Un homme de 53 ans souffre depuis plusieurs années de problèmes respiratoires qui s’aggravent lentement et qui vont de la toux à l’essoufflement en passant par une sensation d’oppression dans la poitrine. Alors qu’ils ne se manifestaient initialement qu’après un effort physique intense, ils apparaissent désormais même après un effort minime. A cela s’ajoutent une fatigue et une lassitude générales croissantes. Ses médecins découvrent l’énigme en lui demandant quels sont ses hobbies personnels : l’homme est éleveur de pigeons.
L’examen médical des poumons révèle des crépitements et des grincements de fibrose, et le radiologue décrit un infiltrat réticulonodulaire, des signes de fibrose et d’emphysème ainsi qu’une bronchectasie au scanner pulmonaire haute résolution. La spirométrie révèle principalement des signes de troubles ventilatoires restrictifs avec une VCIN abaissée, la capacité de transfert T-CO est modérément abaissée à 55%. Le patient présente une lymphocytose de 65% avec un quotient CD4/CD8 de 2,3, les IgG spécifiques aux protéines de pigeon (sérum, plumes, excréments) sont mesurées à 71 mg/l. Le patient est ensuite transféré à l’hôpital pour y subir une intervention chirurgicale. Un prick-test avec des plumes de pigeon se révèle positif. Les praticiens diagnostiquent une alvéolite exogène allergique (AAE) chronique fibrosante due à des allergènes de pigeon, appelée poumon de colombophile.
Axel Trautmann, Universitätsklinikum Würzburg (D), et Prof. Jörg Kleine-Tebbe, Allergie- und Asthma-Zentrum Westend, Berlin (D) [1]. Sur le plan thérapeutique, le colombophile peut envisager un glucocorticoïde oral à long terme, éventuellement associé à un immunosuppresseur économe en stéroïdes. L’efficacité d’un traitement antifibrotique par nintédanib ou pirfénidone n’est pas encore prouvée par des données d’études pour l’EAA fibrotique chronique, contrairement à la fibrose pulmonaire idiopathique.
Symptômes et diagnostic
Comme la maladie n’était initialement observée que dans le cadre d’une activité agricole, l’EAA était initialement appelée poumon de fermier. En effet, les agriculteurs constituent encore aujourd’hui un groupe à risque (prévalence de 2,5% contre 0,003% pour la population générale), mais les personnes travaillant dans des locaux entièrement climatisés (poumon d’humidificateur) ou, comme décrit précédemment, les propriétaires d’oiseaux (poumon d’éleveur) sont également plus touchés.
L’EAA peut être causée par une réaction immunitaire médiée par les IgG (type III) et les lymphocytes T (type IV) contre des composants de bactéries ou de moisissures, des poussières organiques (protéines animales ou végétales) ou encore certains produits chimiques réactifs. Le spectre clinique de l’EAA comprend à la fois une maladie aiguë, semblable à la grippe, et des symptômes chroniques, semblables à ceux de la BPCO, qui sont la conséquence d’une réaction inflammatoire granulomateuse et fibrotique des poumons.
La phase aiguë de l’EAA est nettement moins fréquente, la plupart des patients souffrant d’une forme d’évolution chronique. (Tab. 1). Le problème est que si le diagnostic est précoce et que l’allergène en cause est strictement évité, le pronostic de l’EAA est bon à très bon – mais s’il devient chronique (ce qui peut s’accompagner d’une fibrose pulmonaire progressive), le pronostic est nettement moins bon. L’EAA fibrotique chronique a tendance à s’aggraver progressivement avec des symptômes semblables à ceux de la BPCO, écrivent les auteurs. Dans le scanner, on remarque par exemple le dessin réticulaire et la structure en nid d’abeille.
Il n’existe pas de résultat probant unique pour l’EAA, et il est souvent difficile de distinguer l’EAA chronique d’une forme différente de fibrose pulmonaire. L’élément le plus important du diagnostic est donc la question ciblée sur l’activité professionnelle et certaines conditions de vie qui pourraient indiquer une source typique d’allergènes : entre autres l’agriculture, la manipulation d’animaux, l’industrie de l’imprimerie avec humidification de l’air, la transformation des aliments, le travail du bois, les conditions d’habitation (climatisation, présence de moisissures). Il en résulte généralement un premier élément de suspicion. Les autres éléments constitutifs du diagnostic sont le scanner pulmonaire, la fonction pulmonaire avec capacité de diffusion et le lavage broncho-alvéolaire (sensibilité >90%).
Nouvelle publication La 4e édition du volume “Allergologie in Klinik und Praxis. Allergènes – Diagnostic – Thérapie”, paru aux éditions Thieme. Les 41 chapitres donnent d’abord des aperçus (“Le système immunitaire”, “Détermination des IgE dans le sérum”), avant que les auteurs ne présentent des pathologies individuelles, de l’asthme à l’urticaire et des allergies alimentaires/de contact aux réactions aux médicaments et aux vaccins. Les chapitres individuels sont divisés en sections sur les symptômes, le diagnostic et le traitement, et des cas cliniques donnent un aperçu de la pratique quotidienne. Trautmann A, Kleine-Tebbe J, éd. : Allergologie en clinique et en pratique. 4ème édition entièrement revue et corrigée. Stuttgart : Thieme ; 2022. |
Thérapie
La mesure la plus importante et la plus efficace pour traiter l’EAA est de réduire l’exposition de l’air respiré à l’allergène ou, idéalement, d’éviter complètement l’allergène. Selon les auteurs, l’expérience empirique du traitement par glucocorticoïdes provient des deux formes les plus courantes, le poumon du fermier et le poumon du colombophile, mais il n’existe pas d’études contrôlées à ce sujet.
Le traitement médicamenteux dépend de la forme clinique de l’EAA : pour la forme aiguë, une approche immunomodulatrice est le premier choix, pour l’EAA fibrotique chronique, le traitement antifibrotique est de plus en plus mis en avant.
- EAA inflammatoire aiguë : 40-60 mg PÄ*/jour pendant 1 à 2 semaines, puis diminution progressive de la dose pendant 4 à 6 semaines supplémentaires.
- EAA fibrotique chronique : 40-60 mg PÄ*/jour pendant 4 semaines, diminution lente de la dose sur 3 mois, dose d’entretien (généralement 10-30 mg/jour) pendant 2 mois supplémentaires. Si l’examen de contrôle à 6 mois suggère une amélioration, le traitement peut être poursuivi à environ 10 mg/jour, éventuellement associé à un immunosuppresseur classique (azathioprine, mycophénolate).
En cas de fibrose pulmonaire avancée avec hypoxémie, les médecins conseillent une oxygénation permanente ; en dernier recours, il reste la transplantation pulmonaire.
* Équivalent prednisone/prednisolone
Littérature :
- Trautmann A, Kleine-Tebbe J : Alvéolite allergique exogène. In : Trautmann A, Kleine-Tebbe J, éd. : Allergologie in Klinik und Praxis. 4ème édition entièrement revue et corrigée. Stuttgart : Thieme ; 2022 ; doi : 10.1055/b000000469.
InFo PNEUMOLOGIE & ALLERGOLOGIE 2022 ; 4(3) : 28-29