La perte de collagène liée à l’âge affecte l’intégrité de la matrice extracellulaire de la peau. Les produits de comblement dermique à base d’acide hyaluronique sont considérés comme l’étalon-or pour le lissage des rides et la restauration des volumes du visage. Une étude récente s’est concentrée sur les processus biochimiques qui sous-tendent les effets obtenus par les produits de comblement à base d’acide hyaluronique réticulé sur la peau photovieillie.
La matrice extracellulaire (MEC) de la peau représente un réseau complexe de macromolécules et sert à la stabilisation mécanique mais aussi à la régulation de divers autres mécanismes cellulaires. Environ 80 à 90% de la MEC est constituée de collagène de type I, mais elle contient également de l’élastine et du collagène [1]. Les fibroblastes dermiques produisent du collagène de type I et l’interaction entre la MEC et les fibroblastes dermiques est cruciale pour les fonctions cellulaires. Lorsque la peau vieillit, il se produit une fragmentation du collagène de type I en raison d’une augmentation de l’expression et de l’activité enzymatique des métalloprotéinases (MMP). Cela affaiblit la structure collagène, ce qui rend plus difficile la fixation des fibroblastes [2].
Des analyses microscopiques révèlent une accumulation de collagène
Des études antérieures ont montré que l’injection d’acide hyaluronique réticulé (cross-linked hyaluronic acid, CL-HA) peut inverser ces changements. Wang et al. visaient à mieux décrypter le mécanisme biochimique de l’action des CL-HA [2]. Pour ce faire, ils ont injecté, dans le cadre d’une étude, du CL-HA et une préparation véhiculaire (solution saline) dans la peau photovieillie de personnes âgées de ≥60 ans. Les fibroblastes ont montré une activation 1 semaine à 6-9 mois après l’injection. Des analyses microscopiques ont été effectuées pour évaluer si l’activation des fibroblastes entraînait une accumulation de collagène cutané. La microscopie multiphotonique réalisée 1 semaine après l’injection montre qu’un étirement des fibroblastes a eu lieu, ce qui indique un meilleur soutien mécanique de la peau. Une analyse microscopique réalisée quatre semaines après l’injection a montré des faisceaux de collagène densément compactés autour des pools de CL-HA injecté. L’accumulation de faisceaux épais de collagène était toujours détectable 12 mois après l’injection et une quantité importante de CL-HA était présente.
Résumé Dans l’ensemble, les résultats de l’étude de Wang et al. indiquent que l’injection d’acide hyaluronique réticulé (CL-HA) peut activer durablement et rapidement les fibroblastes, ce qui entraîne un dépôt ultérieur de collagène. Plus précisément, une injection de CL-HA a stimulé l’activation synthétique et l’élongation des fibroblastes de manière durable (pendant 6 à 9 mois) et rapide (en une semaine). Le résultat était une accumulation de faisceaux de collagène de type 1 densément compactés. Celle-ci a commencé dès quatre semaines et a duré au moins un an après l’injection. Il a ainsi été démontré que l’accumulation de collagène dermique est un mécanisme d’action important pour les effets cliniques durables obtenus par les dermafillers CL-HA. |
d’après [2] |
Quels sont les processus biomécaniques impliqués ?
Wang et al. ont analysé les processus sous-jacents à ces effets et sont parvenus aux conclusions suivantes [2] :
- L’injection de CL-HA a déclenché l’activation et l’étirement des fibroblastes, ce qui a entraîné la formation de faisceaux de collagène de type I denses et épais quatre semaines après l’injection et qui ont persisté au moins jusqu’à la semaine 52.
- Des composants importants de la voie de signalisationdu TGF-β (Transforming Growth Factor β)ont été stimulés. Ceci est cliniquement pertinent car les composants de la voie de signalisation du TGF-β sont diminués dans la peau photo-vieillie, ce qui réduit la synthèse du procollagène de type 1. Les résultats indiquent que l’activation de la voie de signalisation TGF-β régule la réponse des fibroblastes en ce qui concerne un meilleur soutien mécanique de la peau, selon les auteurs.
- Après l’injection de CL-HA, les enzymes N-protéinase et C-protéinase impliquées dans la collagène synthase ont rapidement augmenté. Ces enzymes sont notamment impliquées dans la formation du collagène intact de type 1.
Selon les auteurs, les améliorations cliniques de la peau obtenues immédiatement après l’injection de CL-HA sont liées au fait que le produit de comblement prend place dans la MEC, ce qui influence favorablement le soutien mécanique. Cet effet est encore renforcé par les faisceaux de collagène épais qui s’accumulent en un mois. Le fait que les faisceaux de collagène se soient accumulés jusqu’à la semaine 52 au moins est une indication possible qu’après l’injection de CL-HA, le procollagène de type 1 est transformé en collagène dermique de type 1 durable et stable. En outre, la présence du filler CL-HA injecté à 12 mois indique un bénéfice clinique durable.
Littérature :
- Fisher GJ, Varani J, Voorhees JJ : Looking older : fibroblast collapse and therapeutic implications. Arch Dermatol 2008 ; 144(5) : 666-672.
- Wang F, et al. : Implications pour l’amélioration clinique cumulative et prolongée induite par l’acide hyaluronique croisé : une étude biochimique/microscopique in vivo chez l’homme. Exp Dermatol 2024 Jan ; 33(1) : e14998.
- Chin T, et al : The role of cellular senescence in skin aging and age-related skin pathologies. Front Physiol 2023 ; 14 : 1297637. www.frontiersin.org/journals/physiology/articles/10.3389/fphys.2023.1297637/full,(dernière consultation 11.04.2024).
DERMATOLOGIE PRATIQUE 2024 ; 34(2) : 20