Environ 40 à 60% des personnes qui reçoivent un diagnostic de TDAH pendant l’enfance voient leurs symptômes persister à l’âge adulte. Il existe également des cas où le TDAH n’est diagnostiqué pour la première fois qu’après l’âge de 18 ans. Les comorbidités psychiatriques sont plus fréquentes chez les patients adultes atteints de TDAH. Outre la pharmacothérapie, la psychothérapie ou le coaching constituent un pilier important du traitement. Un traitement personnalisé à base de stimulants améliore la focalisation de l’attention et le contrôle de soi chez les personnes atteintes de TDAH.
“L’attention diminue, la concentration baisse, la distraction augmente, l’ennui est difficilement supportable”, c’est ainsi que le Dr Markus Signer, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, Psy-Bern, a illustré le vécu des patients souffrant de troubles du déficit de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH) [1]. “Les patients atteints de TDAH peignent constamment un mandala de sable coloré”, a expliqué le conférencier [1]. Les tâches en suspens et les montagnes de papier s’accumulent, tandis qu’ils se laissent distraire par des détails, n’établissent guère de priorités et arrivent souvent en retard. Le diagnostic et le traitement des troubles du déficit de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH) est l’un des points forts du cabinet Psy-Bern. L’évaluation est principalement effectuée par des psychologues, les patients étant majoritairement adressés par des médecins généralistes ou des médecins de premier recours, a indiqué le Dr Signer [1]. Il est fréquent que les parents d’enfants atteints souhaitent eux aussi être examinés. “Il existe une composante génétique évidente dans le TDAH”, a expliqué le conférencier [1]. En ce qui concerne les corrélats neurobiologiques, on sait que certains circuits de régulation du cerveau frontal sont perturbés. Les données statistiques sur la fréquence du TDAH montrent qu’il s’agit d’une problématique qui ne concerne pas uniquement les enfants et les adolescents : la prévalence ponctuelle est d’environ 3% chez les adultes (environ 6% chez les enfants et les adolescents).
Le TDAH au quotidien : conseils pratiques |
Voyager à l’étranger : Les stimulants sont soumis à la loi sur les stupéfiants, un certificat certifié est donc nécessaire (“formulaire Schengen”). |
Aptitude à la conduite : est généralement donnée en cas de TDAH ; respecter les règles spéciales pour les chauffeurs professionnels. |
Sportifs : autorisation exceptionnelle requise, car le méthylphénidate fait partie des stimulants interdits par la liste des substances dopantes. |
Grossesse : arrêt éventuel, mais il n’y a pas de preuve d’une tératogénicité accrue chez l’homme en ce qui concerne les psychostimulants courants ; vérifier sur www.embryotox.de ; selon le cas, envisager le passage au bupropion/venlafaxine/sertraline ou au citalopram. |
Aptitude au service militaire : si un TDAH a été diagnostiqué dans l’enfance, qu’il s’est résorbé au fil du temps et que les personnes concernées n’ont pas pris de médicaments et ne présentent pas de symptômes pendant au moins un an, elles peuvent effectuer leur service militaire sans restriction. Sinon, leur aptitude au service est limitée ou, en cas de rémission partielle et de poursuite de la médication, ils ne sont pas du tout aptes au service. |
Principaux centres d’expertise et de conseil CH sur le TDAH : – Projet ADxS e.V, www.adxs.org – Organisation TDAH elpos Suisse, https://elpos.ch – Association professionnelle suisse du TDAH, www.sfg-adhs.ch/de |
vers [1,17,18] |
Comment le TDAH se manifeste-t-il à l’âge adulte ?
La CIM-11, contrairement à la CIM-10, souligne que le TDAH doit être classé de manière dimensionnelle [3,4]. Alors que l’hyperactivité et l’impulsivité sont marquées chez les enfants et les adolescents, elles diminuent dès l’adolescence, mais la distractibilité et les comorbidités augmentent, selon le Dr Signer [1]. Il existe des recoupements avec la dépression, les troubles schizophréniques, les troubles bipolaires, la migraine. Le DSM-5 définit pour la première fois des spécificités du TDAH à l’âge adulte : le nombre de symptômes nécessaires à partir de l’âge de 17 ans a été réduit et le handicap fonctionnel des personnes concernées est considéré comme plus pertinent [5]. Outre les symptômes de base du TDAH, des symptômes de dérégulation émotionnelle apparaissent à l’âge adulte. Il s’agit par exemple d’une faible tolérance à la frustration, d’une irritabilité et de sautes d’humeur marquées [6]. Ce groupe de symptômes a parfois des conséquences psychosociales importantes. Les personnes atteintes de TDAH acquièrent en moyenne un statut socio-économique plus faible, les relations familiales sont souvent conflictuelles et le risque de comportement délinquant est plus élevé [7,8]. Ce dernier point se reflète dans des taux de prévalence du TDAH supérieurs à la moyenne en milieu carcéral [9]. Les personnes atteintes de TDAH ont une tendance accrue aux accidents, en particulier sur la route, ce qui contribue de manière significative à une augmentation de la mortalité dans tous les groupes d’âge [10]. Chez les adultes atteints de TDAH, il convient d’accorder une attention particulière aux comorbidités psychiatriques ou somatiques éventuellement présentes. Les lignes directrices actuelles recommandent un traitement multimodal du TDAH [2]. L’hypothèse sous-jacente à la thérapie par stimulants est que les signaux dopaminergiques et noradrénergiques sont réduits dans le TDAH et qu’il est possible de compenser cela par une pharmacothérapie.
Dépistage et évaluation diagnostique
Chez les adultes présentant des signes de TDAH, l’échelle Adult ADHD Self-Report Scale (ASRS-v1.1, partie A). Les médecins de premier recours peuvent utiliser cet outil de dépistage pour limiter la probabilité de la présence d’un TDAH en répondant à 6 questions. La liste de contrôle des symptômes (ASRS-v1.1, partie B) contient 12 items supplémentaires [11]. Selon le Dr Signer, l’évaluation diagnostique par test au Psy-Bern est généralement effectuée par des psychologues [1]. Le modèle de prescription qui sera en vigueur à partir du 1.7.2022 est actuellement déterminant pour l’attribution du dépistage du TDAH ou de la psychothérapie [12]. Pour les deux premières prescriptions, des lettres d’orientation du médecin de premier recours sont suffisantes. A partir de la troisième prescription, une évaluation médico-psychiatrique du rapport du psychothérapeute en charge du cas est nécessaire. Des entretiens structurés, par exemple le DIVA-5 (Diagnostic Interview for ADHD in Adult), permettent d’explorer les domaines de symptômes pertinents pour le TDAH (déficit d’attention, hyperactivité, impulsivité) [19]. Partant du principe que les symptômes du TDAH se manifestent dès les premières phases de la vie, la deuxième étape consiste à s’interroger rétrospectivement sur les difficultés rencontrées pendant l’enfance. Les résultats des tests sont considérés comme des indicateurs en psychiatrie adulte, le diagnostic étant en soi clinique, a expliqué l’orateur [1]. Une combinaison d’auto-évaluation et d’évaluation externe est recherchée. Pour les rapports destinés aux assurances sociales telles que l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie/l’assurance invalidité, il est utile de fournir, en plus du diagnostic, une estimation de la capacité fonctionnelle. Pour ce faire, le conférencier recommande l’utilisation de l’application Mini-ICF [13].
Pharmacothérapie avec stimulants
Les stimulants sont très efficaces dans le traitement du SDAA et peuvent être utilisés dans tous les groupes d’âge [1]. Les effets sont parmi les plus élevés de tous les médicaments psychiatriques, comme par exemple le lithium pour les troubles bipolaires, a rapporté le Dr Signer [1]. L’objectif premier du traitement médicamenteux est d’atténuer les symptômes clés du TDAH tels que la distractibilité, les troubles de l’attention, la désorganisation et l’impulsivité en filtrant les stimuli entrants [14]. Grâce à ces effets, les stimulants réduisent les déficits fonctionnels et les risques associés au TDAH dans la vie quotidienne. La réponse au traitement est reconnaissable au fait que les patients sont plus calmes, plus concentrés et moins distraits. Il est souhaitable d’aborder la médication de manière objective, comme dans le cas d’un défaut de vision nécessitant un ajustement de la correction des lunettes. Il existe des médicaments à libération rapide, retardée ou combinée (tableau 1) [1, 15].
Les options de première ligne pour le traitement du TDAH chez l’adulte sont remboursées :
- Concerta® (substance active : méthylphénidate)
- Medikinet MR® (substance active : méthylphénidate)
- Focalin XR® (substance active : dexméthylphénidate).
Également en première ligne, mais uniquement utilisable hors étiquette chez les adultes (c’est-à-dire non remboursé) :
- Ritaline® (substance active : méthylphénidate)
Admis par les caisses, mais utilisable uniquement comme option de seconde ligne :
- Elvanse® (lis-dexamfétamine)
La particularité d’Elvanse® est sa fonction promédicament [14]. Ce n’est que par le clivage de la L-lysine que la prodrogue pharmacologiquement inactive devient la substance active D-amphétamine. Cela devrait améliorer la linéarité de la pharmacocinétique et, par conséquent, la tolérance.
Le profil d’effets secondaires des psychostimulants est généralement bon. Au début, on observe parfois une diminution de l’appétit, une pression sur la tête et des troubles du sommeil, et des effets de rebond (c’est-à-dire que des symptômes tels que la fatigue, la nervosité et les palpitations cardiaques apparaissent lorsque l’effet diminue après 3-4 heures). Un contrôle de routine des paramètres de laboratoire ne serait pas nécessaire dans le cadre du diagnostic du TDAH [16]. Au Psy-Bern, la tension artérielle/le pouls et le poids sont contrôlés de manière routinière, la réalisation d’un ECG dépend de l’anamnèse. Les stimulants présentent généralement peu d’interactions pertinentes et s’associent généralement bien avec d’autres médicaments, par exemple les alpha-2 agonistes (clonidine), les antidépresseurs, les neuroleptiques, les stabilisateurs d’humeur (lithium), la mélatonine. Afin de vérifier le potentiel d’interaction, le site web www.mediq.ch est utile. Ces dernières années, des pénuries occasionnelles de certains médicaments ont été observées. Des informations actualisées à ce sujet peuvent être consultées sur le site suivant : www.drugshortage.ch.
En résumé, il s’agit de contrôler et de gérer les symptômes en apprenant des stratégies d’adaptation. Fournir aux patients un modèle explicatif des symptômes du TDAH afin qu’ils comprennent mieux l’origine et la persistance du trouble [1]. |
Psychothérapie et coaching
Les objectifs thérapeutiques importants sont une bonne structure quotidienne, un choix professionnel adéquat et un environnement social stable. En ce qui concerne les méthodes de psychothérapie, les approches cognitivo-comportementales telles que la pleine conscience et l’engagement sont celles qui présentent le plus de preuves. La thérapie comportementale dialectique s’est révélée particulièrement utile pour les patients émotionnellement instables. La psychothérapie et le coaching doivent être considérés comme des composantes synergiques du traitement. En raison de leur tendance à arriver en retard à leurs rendez-vous, il est conseillé d’envoyer un rappel par sms aux patients/clients. Lorsque l’on s’occupe de patients TDAH, il faut gérer le présent, structurer, féliciter et reconnaître. “Acceptez les déficits”, a conseillé le Dr Signer [1]. Les patients atteints de TDAH sont souvent traumatisés parce qu’ils n’ont pas pu répondre aux attentes. Ce qu’il ne faut pas faire : faire la morale, critiquer, envoyer des messages, avoir des attentes irréalisables, s’énerver. Il s’agit d’activer les ressources, de renforcer l’efficacité personnelle. Idéalement, les personnes concernées devraient apprendre à gérer leurs symptômes de manière constructive au quotidien, des exercices de relaxation et du sport peuvent éventuellement être utiles. Les impulsions doivent être réprimées et l’attention canalisée. La gestion des situations conflictuelles est un thème récurrent, les patients sont accompagnés d’un sentiment de différence et ont souvent une estime de soi diminuée. Les mesures répressives peuvent avoir un effet contre-productif, car elles heurtent le sens de la justice des patients TDAH.
Congrès: Praxis Update Bern
Littérature :
- “ADHS Therapie für Erwachsene ab 18. Praktische Aspekte und Vorgehen”, Dr. med. Markus Signer, PraxisUpdateBern, 21.3.2024.
- “S3-Leitlinie ADHS bei Kindern, Jugendlichen und Erwachsenen”, mise à jour : 02.05.2017, https://register.awmf.org/de/leitlinien/detail/028-045,(dernière consultation 25.04.2024)
- CIM-10 Classification internationale des maladies, 10e révision, www.icd-code.de, (dernière consultation 25.04.2024)
- CIM-11 Classification internationale des maladies, 11e révision, https://icd.who.int/en,(dernière consultation 25.04.2024)
- Banaschewski T, Döpfner M : DSM-5 -Troubles du déficit de l’attention/hyperactivité [DMS-5 – attention-deficit/hyperactivity disorder]. Z Kinder Jugendpsychiatr Psychother 2014 Jul ; 42(4) : 271-275 ; quiz 276-277.
- Shaw P, et al : Emotion dysregulation in attention deficit hyperactivity disorder. Am J Psychiatry 2014 ; 171 : 276-293.
- Erskine HE, et al : Long-term outcomes of attention-deficit/hyperactivity disorder and conduct disorder : a systematic review and meta-analysis. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2016 ; 55 : 841-850.
- Danckaerts M, et al : The quality of life of children with attention deficit/hyperactivity disorder : a systematic review. Eur Child Adolesc Psychiatry 2010 ; 19 : 83-105.
- Retz W, et al. : Caractérisation psychométrique et psychopathologique de jeunes détenus mâles avec et sans trouble du déficit de l’attention/hyperactivité. Archives européennes de psychiatrie et de neurosciences cliniques 2004 ; 254(4) : 201-208.
- Faraone SV, et al : Trouble de l’attention-déficit/hyperactivité. Nat Rev Dis Primers 2015 ; 1 : 15020.
- Adult ADHD Self-Report Scale, https://psydix.org/psychologische-testverfahren/asrs-v1.1,(dernière consultation 25.04.2024).
- Kieser U, et al. : Du modèle de délégation au modèle d’injonction. 2022 ; retrieved 15.3.2024 from www.fmh.ch/dienstleistungen/recht/anordnung-psychotherapie.cfm,(dernière consultation 25.04.2024).
- Linden M, et al. : Mini-ICF-APP-S. Un questionnaire d’auto-évaluation de 13 aptitudes psychologiques analogue à la notation externe Mini-ICF-APP. 2018 ; Retrieved 13.3.2024 from www.researchgate.net, (dernière consultation 25.04.2024).
- Pratique de la médecine de l’addiction en Suisse, www.praxis-suchtmedizin.ch/index.php/de/medikamente/methylphenidat/dosierung-methylphenidat,(dernière consultation 25.04.2024).
- Swissmedic: Arzneimittelinformation,
www.swissmedicinfo.ch,(dernière consultation 25.04.2024). - Müller TJ : ADHS im Erwachsenenalter – Ein Update zu den Behandlungssempfehlungen (TDAH à l’âge adulte – Mise à jour des recommandations de traitement) – Conférence à la clinique privée de Meiringen, Université de Berne. 2022 ; En manuscrit.
- Imboden C : Dispositions antidopage : A quoi faut-il faire attention en cas d’autorisation exceptionnelle ? Nouvelles de la SSPP, 23/4-2023.
- swiss sport integrity, www.sportintegrity.ch/anti-doping/medizin/ausnahmebewilligung-atz/erlaubte-alternativen,(dernière consultation 25.04.2024).
- DIVA-Foundation : Interview diagnostique pour le TDAH chez l’adulte (DIVA). 2010 ; www.yumpu.com/de/document/read/51518604/diagnostisches-interview-fur-adhs-bei-diva-foundation,(dernière consultation 25.04.2024).
HAUSARZT PRAXIS 2024 ; 19(5) : 30-32 (publié le 25.5.24, ahead of print)