Les toxines botuliques sont de plus en plus utilisées dans le traitement de la spasticité, mais jusqu’ici, différents produits étaient employés en fonction de l’étiologie et de la localisation [1]. Désormais, un produit unique peut être utilisé pour le traitement des spasticités focales de toute étiologie. Dans cette interview, le Dr Andreas Disko, neurologue, explique ce que cela signifie pour les personnes concernées et les soignants.
La survenue d’une spasticité est fréquemment associée à des affections neurologiques telles que l’accident vasculaire cérébral, la parésie cérébrale infantile ou la sclérose en plaques (SEP) [2]. Les toxines botuliques sont entre autres utilisées pour le traitement local; elles provoquent un relâchement temporaire du tonus musculaire par inhibition de la libération d’acétylcholine, un neurotransmetteur, au niveau des plaques terminales motrices [1]. Plusieurs études cliniques ont révélé que les injections intramusculaires d’onabotulinumtoxine de type A (BOTOX®) entraînent une diminution du tonus musculaire spastique élevé après un accident vasculaire cérébral et lors d’autres étiologies [3]. BOTOX® est autorisé en Suisse depuis mai 2021 en tant que seul produit à base de toxine botulique actuellement destiné au traitement symptomatique de spasticités focales des membres supérieurs et inférieurs chez l’adulte, l’adolescent et l’enfant dès l’âge de deux ans [3]. L’admission par les caisses-maladie depuis le 1er août 2021 permet à ce traitement d’être désormais accessible à une vaste population de patients atteints d’affections neurologiques [4]. Le Dr méd. Andreas Disko, médecin-chef du centre de neuroréhabilitation de la clinique Lengg à Zurich, évalue dans cette interview la portée de l’admission par les caisses-maladie pour les patients atteints de SEP et de spasticités focales.
Interview du Dr méd. Andreas Disko
Dr méd. Andreas Disko
Médecin-chef du centre de neuroréhabilitation
Clinique Lengg, Zurich
Docteur Disko, quelles étaient jusqu’à présent les approches thérapeutiques utilisées pour le traitement symptomatique de la spasticité focale lors de SEP?
À l’exception de la physiothérapie, nous ne disposions jusqu’à présent d’aucune option efficace. Nous pouvons certes recourir à diverses thérapies systémiques pour traiter les spasticités en général, mais celles-ci n’agissent pas de manière focale.
Quel est le défi à relever pour traiter les spasticités focales avec des thérapies systémiques?
Les thérapies systémiques agissent sur l’ensemble de l’organisme. Mais avant même d’avoir pu atteindre une dose efficace permettant d’obtenir un effet satisfaisant sur une spasticité focale, les effets secondaires systémiques prédominent déjà. Par conséquent, je me vois souvent obligé d’arrêter un traitement systémique.
Quelles sont vos expériences avec les toxines botuliques dans le traitement de la spasticité chez les patients atteints de SEP?
Tout comme après un accident vasculaire cérébral, la spasticité focale peut aussi être traitée remarquablement bien par la toxine botulique en cas de SEP. Les données disponibles sont très convaincantes, et ce d’ailleurs pour toutes les étiologies.
Quels sont les retours de vos patients?
Ils sont très positifs. Il est important d’expliquer les bénéfices attendus ainsi que les limites de ce traitement aux patients, afin qu’ils ne soient pas déçus en raison d’attentes irréalistes. Une paralysie persistera sous toxine botulique, mais la spasticité peut être améliorée.
Que pensez-vous de l’extension des indications de BOTOX® pour le traitement symptomatique de la spasticité focale des membres supérieurs et inférieurs, quelle que soit l’étiologie?
L’extension des indications constitue un allègement important dans la pratique quotidienne. Auparavant, il était nécessaire de procéder à des demandes fastidieuses de garantie de prise en charge des coûts, ce qui a peut-être découragé de nombreux neurologues d’envisager ce traitement efficace pour les patients atteints de SEP. J’ai l’impression qu’il y a encore de très nombreux patients atteints de SEP chez lesquels la spasticité focale n’est pas traitée car ils n’ont pas accès à ce traitement. Une fois cet obstacle écarté, j’espère qu’un nombre nettement plus important de patients aura désormais la possibilité de bénéficier de ce traitement efficace.
Les avantages de l’extension des indications de BOTOX® pour les spasticités focales de toute étiologie en un coup de æil:
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Selon vous, quels sont les patients susceptibles de tirer le plus grand bénéfice d’un traitement par des toxines botuliques et pourquoi?
Il est difficile de donner une réponse générale à cette question. Les patients atteints de SEP et de spasticité focale peuvent sans aucun doute en tirer un bénéfice considérable. Une injection de toxine botulique peut être administrée dans le but de faciliter les soins, de soulager les douleurs liées à la spasticité ou d’améliorer les fonctions. Les raisons concrètes incitant à instaurer un traitement par des toxines botuliques sont multiples. Cependant, ces traitements visent tous à améliorer la qualité de vie.
Que pensez-vous de la tolérance aux toxines botuliques?
L’expérience que j’en ai est très bonne. Il n’y a que très peu de contre-indications, les effets secondaires sont pratiquement inexistants et vont rarement au-delà d’une légère douleur liée à l’injection et d’un hématome transitoire au site d’injection.
Comment voyez-vous l’évolution future du traitement de la spasticité focale dans le contexte de la SEP?
Tout d’abord, il est important d’informer le corps médical de l’admission par les caisses-maladie, afin de diminuer la réticence à recourir à la toxine botulique chez les patients atteints de SEP. Ceci concerne également le domaine de la médecine de famille, où une spasticité est souvent acceptée et où, en l’absence de connaissances au sujet de l’existence d’une thérapie efficace, le patient n’est pas adressé à un neurologue. Les neurologues eux non plus ne proposent pas toujours ce traitement, en raison, par exemple, d’un manque d’expérience vis-à-vis de la technique d’injection.
Conseilleriez-vous à un neurologue ne souhaitant pas procéder lui-même à l’injection d’adresser ses patients à un centre?
Oui. Les neurologues me consultent régulièrement pour me demander si l’injection d’une toxine botulique est pertinente pour leurs patients. Si tel est le cas, ces patients peuvent également recevoir leur injection, ou tout au moins des conseils, dans notre centre de compétences. Je prends alors en charge le traitement de la spasticité, tandis que le neurologue référent poursuit le traitement neurologique général.
Quelle est la fréquence des injections et pendant combien de temps doivent-elles être effectuées?
C’est très variable. Usuellement, une injection est administrée tous les trois mois. Si l’on constate que l’effet dure plus longtemps, il est possible d’allonger l’intervalle, le cas échéant.
Selon vous, qu’est-ce qui est encore important à propos du traitement à base de toxine botulique chez les patients atteints de SEP et de spasticité focale?
Il est nécessaire de sensibiliser l’opinion sur l’existence d’un traitement efficace de la spasticité focale et sur l’intérêt d’y recourir précocement. Plus une spasticité dure longtemps, plus il est difficile de la traiter de manière satisfaisante, car le tissu musculaire se transforme de manière irréversible en tissu conjonctif. Afin de ne pas manquer le moment optimal pour un traitement, il est recommandé, en cas de doute, d’adresser les patients concernés à un centre de compétences.
Étude ASPIRE: des résultats satisfaisants toutes étiologies confonduesL’étude Adult Spasticity International Registry (ASPIRE) a évalué l’efficacité de BOTOX® dans le traitement symptomatique des spasticités chez 730 patients souffrant d’accident vasculaire cérébral (n = 411, 56%), de sclérose en plaques (n = 119, 16%), de parésie cérébrale (n = 77, 11%), de traumatisme cranio-cérébral (n = 45, 6%) et de lésion de la moelle épinière (n = 42, 6%) [5]. L’analyse intermédiaire à 1 an a révélé que les médecins traitants, tout comme les patients, étaient satisfaits à très satisfaits du traitement par BOTOX® (intervalle de variation chez les médecins: 87,4% [lésion de la moelle épinière] – 94,2% [parésie cérébrale]; intervalle de variation chez les patients: 67,6% [traumatisme cranio-cérébral] – 89,7% [lésion de la moelle épinière]). Par exemple, les patients victimes d’un accident vasculaire cérébral, dont 91,7% souffraient de spasticité des membres supérieurs et 79,6% de spasticité des membres inférieurs, ont présenté une amélioration bilatérale dans presque tous les domaines de l’échelle d’évaluation du handicap (Disability Assessment Scale, DAS). Une amélioration de la mobilité des membres inférieurs a en outre été constatée pour toutes les étiologies. Parmi les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sous BOTOX® figuraient la faiblesse musculaire et la dysphagie. Par ailleurs, aucune nouvelle préoccupation liée à la sécurité n’a été observée lors du traitement par BOTOX® dans le cadre de l’analyse intermédiaire de l’étude ASPIRE. |
Ce texte a été conçu grâce au soutien financier d’Allergan SA, Cham.
Information professionnelle abrégée de BOTOX®
CH-BTX-220001_01/2022
Références