken/zahlen-fakten-zu-sucht/zahlen-fakten-zu-tabak.html (dernier accès : 18.04.2023).
- Effertz T: Die Kosten des Rauchens in Deutschland im Jahr 2018. Atemwegs- und Lungenkrankheiten 2019; 307–314.
- Drogenbeauftragte der Bundesregierung beim Bundesministerium für Gesundheit: Drogen- und Suchtbericht 2021.
www.drogenbeauftragte.de/service/publikationen. - Jha P, Ranasundarahettige C, Landsman V, et al.: 21st-century hazards of smoking and benefits of cessation in the United States. N Engl J Med 2013; 0364(4): 341–350.
- Kotz D, Batra A, Kastaun S: Smoking cessation attempts and common strategies employed. A Germany-wide representative survey conducted in 19 waves from 2016 to 2019 (The DEBRA Study) and analyzed by socioeconomic status. Dtsch Arztebl Int 2020; 117: 7–13; doi: 10.3238/arztebl.2020.0007.
- Fiore MC, Jaén CR, Baker TB, et al.: Treating tobacco use and dependance: 2008 update. U.S. Department of Health and Human Services 2008.
- Batra A, Petersen KU: S3-Leitlinie Rauchen und Tabakabhängigkeit: Screening, Diagnostik und Behandlung 2021; AWMF-Register Nr. 076-006.
- Mühlig S: Persönliche Korrespondenz zur ATEMM-Studie in Sachsen (ohne Datum).
- Mediverbund: Facharztvertrag Pneumologie; www.medi-verbund.de/facharztvertraege/aok-bw-bosch-bkk-pneumologie (dernier accès 18.04.2023).
- Batra A, Lindinger P: Tabakabhängigkeit – Suchtmedizinische Reihe, Band 2. Hamm 2013.
- Cahill K, Stevens S, Perera R, Lancaster T: Pharmacological interventions for smoking cessation: an overview and network meta-analysis. Cochrane Database of Systematic Reviews(5) 2013; doi: 10.1002/14651858.CD009329.pub2.
- NICE – National Institute for Health and Care Excellence: Behaviour change: digital and mobile health interventions – NICE guideline ng183 2020; www.nice.org.uk/guidance/ng183 (dernier accès : 18.04.2023).
- USPSTF – US Preventive Service Task Force: Interventions for Tobacco Smoking Cessation in Adults, Including Pregnant Persons – US Preventive Services Task Force Reccommendation Statement. JAMA 2021; 265–279; doi: 10.1001/jama.2020.25019.
- DIMDI: Fachinformationen Nikotinersatzprodukte;
https://portal.dimdi.de/amguifree/am/search.xhtml
(dernier accès : 18.04.2023). - Fachinfo.de : Informations professionnelles Varénicline, Cytisine, Bupropion ;
www.fachinfo.de (dernier accès : 18.04.2023).
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2023 ; 18(5) : 10-14