L’accident vasculaire cérébral est la principale cause d’invalidité à long terme. La population n’est pas encore suffisamment informée. Le pronostic des patients victimes d’un accident vasculaire cérébral peut être nettement amélioré par une prise en charge et une évaluation interdisciplinaires spécialisées à chaque niveau. Une stroke unit est une unité de traitement spécialisée d’un hôpital pour les patients victimes d’un accident vasculaire cérébral, quel que soit leur âge ou leur degré de gravité. Un stroke center comprend une stroke unit et y ajoute des services spécifiques de neuroradiologie structurelle et de neurochirurgie. Les patients traités dans des Stroke Centers et/ou des Stroke Units ont une probabilité significativement plus élevée de survivre, de retrouver leur autonomie et d’être hospitalisés moins longtemps. Dans la plupart des régions disposant de Stroke Centers et/ou de Stroke Units certifiés, une nette amélioration de la structure des soins a pu être observée jusqu’à présent.
Selon l’OMS, l’attaque cérébrale est la deuxième cause de mortalité dans le monde à partir de 60 ans – la troisième dans les pays industrialisés – et la cinquième cause de mortalité entre 15 et 59 ans. Actuellement, environ 15 millions de personnes sont victimes d’un accident vasculaire cérébral chaque année dans le monde. Trois millions de femmes et deux millions et demi d’hommes en meurent. Selon l’Office fédéral de la statistique, 14 178 attaques cérébrales se sont produites en Suisse en 2014. 51,6% des personnes concernées étaient des hommes. 2715 en sont morts. Sans traitement optimal, jusqu’à un patient sur deux reste significativement handicapé. L’attaque cérébrale et ses conséquences représentent une charge importante pour les personnes concernées et leurs proches, mais aussi pour le système de santé et l’économie nationale. Le traitement aigu d’un patient victime d’une attaque cérébrale coûte des dizaines de milliers de francs suisses. Si un patient reste handicapé, les frais de soins et la perte de revenus peuvent s’élever à des centaines de milliers de francs suisses par patient.
85% des AVC sont des infarctus cérébraux ischémiques (vaisseau cérébral obstrué), 10% sont des hémorragies cérébrales (rupture d’un vaisseau cérébral) et 5% sont des hémorragies sous-arachnoïdiennes (dues dans deux tiers des cas à une rupture d’anévrisme) [1,2].
Éducation de la population
Il est essentiel d’informer la population sur la manière de reconnaître une attaque cérébrale et sur la nécessité de donner immédiatement l’alerte en appelant le 144. En cas de suspicion d’attaque cérébrale, il n’y a pas de temps à perdre. En fonction de la circulation collatérale, plusieurs dizaines de milliers de neurones et plusieurs millions de synapses sont détruits chaque seconde lors d’une attaque cérébrale ischémique [3].
Environ 40% de la population suisse ne connaît pas les symptômes de l’attaque cérébrale. 35% attendraient en cas de symptômes d’attaque cérébrale, 64% contacteraient le numéro d’urgence 144 et 35% ne connaissent même pas le numéro 144 [4].
Soins aigus aux patients victimes d’un accident vasculaire cérébral
Les patients victimes d’un AVC aigu doivent être transférés le plus rapidement possible en ambulance ou par hélicoptère vers un Stroke Center ou une Stroke Unit. Les patients traités dans des centres spécialisés (Stroke Centers et/ou Stroke Units) ont une probabilité significativement plus élevée de survivre, de retrouver leur autonomie et d’être hospitalisés moins longtemps [5–7].
Le traitement aigu a pour objectif de soutenir les fonctions vitales telles que la circulation et la respiration et d’éviter la situation de danger vital immédiat. Immédiatement après l’évaluation clinique, une imagerie cérébrale et vasculaire par ordinateur et/ou par résonance magnétique est réalisée. La procédure de traitement est décidée de manière interdisciplinaire sur la base de l’anamnèse, de la clinique et des diagnostics complémentaires, mais surtout de l’imagerie (fig. 1) [8].
Thrombolyse intraveineuse et méthodes endovasculaires
Un vaisseau cérébral obstrué peut être rapidement rouvert et la circulation cérébrale rétablie par thrombolyse intraveineuse et/ou par des méthodes endovasculaires. Nous disposons donc de méthodes de traitement très efficaces de l’accident vasculaire cérébral ischémique. Une thrombolyse intraveineuse avec un activateur tissulaire du plasminogène recombinant (rt-PA, 0,9 mg/kg de poids corporel, 10% de la dose totale en bolus intraveineux) peut être administrée dans les quatre premières heures et demie suivant le début des symptômes. Le Number Needed to Treat (NNT) pour un résultat de traitement fonctionnellement favorable augmente de 4,5 à 14,1, en fonction de la latence du début du traitement de <90 minutes à quatre heures et demie après le début des symptômes. En cas d’occlusion de gros vaisseaux dans la zone de flux antérieure, les méthodes endovasculaires (fenêtre de temps : médicamenteuse six heures, mécanique variable, en partie jusqu’à douze heures, rarement plus, en fonction des tissus encore à sauver dans l’imagerie multimodale et des résultats cliniques) sont clairement supérieures à la thrombolyse intraveineuse seule. Plusieurs essais contrôlés randomisés ont pu le démontrer clairement à partir du printemps 2015 [8].
Traitement dans les Stroke Centers et les Stroke Units
Une stroke unit est une unité de traitement spécialisée d’un hôpital pour les patients victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC) de tout âge et de toute gravité. Des spécialistes compétents en matière neurovasculaire dirigent une équipe multidisciplinaire composée d’infirmiers et de thérapeutes spécialement formés (kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes) ainsi que d’assistants sociaux. Une stroke unit organisée spatialement est supérieure à une stroke unit fonctionnelle (c’est-à-dire un traitement des patients victimes d’AVC dans différents services de l’hôpital par une équipe de spécialistes de l’AVC) [9]. Celle-ci dispose de places de traitement monitorées et non monitorées.
Un stroke center comprend une stroke unit et y ajoute des services spécifiques de neuroradiologie structurelle et de neurochirurgie. L’accent est mis sur le traitement endovasculaire aigu de l’attaque cérébrale, la recanalisation des artères carotides, l’exclusion d’un anévrisme hémorragique et la craniectomie décompressive.
La mission de la stroke unit comprend des étapes d’orientation définies dans la phase préhospitalière, des mesures immédiates à l’entrée à l’hôpital, une surveillance rapide de plusieurs heures/jours des déficits neurologiques, de la respiration, de la fonction cardiaque/circulatoire, de l’équilibre électrolytique/liquide, du métabolisme, de la température corporelle et, le cas échéant, la détection et le traitement précoces des aggravations cliniques secondaires ou de la perte de connaissance. Complications. On procède rapidement à une évaluation, à un traitement de l’étiologie et à une prévention secondaire. Ces mesures sont essentielles pour prévenir au mieux les événements vasculaires suivants. La mobilisation du patient en fonction de son niveau, l’éducation détaillée du patient et de ses proches, le suivi psychosocial et le début précoce des mesures de rééducation par des thérapeutes et des soignants spécialisés jouent également un rôle important. La durée moyenne de séjour à l’unité d’urgence est de trois à cinq jours [5,10,11].
Certification des Stroke Centers et des Stroke Units en Suisse
En 2012, la Swiss Federation of Clinical Neuro-Sciences (SFCNS) a reçu de l’organe de décision de la Convention intercantonale relative à la médecine hautement spécialisée (CIMHS) de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) le mandat de certifier les Stroke Centers et les Stroke Units, avec pour objectif principal de créer les conditions d’une prise en charge de haute qualité des patients victimes d’attaques cérébrales sur l’ensemble du territoire.
Ces dernières années, un groupe de travail de la Société suisse d’attaque cérébrale (SHG) a élaboré des directives techniques pour les Stroke Centers et les Stroke Units. Ils ont été soutenus par la Société suisse de neurologie, la Société suisse de neuroradiologie, la Société suisse de neuroréhabilitation, la Société suisse de neurochirurgie, la Société suisse de neurophysiologie clinique, la SFCNS ainsi que la Société suisse de médecine intensive et ont pris en compte les suggestions de la Société suisse de médecine interne générale.
La commission de l’AVC de la SFCNS a alors élaboré le profil d’exigences, c’est-à-dire les directives de certification des Stroke Centers et des Stroke Units, sur la base des directives développées par le groupe de travail de la SHG et en s’appuyant sur les directives de l’European Stroke Organisation (ESO). L’objectif principal est d’assurer la qualité de la prise en charge des patients victimes d’un AVC, en se basant sur les compétences professionnelles, l’infrastructure, la mise en réseau des prestataires de soins, l’organisation de la chaîne de sauvetage ainsi que le déroulement du traitement et la surveillance. En complément, la mise en place du registre suisse des accidents vasculaires cérébraux (Swiss Stroke Registry) a été lancée, qui sert à identifier les lacunes en matière de soins et à contrôler la qualité. En outre, la commission de l’AVC de la SFCNS a été chargée de promouvoir la coordination dans le domaine de la formation postgraduée et continue ainsi que de la recherche.
Il existe actuellement en Suisse 10 Stroke Centers établis et 14 Stroke Units certifiées. (Fig. 2). Dans la plupart des régions disposant de Stroke Centers et/ou de Stroke Units certifiés, une nette amélioration de la structure des soins a pu être observée jusqu’à présent. Des informations détaillées sont disponibles sur www.sfcns.ch [5,10–12].
Mise en réseau
La commission de l’AVC de la SFCNS et la SHG recommandent que les Stroke Centers et les Stroke Units forment des réseaux régionaux de prise en charge de l’AVC en concertation mutuelle. Les médecins de premier recours, les médecins urgentistes, les services de secours, les hôpitaux régionaux et les cliniques de rééducation sont impliqués dans ce processus. La téléradiologie et la télémédecine offrent la possibilité de relier étroitement des régions géographiquement isolées à un Stroke Center et/ou à une Stroke Unit et de leur fournir des soins optimaux. Actuellement, cette mise en réseau est plus ou moins avancée selon les régions [5].
Conclusion
L’attaque cérébrale est l’un des plus grands problèmes de santé dans le monde et en Suisse. La population n’est pas encore suffisamment informée sur la manière de reconnaître les symptômes de l’attaque cérébrale et sur la façon d’agir en tant que personne touchée ou dans son entourage. Le pronostic des patients victimes d’un AVC peut être nettement amélioré par une prise en charge et une évaluation interdisciplinaires adaptées à chaque niveau. Les patients traités dans des centres spécialisés (Stroke Centers et/ou Stroke Units) ont une probabilité significativement plus élevée de survivre, de retrouver leur autonomie et d’être hospitalisés moins longtemps. Le traitement aigu, la structure de soins des patients victimes d’un accident vasculaire cérébral a évolué rapidement ces dernières années. D’autres optimisations seront recherchées dans les années à venir.
Disclosure : Les auteurs ayant écrit ces dernières années divers articles de synthèse sur le thème de l’évaluation et du traitement des patients victimes d’un AVC, certains chevauchements de contenu et de style sont inévitables.
Littérature :
- Organisation mondiale de la santé : fardeau mondial de la crise cardiaque. Décès par accident. www.who.int/cardiovascular_diseases/resources/atlas/en/
- Office fédéral de la statistique : Santé. Statistiques de poche 2016. www.bfs.admin.ch/bfs/de/home/statistiken/gesundheit.html
- Saver JL : Time is brain – quantified. Accident vasculaire cérébral 2006 ; 37 : 263-266.
- LINK Institut Bern : Méthode : LINK Day To Day Omnibus (enquête téléphonique). Phase d’enquête : du 7 au 12 mars 2016. Population cible : 1213 personnes âgées de 15 à 79 ans en Suisse alémanique, en Suisse romande et au Tessin. 2016.
- Arnold M, Sarikaya H, Mono ML : Prise en charge de l’attaque cérébrale en Suisse : où en sommes-nous aujourd’hui ? Cardiovasc 2014 ; 13(5) : 18-20.
- Stroke Unit Trialists’ Collaboration : Organised inpatient (stroke unit) care for stroke (Cochrane Review). The Cochrane Library 2009 ; 1. Oxford : Update Software.
- Sun Y, et al : A systematic review and meta-analysis of acute stroke unit care : What’s beyond the statistical significance ? BMC Med Res Methodol 2013 ; 13 : 132.
- Heldner MR, Jung S, Fischer U : Examen et traitement de l’attaque cérébrale. Primary & Hospital Care 2016 ; 16 : 214-217.
- Fuentes B, Diez-Tejedor E : Unités d’AVC : beaucoup de questions, quelques réponses. Int J Stroke 2009 ; 4 : 28-37.
- Société suisse d’oncologie cérébrale : Stroke Units et Stroke Centers en Suisse : directives et profil d’exigences. Forum Med Suisse 2012 ; 12 : 918-922.
- Bassetti C, Arnold M, von Below G : Certification des Stroke Centers et des Stroke Units en Suisse. Bulletin des médecins suisses 2012 ; 93 : 19.
- Bassetti C, et al : Une alliance forte entre les neurodisciplines cliniques. Bulletin des médecins suisses 2013 ; 94 : 23.
CARDIOVASC 2017 ; 16(2) : 15-19