Le développement rapide de nouveaux médicaments anticancéreux très efficaces, tels que les inhibiteurs de points de contrôle, entraîne inévitablement un élargissement de l’éventail des effets secondaires des traitements oncologiques. L’utilisation croissante de l’immunothérapie nécessite la connaissance de ces effets indésirables potentiels et également des stratégies pour les gérer. Alors que l’image globale de l’éventail, de l’ampleur et de la fréquence des effets secondaires se met lentement en place avec une utilisation plus large en dehors des études, des méthodes de prophylaxie et de traitement sont activement testées.
Le système immunitaire fonctionne selon un équilibre fragile de réponse et de tolérance immunitaires. C’est la seule façon d’éviter une réponse immunitaire excessive aux auto-antigènes, et donc la destruction des propres cellules de l’organisme, lorsque les défenses contre les infections sont suffisantes. Plusieurs mécanismes existent pour maintenir l’équilibre, comme la sélection positive et négative dans le thymus ou les molécules co-inhibitrices sur les lymphocytes T. Les cellules T sont des cellules qui se divisent en deux parties, l’une pour l’immunité et l’autre pour la protection. Parmi ces molécules co-inhibitrices figurent les cibles bien connues de l’immunothérapie PD-1 et CTLA-4. Intervenir dans un mécanisme aussi bien rodé comporte des risques et n’est malheureusement pas souvent sans conséquences négatives, même si cela permet un traitement anticancéreux extrêmement efficace.
Quels sont les effets secondaires à médiation immunitaire les plus fréquents ?
La peau, le côlon et le foie sont particulièrement touchés par l’auto-immunité qui peut être déclenchée par un traitement par inhibiteurs de points de contrôle. Malheureusement, les effets indésirables ne se limitent pas à ces organes, mais peuvent également apparaître dans de nombreuses autres parties du corps (aperçu 1). Ainsi, des effets neurologiques tels qu’une faiblesse musculaire ou des paresthésies sont souvent observés. Robert Zeiser de la clinique universitaire de Fribourg, qui se manifestent souvent de manière non spécifique, par exemple sous forme de fatigue ou de maux de tête. Ces effets secondaires, tels que l’insuffisance thyroïdienne ou hypophysaire, auraient une place particulière dans la mesure où, contrairement à la plupart des autres effets de l’immunothérapie, ils sont presque toujours irréversibles.
Dans la chronologie caractéristique des effets indésirables, l’atteinte colique avec diarrhée et colite suit les effets cutanés qui, pour l’exemple de l’ipilimumab, se présentent le plus souvent cinq à six semaines après le début du traitement. L’hépatotoxicité et les effets secondaires endocriniens n’apparaissent généralement qu’à un stade ultérieur. Le professeur Zeiser souligne toutefois la variabilité de ces valeurs.
La comparaison entre l’ipilimumab, qui cible CTLA-4, et le pembrolizumab , qui cible PD-1, chez des patients atteints de mélanome a montré que les diarrhées et les démangeaisons, en particulier, étaient nettement plus fréquentes sous traitement par ipilimumab [1]. En revanche, le pembrolizumab a obtenu de moins bons résultats en ce qui concerne la fatigue, l’asthénie et l’arthralgie. Les patients traités par ipilimumab ont présenté une toxicité de haut niveau dans près de 20% des cas, tandis que ceux qui ont reçu du pembrolizumab ont souffert d’effets secondaires graves dans 10 à 13% des cas. Pour les deux médicaments, les toxicités dermique et gastro-intestinale étaient les plus fréquentes.
Que faire en cas d’effets indésirables ?
La détection précoce des effets secondaires à médiation immunitaire est cruciale pour le succès du traitement. Il convient donc d’enquêter sur tout soupçon. Après avoir exclu d’autres causes, telles qu’une infection par C. difficile en cas de colite ou une progression tumorale, une preuve histologique est utile – si possible et pas trop risquée, selon le professeur Zeiser. En cas de colite, il peut être obtenu par biopsie endoscopique, et en cas de pneumonie modérée ou sévère, par bronchoscopie et LBA. Cela est souvent nécessaire, car il est parfois difficile de faire la distinction avec la lymphangiose carcinomateuse ou la pneumonie fongique au scanner thoracique. En cas de dermatite, la preuve histologique n’est recommandée que dans les cas incertains pour exclure une cause infectieuse. Pour le diagnostic de l’hépatite et du système endocrinien, l’analyse de laboratoire est au premier plan, complétée si nécessaire par une imagerie telle qu’une IRM en cas de suspicion d’hypophysite ou une échographie en cas d’atteinte hépatique.
Le traitement de l’effet secondaire dépend du degré de gravité (tableau 1) et est similaire pour tous les effets secondaires à médiation immunitaire. Dans les cas légers, le traitement oncologique peut être poursuivi en parallèle. Comme il s’agit d’un traitement immunosuppresseur chez les patients atteints d’une maladie maligne active, il doit être aussi court que possible. Il est également déconseillé de traiter les effets secondaires gastro-intestinaux de manière purement symptomatique, car cela pourrait masquer la progression et, dans le pire des cas, conduire à une perforation.
Alors qu’une colite, une dermatite ou une pneumonie guérit généralement grâce à une immunosuppression à court terme, l’atteinte d’un organe endocrinien nécessite souvent un traitement de substitution à vie.
La confiance, c’est bien…
Des contrôles réguliers sont indispensables pour pouvoir anticiper les éventuels effets secondaires de l’immunothérapie. Il s’agit notamment de la recherche de symptômes tels que la fatigue ou la diarrhée, de la détermination des valeurs de laboratoire (tableau 2) et de l’imagerie en cas de suspicion d’endocrinopathies ou de pneumonies. Pour que l’immunothérapie puisse être interrompue à temps si nécessaire, ces contrôles doivent être effectués chaque fois avant l’administration du médicament.
Source : Forum pour la formation médicale continue (FOMF), Refresher, Immunonkologika und gezielte Therapien – Présentation sur le thème “Nebenwirkungen und ihre Therapie”, Livestream 19.06.2020, Prof. Dr. med. Robert Zeiser, Universitätsklinikum Freiburg (D)
Littérature :
- Robert C, Schachter J, Long GV, et al : Pembrolizumab versus ipilimumab dans le mélanome avancé. New England Journal of Medicine. 2015;372(26) : 2521-2532.
InFo ONKOLOGIE & HÄMATOLOGIE 2020 ; 8(4) : 20-21 (publié le 22.9.20, ahead of print)