L’objectif principal de la neuroréhabilitation est de parvenir à une participation adaptée par l’entraînement aux activités. La collaboration interdisciplinaire de tous les groupes de traitement permet d’adapter en permanence des objectifs thérapeutiques réalistes. Les facteurs personnels et l’environnement jouent un rôle crucial dans la réussite du traitement. Les études cliniques et les nouveaux développements contribuent à la neuroréhabilitation fondée sur des preuves.
Tout comme le traitement de l’attaque cérébrale aiguë, la rééducation de l’attaque cérébrale a fait des progrès remarquables au cours des dernières années. Les processus d’adaptation et la structure du cerveau en tant que réseau sont de mieux en mieux compris grâce à des études d’imagerie [1,2] et à la stimulation cérébrale non invasive [3–5], de sorte que des stratégies de traitement spécifiques peuvent tenir compte de l’évolution naturelle de l’adaptation et l’influencer (Fig. 1).
Des objectifs de participation réalistes et mesurables
La rééducation après un AVC s’intègre dans un concept global dont l’objectif est de permettre au patient de participer aux activités sociales de la manière la plus optimale et la plus adaptée à sa fonction (selon la Classification internationale du fonctionnement [ICF] de l’OMS) (Fig. 2) [6].
Les fonctions les plus importantes ont également été définies pour l’attaque cérébrale (tableau 1) [7]. Un accident vasculaire cérébral est un événement marquant qui déstabilise souvent le patient et ses proches. Par conséquent, l’environnement social et la personnalité sont des facteurs déterminants pour la motivation, qui contribue considérablement à l’amélioration et à l’adaptation.
Le cœur de la rééducation neurologique est la définition d’objectifs de participation réalistes et mesurables, qui peuvent être atteints par l’entraînement des fonctions et des activités. Au début de la rééducation, une évaluation est réalisée avec tous les praticiens concernés, ce qui permet de fixer des objectifs interdisciplinaires réalistes. Au cours de la rééducation, ces objectifs sont constamment ajustés avec le patient.
Au moins trois heures de thérapie par jour
Les expériences des groupes de traitement impliqués et les résultats des études cliniques sont fondamentaux à cet égard [8]. Les dernières recommandations thérapeutiques de l’American Heart Association/American Stroke Association ont été présentées en 2016. Elles indiquent les niveaux de preuve pour les thérapies respectives et sont intégrées dans la rééducation basée sur les preuves [9].
Des études ont pu montrer que la rééducation interdisciplinaire par des orthophonistes, des physiothérapeutes et des ergothérapeutes devrait commencer dès l’hôpital de soins aigus, dans l’unité pour AVC, la mobilisation n’étant recommandée qu’après un jour [10]. La rééducation doit être intensive et comprendre au moins trois heures de thérapie par jour. L’âge, la cognition, la fonction (par ex. rééducation plus difficile en cas de négligence), l’incontinence, mais aussi l’étiologie (hémorragie versus ischémie) et la localisation (troubles du côté gauche versus droit) jouent un rôle important dans la durée et le potentiel de récupération. Alors qu’un cerveau juvénile permet encore de très nombreuses modifications plastiques, ce potentiel diminue au cours de la vie. Il est possible d’obtenir des modifications plastiques à tout âge, mais cela nécessite beaucoup de pratique et l’aide de praticiens formés à cet effet. Les principales tâches du médecin sont, outre la définition des objectifs et la coordination des thérapies, la prévention et le traitement des complications. Les besoins en neuroréhabilitation en milieu hospitalier sont plus importants, en particulier chez les patients âgés, en cas de troubles de la mémoire, de mauvaise fonction et d’incontinence. Une négligence ou un trouble de la marche augmentent également les besoins de rééducation.
Indice de Barthel et FIM
L’évaluation commence par un examen neurologique. Dans les unités de soins intensifs, on utilise généralement le score d’accident vasculaire cérébral standardisé du National Institute of Health (NIHSS). Celui-ci est remplacé en rééducation par des évaluations qui portent sur les activités et la participation (activités de la vie quotidienne, ADL). L’indice de Barthel et la FIM (Functional Independence Measure) sont appropriés à cet effet, car ils sont également en corrélation avec l’évolution et les soins ultérieurs [11]. A cela s’ajoutent des méthodes de mesure spécifiques liées aux fonctions concernées, telles que la motricité, la cognition et les émotions. Ils sont utilisés par les thérapeutes impliqués dans la thérapie multimodale (soins infirmiers, kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie et neuropsychologie).
Les patients dont la force musculaire est faible et dont l’équilibre est perturbé, ainsi que les patients qui prennent beaucoup de médicaments, sont plus enclins à faire des chutes. Un entraînement à l’équilibre est donc recommandé pendant et après l’hospitalisation. Les effets de l’humeur et de la cognition sont très importants pour le processus de réadaptation. En outre, des antidépresseurs peuvent être utilisés dans ce cas. Mais surtout, l’activité physique pendant la neuroréhabilitation a un effet antidépresseur. Des études récentes constatent un effet positif sur les résultats et le traitement lorsque des informations adaptées au patient sont données sur la maladie. C’est pourquoi l’éducation des patients prend de plus en plus d’importance.
Autres recommandations thérapeutiques
D’autres mesures importantes sont la prophylaxie du décubitus et le traitement spécifique de la spasticité et des contractures (orthèses, toxine botulique et étirement). Pour les patients immobiles, la prophylaxie de la thrombose est importante et doit être poursuivie pour la période initiale d’immobilité (même en cas d’hémorragie cérébrale) jusqu’à ce qu’une certaine mobilité soit atteinte. La compression élastique pour la prophylaxie de la thrombose n’est pas recommandée en raison des complications cutanées [12]. La fonction vésicale peut être perturbée, en particulier chez les patients âgés ou souffrant de troubles cognitifs, et doit faire l’objet d’un diagnostic et d’un traitement adéquat (rééducation du plancher pelvien et médication). Les troubles urinaires sont corrélés à la mortalité et au besoin de soins à domicile [13]. Une sonde vésicale doit, dans la mesure du possible, être retirée au bout de 24 heures. Des stratégies de traitement sont également disponibles pour le syndrome épaule-bras du côté parétique et les douleurs centrales qui surviennent rarement. Par exemple, le syndrome de l’épaule et du bras peut déjà être évité et traité en prenant quelques précautions (par exemple en appuyant sur le bras).
Amélioration de la thérapie grâce aux progrès techniques
Les déficiences entraînant des complications médicales, telles que la dysphagie, peuvent être mieux diagnostiquées et traitées en conséquence. Les progrès techniques améliorent les traitements et les études cliniques permettent d’évaluer objectivement l’efficacité des différentes procédures. Pour chaque patient, les objectifs thérapeutiques permettent de définir un programme thérapeutique individuel qui doit prendre en compte les fonctions les plus importantes.
Dysphagie : elle touche environ la moitié des patients et peut entraîner une pneumonie et une malnutrition. C’est pourquoi elle doit être détectée très tôt dans le service d’AVC. Si le risque ne peut pas être clairement évalué, un examen de la déglutition par fibroscopie (FEES) peut être réalisé. La mise en place d’une sonde gastrique et d’une gastrostomie endoscopique percutanée (PEG) peut être nécessaire au cours de l’évolution afin de réduire le risque d’aspiration [14].
Atteintes cognitives, troubles de l’attention, troubles visuels unilatéraux, restrictions de communication : Ces facteurs peuvent influencer la participation du patient. L’AVC doublant la probabilité de survenue d’une démence (notamment vasculaire), la rééducation cognitive revêt une grande importance. Des innovations techniques telles qu’un pager ont déjà été étudiées avec succès. L’activité physique peut améliorer la fatigue et l’endurance par rapport à la thérapie cognitive seule, en particulier grâce à une meilleure circulation sanguine et à des effets sur l’humeur [15]. La technique d’entraînement cognitif dépend de la sévérité de l’atteinte. Si l’atteinte est faible, des techniques internes (imagination) peuvent être utilisées. Il s’est avéré que, là encore, une stratégie en face à face était supérieure aux procédures assistées par ordinateur.
Les troubles de la communication : On distingue ici principalement les troubles de la parole et du langage (aphasie et dysarthrie). L’objectif du traitement est d’améliorer la capacité à participer à l’interaction linguistique, ce qui peut inclure, le cas échéant, l’apprentissage de stratégies de communication alternatives ou l’utilisation d’outils de communication électroniques. Dans le cas de l’aphasie, il a été démontré qu’une thérapie très précoce, c’est-à-dire commencée après trois jours, est déjà utile. Mais même une thérapie après six mois peut encore être efficace. Sur la base des études cliniques, il est recommandé de suivre un traitement intensif pendant la période la plus longue possible. Dans le cadre du traitement, il est également courant d’utiliser des programmes de thérapie assistée par ordinateur. Il a également été démontré que la formation du partenaire de communication ou la participation à une thérapie de groupe peuvent contribuer à améliorer la situation. Les troubles de la parole (dysarthrie) affectent la respiration, la voix et les mouvements articulatoires. La thérapie est axée sur les déficits respectifs : L’étendue des troubles doit être réduite et la participation aux interactions quotidiennes facilitée. Selon la gravité de la dysarthrie, des aides à la communication alternatives au langage oral peuvent être utilisées.
L’inattention hémiplégique (Neglect) : elle peut concerner différentes modalités (visuo-sensitives ou motrices), est souvent remarquable dès le contact et se manifeste généralement du côté gauche. Elle peut être distinguée du déficit du champ visuel et du trouble proprioceptif et traitée spécifiquement. De plus, des méthodes telles que la stimulation du cou et l’adaptation du prisme ont été étudiées avec succès [15]. L’entraînement du champ visuel (par exemple avec NovaVision®) permet de compenser les déficiences du champ visuel en entraînant l’attention vers le côté concerné. Ce trouble visuel est souvent critique pour le test d’aptitude à la conduite, qui fait également partie de la neuroréhabilitation.
Formation spécifique à la tâche
La neuroréhabilitation motrice est axée sur la plus grande mobilité et participation possible [8]. L’ergothérapie prend davantage en compte les membres supérieurs, tandis que la kinésithérapie se concentre sur la marche. Des orthèses adaptées et une bonne condition physique peuvent être utiles. Dans le cadre de la rééducation motrice, la thérapie adaptée dépend principalement du type et de la gravité de l’atteinte.
Différentes thérapies sont disponibles pour les membres supérieurs et inférieurs. Le principe important de l’entraînement spécifique à la tâche est la répétition d’activités stimulantes et orientées vers un objectif. Pour l’entraînement des membres supérieurs, il est possible d’utiliser en plus des procédures assistées comme le ressort ARMEO® pour obtenir un soutien à faible mouvement. La thérapie par mouvements induits contraints (CIMT) consiste à éviter l’utilisation compensatoire de la main saine en utilisant un gant. Au niveau des membres inférieurs, la capacité de marche permet d’évaluer si la marche libre, l’entraînement sur tapis roulant, le Lokomat®, l’ERIGO® ou le standing sont déjà utilisés (échelonnés selon la fonction) [17]. Au niveau des membres supérieurs et inférieurs, la spasticité souvent gênante peut être traitée par des étirements, mais aussi par des injections de toxine botulique. Le cas échéant, des plâtres en série du pied permettent parfois de retrouver la capacité de marcher. Les orthèses telles qu’une attelle releveur de pied (ou “foot-up”) ou une attelle dorsale peuvent améliorer la sécurité de la marche. Les programmes d’entraînement basés sur des jeux informatiques et adaptés à l’AVC (par exemple sur ARMEO® Spring, sur Lokomat® ou sur Mindmaze®) sont de nouvelles méthodes qui favorisent également la motivation.
Des progrès possibles même à long terme
Lorsqu’un patient sort de la neuroréhabilitation hospitalière, la poursuite du suivi thérapeutique et médical est cruciale, car des progrès significatifs peuvent également être réalisés à long terme pendant le traitement ambulatoire. En Suisse orientale, il existe, outre les thérapeutes libéraux, des centres de thérapie neurologique au Silberturm à Saint-Gall et au Kreuzspital à Coire. Il est possible d’y poursuivre toutes les thérapies ensemble dans un même lieu. Actuellement, les nouveaux développements techniques sont également étudiés dans le cadre d’études cliniques au sein des cliniques Valens. Cela inclut par exemple l’analyse du mouvement dans la rééducation motrice et l’effet de la stimulation par courant continu sur l’aphasie.
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