Les symptômes de reflux gastro-œsophagien sont l’une des plaintes les plus fréquentes chez les médecins généralistes. Afin de mettre en place un traitement rapide et d’éviter que la situation ne s’aggrave, il est indispensable d’établir un diagnostic minutieux.
Le reflux symptomatique est très prévalent : entre 10 et 30% de la population des pays industrialisés est concernée. Les complications du reflux gastro-œsophagien peuvent être une œsophagite par reflux, une sténose ou même un cancer de l’œsophage. Il est donc d’autant plus important de poser un diagnostic précis afin de traiter rapidement le reflux. Dans le cadre de la Cancer Academy, le PD Dr Daniel Pohl, médecin en chef du diagnostic fonctionnel à l’Hôpital universitaire de Zurich, a expliqué quels outils de diagnostic permettent d’évaluer correctement les symptômes.
Hautement spécifique, mais peu sensible : GerdQ
Le reflux se manifeste typiquement par des brûlures d’estomac, des remontées acides et des régurgitations. A cela s’ajoutent d’autres symptômes non spécifiques qui doivent être notés dans le cadre d’une anamnèse précise (tab. 1). La fréquence et la répartition temporelle des symptômes sont également importantes pour le diagnostic. Si les symptômes se produisent au moins une à deux fois par semaine, il est probable qu’il s’agisse d’un reflux gastro-œsophagien. Comme de nombreux médicaments peuvent provoquer des reflux, il est également important d’avoir des antécédents médicamenteux.
En théorie, le GerdQ (“Gastroesophageal Reflux Disease Questionnaire”) – un questionnaire de six questions sur les symptômes de reflux, leur intensité et leur fréquence – permet un diagnostic rentable et rapide. Une étude chinoise a soumis le GerdQ à un test Real World. Pour ce faire, 8000 patients de 122 centres ont été interrogés à l’aide du GerdQ et les résultats ont été comparés aux résultats des gastroscopies effectuées par la suite. Conclusion : le GerdQ a pu diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien avec une grande certitude pour les scores >8. Mais plus le score est bas, moins le GerdQ est sensible. Bien que l’étude ait montré une corrélation entre le score et le nombre de patients souffrant d’œsophagite de reflux, le questionnaire n’a donc finalement pas permis d’exclure une maladie : 22% des personnes considérées comme négatives par le questionnaire (avec un faible degré de gravité des symptômes) présentaient une œsophagite de reflux lors de la gastroscopie. Chez quelques-uns, un carcinome était déjà présent malgré l’absence de symptômes et un faible score GerdQ [1]. Le GerdQ est donc adapté aux études cliniques, mais ne constitue pas un outil de diagnostic fiable.
Quelle est la précision du test IPP ?
Si des symptômes de reflux typiques sont présents, mais pas de symptômes d’alarme, des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peuvent être administrés à titre probatoire [2]. La suppression empirique de l’acide est fréquente dans les cabinets de médecine générale. Les résultats d’une étude multicentrique qui a examiné la précision du ciblage diagnostique des IPP chez 308 patients de médecins généralistes souffrant de reflux sur une période de deux semaines indiquent toutefois une pertinence limitée : certes, les tests IPP étaient en effet positifs chez la plupart des patients présentant des symptômes de reflux typiques. Une proportion importante de ceux qui n’avaient pas répondu au test avaient néanmoins un RGO. Chez les patients non atteints de RGO, la proportion de tests positifs et négatifs s’équilibrait. Le test IPP n’est donc pas un indicateur fiable de RGO [3].
Moyen de choix : endoscopie et MIIpH 24h/24
Tous les patients présentant des symptômes de reflux ne doivent pas être endoscopiés. L’indication est donnée en présence de symptômes d’alarme. Il s’agit notamment de la dysphagie, de la perte de poids et de l’anémie. “Mais les symptômes d’alarme ne font pas tout”, prévient le Dr Pohl : une étude asiatique a trouvé des changements pathologiques chez 40% des 469 patients souffrant de reflux sans symptômes d’alarme lors d’une endoscopie. Il s’agissait le plus souvent d’une œsophagite par reflux. Dans de rares cas, il existait des ulcères gastriques, un remaniement chronique ou déjà un carcinome [4].
Une endoscopie initiale peut également être utile pour la planification du traitement en cas de suspicion de séquelles morphologiques de reflux ou de demande du patient. Une clarification rapide améliore la satisfaction du patient et l’observance. Si une ERD est diagnostiquée au cours de l’endoscopie, le traitement peut commencer immédiatement ; la gravité des lésions est définie par la classification de Los Angeles. Le diagnostic différentiel avec l’œsophagite à éosinophiles ou l’œsophage de Barrett se fait par biopsie.
Si aucun corrélat dangereux n’est trouvé et que la symptomatologie persiste malgré les IPP, des mesures de diagnostic fonctionnel sont indiquées (Fig. 1).
La pH-métrie sur 24 heures et la ph-métrie MII (MII = mesure de l’impédance intraluminale multicanale) présentent la plus grande sensibilité et spécificité. Tous deux recensent également les patients atteints de RGO et mettent en relation les symptômes avec les épisodes de reflux, ce qui permet de tester le patient pour le RGO même en cas de symptômes atypiques ou de non-réponse aux IPP. La ligne directrice recommande notamment la ph-métrie-MII [2]. Celui-ci enregistre à la fois les mouvements du bolus et l’exposition à l’acide dans l’œsophage. En combinaison avec la pH-métrie, les événements de reflux peuvent être différenciés en événements acides, faiblement acides (>pH 4 et <pH 7) et non acides (>pH 7) [5]. La corrélation des symptômes est décisive pour distinguer la NERD de l’œsophage hypersensible et des brûlures d’estomac fonctionnelles [6].
Le reflux n’est pas toujours en cause
Si ni la clinique ni l’endoscopie ne confirment un RGO et que le traitement empirique par IPP n’entraîne pas d’amélioration des symptômes, on peut soupçonner que ceux-ci ne sont pas dus au reflux. C’est le cas, par exemple, des patients souffrant de brûlures d’estomac fonctionnelles. La dysmotilité ou la régurgitation peuvent également se manifester sous forme de brûlures d’estomac. Pour déterminer les causes, différents outils peuvent être utilisés en plus d’une anamnèse détaillée. En cas de reflux acide ou non acide persistant, une mesure de la pression et une pH-métrie MII à 24 psi avec/sans traitement sont effectuées. Les procédures radiologiques sont utilisées pour le diagnostic pré- et postopératoire dans le cadre d’un traitement chirurgical du reflux, bien qu’elles soient d’une importance secondaire [6].
Source : Cancer Adacemy Zurich
Littérature :
- Bai Y, et al : Gastroesophageal Reflux Disease Questionnaire (GerdQ) in real-world practice : a national multicenter survey on 8065 patients. J Gastroenterol Hepatol 2013 ; 28(4) : 626-631.
- Koop H, et al : Reflux gastro-œsophagien. Ligne directrice S2k, version du 14 juin 2014. www.awmf.org/leitlinien/detail/ll/021-013.html, dernière consultation le 14.05.2019.
- Bytzer P, et al : Limited ability of the proton-pump inhibitor test to identify patients with gastroesophageal reflux disease. Clin Gastroenterol Hepatol 2012 ; 10(12) : 1360-1366.
- Peng S, et al : Prompt upper endoscopy is an appropriate initial management in uninvestigated Chinese patients with typical reflux symptoms. Am J Gastroenterol 2010 ; 105(9) : 1947-1952.
- Savarino E, et al : Caractéristiques des épisodes de reflux et association des symptômes chez les patients atteints d’œsophagite érosive et de maladie de reflux non érosive : étude utilisant la thérapie combinée impédance-pH off. Am J Gastroenterol 2010 ; 105(5) : 1053-1061.
- Bittinger M, et al. : S2k-Leitlinie Gastroösophageale Refluxkrankheit. Bayrisches Ärzteblatt 2015 ; 10 : 488-495.
HAUSARZT PRAXIS 2019 ; 14(6) : 30-31 (publié le 24.5.19, ahead of print)