Les vertiges sont l’un des symptômes les plus fréquents dans le cabinet du médecin généraliste. L’anamnèse, les résultats des examens ainsi que les “red flags” aident à trouver les causes, souvent difficiles à identifier.
Les vertiges sont la troisième raison la plus fréquente de consultation des médecins généralistes [1,2]. Les personnes concernées peuvent rarement répondre aux questions concernant le type de vertige, par exemple : “Est-ce que le vertige est comme après un tour de manège (vertige rotatoire) ou comme sur un bateau (vertige de basculement) ? Avez-vous les yeux noirs lorsque vous vous levez (vertige orthostatique) ?” Un changement de paradigme concernant l’anamnèse et l’examen a donc été proposé [3]. Les questions susmentionnées sont remplacées par des informations anamnestiques et des examens dont la combinaison doit permettre d’obtenir des informations sur l’étiologie. L’interrogatoire détaillé concernant le début, la durée (secondes/minutes/heures/>24h/vertiges permanents), les symptômes d’accompagnement et les déclencheurs facilitent en général l’attribution. Cependant, les informations anamnestiques sont souvent insuffisantes. Ainsi, dans le passé, le vertige rotatoire a souvent été associé à des dysfonctionnements vestibulaires périphériques. Cependant, le vertige rotatoire et le nystagmus horizontal peuvent également être dus à des causes ischémiques [4]. Nous recommandons les étapes suivantes.
Anamnèse et première impression clinique
- Le patient est-il orienté et, à première vue, sans dyspnée d’élocution, sans signes de faiblesse circulatoire, sans altération de la conscience ? Les “red flags” sont des indices d’une circulation insuffisante, d’une respiration insuffisante, d’une hypoglycémie ou d’une intoxication.
- Le patient a-t-il eu un accident, une céphalée “coup de tonnerre”, une douleur entre les omoplates ou une syncope ? Existe-t-il en outre des facteurs de risque vasculaire, par ex. diabète sucré, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, antécédents familiaux positifs, consommation de tabac ? Les “red flags” sont des indices d’une hémorragie intracrânienne avec augmentation de la pression intracrânienne ou d’un accident ischémique, d’une hémorragie sous-arachnoïdienne ainsi que d’un anévrisme de l’aorte avec dissection de l’artère vertébrale.
- La migraine est-elle connue ? Des vertiges et des troubles de la vision peuvent exister dans le cadre d’une migraine vestibulaire. Les images doubles et les pertes du champ visuel indiquent toutefois une genèse centrale (“red flags”).
- Antécédents médicamenteux : la médication a-t-elle été récemment modifiée ? Les médicaments associés aux vertiges sont par exemple les antibiotiques aminoglycosides (gentamycine), les diurétiques de l’anse, les opiacés, les antiépileptiques, les immunosuppresseurs, les antidépresseurs, les neuroleptiques et les médicaments contre le VIH, les antiarythmiques, les benzodiazépines, les antihypertenseurs, les antifongiques, les antipaludéens, les antiparkinsoniens, le lithium ainsi que les médicaments utilisés pour traiter la dysfonction érectile [5,6]. Les “red flags” sont la prise continue d’antibiotiques aminoglycosides malgré un début de perte auditive et les vertiges. Dans ce cas, il faut s’attendre à une évolution chronique. De même, des interactions médicamenteuses, notamment avec des antiarythmiques, ainsi qu’une intoxication au lithium peuvent avoir des conséquences dangereuses pour le patient.
- Existe-t-il des indices anamnestiques d’une atteinte de l’oreille ? Les exemples incluent les infections des voies respiratoires supérieures, la perte d’audition, les acouphènes, les douleurs auriculaires ou les combinaisons existantes de ces symptômes (par exemple, la triade vertiges, perte d’audition et acouphènes indique la maladie de Menière). “Red flags” sont la fièvre ou la mastoïde rouge et douloureuse. Des céphalées sévères, un méningisme et des états confusionnels indiquent une cause centrale infectieuse (par ex. méningite, encéphalite) et seraient également possibles en cas d’hémorragie, par ex. hémorragie sous-arachnoïdienne.
- positions du corps, en cas de stress ou d’hyperventilation, en cas de mouvements des bras ? Combien de temps dure le vertige (secondes, minutes, jours, mois) ? Se produit-il de manière récurrente ? Un vertige qui survient immédiatement après des mouvements de la tête et qui diminue environ 30 secondes après l’adoption de la nouvelle position de la tête est un signe de vertige positionnel paroxystique bénin. “Red flags” sont des symptômes neurologiques concomitants pendant l’épisode de vertige, par exemple des troubles visuels, une parésie unilatérale, des troubles sensitifs unilatéraux, une dysarthrie ou une aphasie. Ils indiquent une diminution de la perfusion de certaines zones du cerveau et peuvent précéder un accident vasculaire cérébral.
- Existe-t-il des indices d’anémie dans l’anamnèse ou dans l’impression clinique, par exemple des selles goudronnées, une coloration pâle de la peau ? Un “red flag” est une source de saignement non détectée jusqu’à présent.
Statut et diagnostics complémentaires
Outre le relevé des signes vitaux et la réalisation d’un ECG avec la question de la présence de troubles du rythme cardiaque ou de troubles de la repolarisation, un examen clinique est nécessaire. En cas de vertiges aigus avec sensation de vertige permanente, nausées, vomissements, instabilité de la marche et intolérance aux mouvements (ce que l’on appelle le syndrome vestibulaire aigu), il est recommandé de commencer par le schéma ABCDE :
- Airway: voie respiratoire libre ?
- Breathing: Des poumons ventilés des deux côtés ? Respiration vésiculaire ?
- Circulation: pouls palpables des deux côtés ? Mesure de la pression artérielle bilatérale
- Disabilitydans le statut neurologique, y compris Anisocorie, méningisme
- Environnement: Antécédents étrangers de traumatisme.
Au point D, il convient de rechercher les indices d’un accident vasculaire cérébral. Cela peut être fait en utilisant l’échelle d’accident vasculaire cérébral pré-hospitalier de Cincinnati [7]. Il y est fait mention de la présence d’une asymétrie faciale, de l’abaissement d’un bras lors du test de maintien du bras et de la dysarthrie ou de la dyslexie. Aphasie testée. Si au moins un des trois symptômes est présent, la probabilité d’un AVC est de 72% [7]. Cela nécessiterait un traitement rapide dans un centre spécialisé.
Le test clinique le plus puissant pour détecter un AVC vestibulaire au chevet du patient est le test d’impulsion crânienne. L’examinateur tourne la tête de la personne d’un côté aussi rapidement que possible (par impulsion). Lors de cette manœuvre d’examen, le patient doit se focaliser sur les yeux ou le nez de l’examinateur. Un test d’impulsion crânienne normal sans saccade de réglage visible (chez un patient présentant des vertiges aigus et un nystagmus) indique une cause centrale (sensibilité de 85%). Une déviation verticale du regard (“skew deviation”) dans le test de couverture alternée est également indicative d’une étiologie centrale. En outre, le syndrome de Horner, le nystagmus vertical, torsionnel ou horizontal-alternatif, la vision double, les défauts du champ visuel ou les signes cérébelleux (ataxie de la station debout et de la marche) sont autant d’arguments en faveur d’un dysfonctionnement central. L’examen composé du test d’impulsion de la tête, du test de Nystagmus et du test de masquage alterné est regroupé dans la littérature sous l’acronyme HINTS [8,9].
Un autre examen clinique comprend la détermination du statut volumétrique (langue sèche, plis cutanés debout), car une hypovolémie peut être associée à des vertiges. Un souffle cardiaque à l’auscultation peut indiquer une sténose de la valve aortique, un test de Schellong pathologique un vertige orthostatique.
En cas de vertiges épisodiques déclenchés par un changement de position de la tête, la manœuvre de Dix-Hallpike doit être effectuée : Elle consiste à faire passer rapidement la tête du patient de la position droite vers la droite ou vers la gauche à la position horizontale. Après une latence d’environ 30 secondes, un nystagmus devrait apparaître en cas de dysfonctionnement vestibulaire périphérique. Lors de la recherche d’un nystagmus, les lunettes de Frenzel facilitent le diagnostic, car elles rendent impossible la mise au point sur les objets et empêchent donc les personnes concernées de supprimer le nystagmus en faisant le point. En outre, un examen otologique orienté est nécessaire (conduit auditif rouge, tympan rouge ou mastoïde douloureuse rouge et surchauffée). La mastoïdite nécessite un traitement par des spécialistes ORL.
Le tableau 1 consiste en un aperçu qui peut fournir des indications sur une étiologie centrale ou vestibulaire périphérique.
Analyses de laboratoire
Si le délai le permet, une analyse de laboratoire effectuée par un médecin généraliste peut indiquer des causes possibles telles que l’hyponatrémie, l’hypoglycémie et l’anémie [5]. Les médecins de premier recours étant parfaitement informés sur les analyses de laboratoire, nous ne nous étendrons pas sur le sujet.
Thérapie
Si, sur la base de l’expérience du médecin généraliste et des “red flags” mentionnés, une étiologie centrale est suspectée, il convient de procéder rapidement à une hospitalisation avec les possibilités de traitement appropriées. En cas de suspicion d’AVC dans la fenêtre de lyse définie par l’hôpital de destination (p. ex. 4,5 heures), une alarme d’AVC doit être déclenchée et les services d’urgence et l’hôpital de destination doivent être informés en conséquence. De même, si d’autres causes nécessitent l’intervention de spécialistes (par exemple, des vertiges dans le cadre de troubles du rythme cardiaque récemment apparus et ne pouvant être traités par un médecin généraliste), il convient d’adresser le patient à un centre approprié. En cas de dysfonctionnement vestibulaire périphérique (par exemple, vertige positionnel paroxystique bénin), le positionnement du patient peut être effectué par les médecins de premier recours. Il convient de noter que, souvent, la position ne fait pas disparaître complètement les symptômes immédiatement et que les personnes concernées peuvent apprendre des manœuvres de positionnement par elles-mêmes. Une manœuvre pratique pour les médecins de premier recours et facile à apprendre pour les personnes concernées est la manœuvre de libération de Brandt-Daroff [10]. Des exercices illustrés par des personnes concernées sont disponibles en ligne. Par exemple, on trouve une explication simple, y compris Vidéo d’une personne concernée par la manœuvre de libération de Brandt Daroff sur Youtube.
Perspectives
De nombreux progrès ont été réalisés ces dernières années dans le domaine du diagnostic clinique des vertiges. Pour les spécialistes, des règles de décision clinique telles que HINTS ont été testées. Ils permettent une grande sensibilité et spécificité dans le diagnostic des vertiges en termes d’étiologie centrale ou vestibulaire périphérique [8,9]. La condition préalable est que les personnes concernées aient un nystagmus. Les examens doivent encore être validés auprès des médecins de premier recours. On peut imaginer qu’après une formation appropriée, ces derniers les utiliseront avec autant de succès que les spécialistes de la neurologie et de l’ORL.
Les auteurs préparent actuellement le sujet pour deux revues sur le diagnostic et le traitement des vertiges pour la revue Swiss Medical Weekly (“Dizziness in the emergency department : An update on diagnostics” et “Treatment of dizziness : An interdisciplinary update”). La date exacte de publication n’a pas encore été fixée.
Take-home-messages
- Les vertiges sont l’un des symptômes les plus fréquents dans la pratique de la médecine générale.
- L’anamnèse et l’examen clinique donnent souvent des indications sur l’étiologie (périphérique-vestibulaire, centrale, orthostatique).
- Les déficits fonctionnels vestibulaires périphériques peuvent parfois être traités avec succès par le positionnement dans le cabinet du médecin généraliste. Le positionnement peut être appris par les patients.
- En cas de “red flags”, une hospitalisation d’urgence doit être effectuée dans un hôpital disposant du répertoire nécessaire en termes de diagnostic et de traitement.
Littérature :
- Kroenke K, Mangelsdorff AD : Common symptoms in ambulatory care : incidence, evaluation, therapy, and outcome. Am J Med 1989 ; 86(3) : 262-266.
- Tarnutzer AA, et al : Does my dizzy patient have a stroke ? A systematic review of bedside diagnosis in acute vestibular syndrome. CMAJ 2011 ; 183(9) : E571-592.
- Edlow JA : Diagnostiquer la dzziness : nous enseignons le mauvais paradigme ! Acad Emerg Med 2013 ; 20(10) : 1064-1066.
- Lee H, et al : Infarctus du nodule mimant une vestibulopathie périphérique aiguë. Neurology 2003 ; 60(10) : 1700-1702.
- Rosin C, Bingisser R : Vertiges du point de vue des urgences. Ther Umsch 2013 ; 70(1) : 27-29.
- Chimirri S, et al : Vertigo/dizziness as a drugs’ adverse reaction. J Pharmacol Pharmacother 2013 ; 4(Suppl 1) : S104-109.
- Kothari RU, et al : Cincinnati Prehospital Stroke Scale : reproducibility and validity. Ann Emerg Med 1999 ; 33(4) : 373-378.
- Kattah JC, et al : HINTS to diagnosis stroke in the acute vestibular syndrome : three-step bedside oculomotor examination more sensitive than early MRI diffusion-weighted imaging. Accident vasculaire cérébral 2009 ; 40(11) : 3504-3510.
- Mantokoudis G, et al : Le gain VOR par vidéo-oculographie d’impulsion de la tête différencie la neurite vestibulaire aiguë de l’accident vasculaire cérébral. Otol Neurotol 2015 ; 36(3) : 457-465.
- Brandt T, Daroff RB : Traitement physique du vertige positionnel paroxystique bénin. Arch Otolaryngol 1980 ; 106(8) : 484-485.
PRATIQUE DU MÉDECIN DE FAMILLE 2017 ; 12(4) : 39-43