Les métastases osseuses du cancer du sein sont fréquentes. Les agents modificateurs de l’os (bisphosphonates, denosumab) sont associés au traitement systémique. Ils réduisent significativement les “événements liés au squelette”.
Pourquoi l’os en particulier ? En cas de progression du cancer du sein, les cellules tumorales se disséminent à partir de la tumeur primaire et sont généralement dormantes dans différentes régions (appelées “cellules dormantes”). Des phénomènes génétiques et épigénétiques sont tenus pour responsables de leur croissance en macrométastases. Il existe un tropisme spécifique pour ce que l’on appelle le “microenvironnement” de l’os. Les cellules cancéreuses détruisent alors l’équilibre physiologique entre la résorption et la formation osseuse. Il en résulte des lésions osseuses mixtes, principalement lytiques dans le cas du carcinome mammaire [1].
Les métastases osseuses du cancer du sein sont fréquentes : des études d’autopsie montrent qu’en cas de métastases, les os sont touchés dans près de 80% des cas. Une étude menée chez des patientes atteintes d’un cancer du sein en phase adjuvante (stades I-III) a montré qu’en moyenne 12% d’entre elles ont développé des métastases osseuses sur une période de suivi de 60 mois. Parmi les patientes dont la maladie était déjà métastasée à l’entrée dans l’étude, 58% (médiane) souffraient de métastases osseuses [2]. Ces chiffres mettent en évidence la fréquence et les souffrances associées aux métastases osseuses du cancer du sein. Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme dans le monde. En raison de l’évolution démographique, on s’attend à une nette augmentation du nombre de patientes atteintes d’un cancer du sein dans les années à venir. Aujourd’hui déjà, une patiente sur trois atteinte d’un cancer du sein est âgée de plus de 70 ans.
Prévisions
Les patientes présentant des métastases uniquement osseuses vivent en moyenne 24 à 55 mois [3]. Il n’est donc pas rare que des années de survie soient possibles, pendant lesquelles une prise en charge attentive contribue longtemps à une bonne qualité de vie. A la clinique, nous suivons souvent les patientes pendant de nombreuses années. Les évolutions favorables concernent surtout les femmes présentant une extension oligométastatique par rapport à des lésions osseuses multiples. Le délai après le traitement primaire jusqu’à l’apparition d’une métastase solitaire est plus long que dans le cas d’une métastase multitope. Dans le cas de lésions osseuses solitaires, on observe même parfois des rémissions complètes [4].
Les zones les plus fréquemment touchées sont la colonne vertébrale, les côtes, le bassin et les os longs. La majorité des patientes qui développent des métastases osseuses comme premier site de métastase souffrent de complications associées à l’os, telles que la douleur ou l’hypercalcémie et ce que l’on appelle les “événements liés au squelette” (SRE) [5]. Ces dernières incluent les fractures pathologiques, la compression spinale, la nécessité d’une radiothérapie et/ou d’une chirurgie. Les SRE sont associés à une augmentation significative de la morbidité et ont un impact décisif sur la survie globale – en présence de SRE, elle est encore d’environ sept mois [6]. La qualité de vie est sensiblement affectée par la douleur, la diminution de la mobilité et la réduction de la vie sociale (aperçu 1).
Diagnostic
Les troubles localisés du squelette nouvellement apparus chez les femmes ayant un cancer du sein connu doivent être rapidement examinés par imagerie (en général par tomodensitométrie, ou par IRM en cas d’indices de pathologie spinale) (fig. 1 et 2).
Thérapie
Les patientes présentant des métastases osseuses symptomatiques bénéficient d’une part d’un traitement systémique efficace, qui permet souvent de contrôler des métastases étendues. Dans le cas des tumeurs Her2-positives en particulier, il existe des combinaisons médicamenteuses (chimiothérapie/immunothérapie) très efficaces et bien tolérées en situation métastatique, qui agissent rapidement et efficacement. D’autre part, les radiothérapies locales ciblées peuvent constituer un excellent traitement de la douleur.
Si un os est déjà cassé ou menace de se casser, une intervention orthopédique de stabilisation doit être évaluée. En général, la région est encore irradiée en postopératoire. Cela doit être évalué à chaque fois de manière interdisciplinaire, car la radiothérapie peut parfois retarder le début d’une chimiothérapie efficace.
Les déficiences neurologiques dues à une compression spinale sont considérées comme des urgences et nécessitent une action rapide de décompression. Une imagerie par IRM “long spine” doit être réalisée en vue d’une décompression neurochirurgicale immédiate. Si l’intervention chirurgicale n’est pas réalisable, la radiothérapie, initiée en urgence, est le traitement de choix.
Utilisation d’agents modificateurs d’os (BMA)
Les bisphosphonates sont structurellement des analogues des pyrophosphates endogènes, plusieurs sont autorisés dans cette indication (zolédronate, ibandronate, clodronate). Ils sont à notre disposition depuis bientôt 20 ans. Ils réduisent efficacement les complications liées aux métastases osseuses (douleur, hypercalcémie) tout en étant bien tolérés.
Le dénosumab (Xgeva® 120 mg s/c par mois) est un anticorps monoclonal qui se lie au RANKL (“receptor activator of nuclear factor κB ligand”), ce qui inhibe l’activité des ostéoclastes et réduit les autres destructions médiées par le cancer. Une grande étude de phase III a montré une amélioration des “skeletal-related events” par rapport au zolédronate [7]. Le profil d’effets secondaires est également favorable (très faible néphrotoxicité, quasiment aucune réaction de phase aiguë après l’application, rare apparition d’ostéonécroses de la mâchoire, administration sous-cutanée). En raison de la survenue fréquente d’hypocalcémies, une supplémentation en calcium et en vitamine D3 est recommandée sous dénosumab.
Combien de temps les BMA doivent-ils être utilisés ?
La question de la durée du traitement et de l’intervalle d’application est pressante pour tous les cliniciens. On sait que plus la durée d’utilisation est longue, plus le risque d’ostéonécrose de la mâchoire augmente. Pour le zolédronate au moins (4 mg en 15 minutes i.v.), il existe des données montrant que l’intervalle de trois mois n’est pas moins efficace que l’intervalle mensuel en termes de réduction de l’ERS, et ce avec une différence de coût significative. Dans une analyse qui n’était pas soutenue par des produits pharmaceutiques, le coût des médicaments, l’application et le SRE ont été examinés. Le coût du dénosumab par rapport au zolédronate à trois mois a été multiplié par neuf et les années de vie ajustées en fonction de la qualité étaient pratiquement identiques [8,9]. Actuellement, l’intervalle prolongé est également étudié pour le denosumab dans le cadre d’une étude du SAKK (Groupe suisse de recherche clinique sur le cancer) en collaboration avec d’autres pays. Ce qui est remarquable dans ce protocole d’étude, c’est qu’il n’est pas sponsorisé par l’industrie pharmaceutique, mais qu’il a été cofinancé par les caisses d’assurance maladie.
Un résumé du traitement des métastases osseuses est présenté sur 2.
Messages Take-Home
- Les patientes atteintes d’un cancer du sein et de métastases osseuses ont souvent une espérance de vie de plusieurs années, et ce avec une bonne qualité de vie.
- Un traitement efficace de la tumeur est crucial et considéré comme une prévention contre les complications (douleur, fractures, etc.). La chirurgie et la radiothérapie sont d’autres piliers thérapeutiques.
- Les agents modificateurs de l’os (bisphosphonates, denosumab) sont associés au traitement systémique et réduisent les événements liés au squelette.
- significatif.
- Une déséchelle (zolédronate trois fois par an au lieu d’une fois par mois) devrait être envisagée, des données sur l’intervalle prolongé sous dénosumab suivront (étude SAKK 96/12).
Littérature :
- Kang Y : De nouvelles astuces contre un vieil ennemi : la dissection moléculaire du tropisme tissulaire métastatique dans le cancer du sein. Breast Dis 2006-2007 ; 26 : 129-138.
- Body JJ, et al : Systematic review and meta-analysis on the proportion of patients with breast cancer that develop bone metastases. Reviews in Oncology/Hematology 2017 ; 115 : 67-80.
- Ahn SG, et al : Facteurs pronostiques pour les patients atteints de métastases osseuses dans le cancer du sein. Yonsei Med J 2013 ; 54 : 1168-1177.
- Koizumi M, et al : Comparaison entre les lésions métastatiques squelettiques solitaires et multiples de patients atteints de cancer du sein. Ann Oncol 2003 ; 14 : 1234-1240.
- Coleman RE : Caractéristiques cliniques de la maladie osseuse métastatique et risque de morbidité squelettique. Clin Cancer Res 2006 ; 12 : 6243s-6249s.
- Yong M, et al : Survival in breast cancer patients with bone metastases and skeletal-related events : a population-based cohort study in Denmark (1999-2007). Breast Cancer Res Treat 2011 ; 129 : 495-503.
- Stopeck AT, et al : Dénosumab comparé à l’acide zolédronique pour le traitement des métastases osseuses chez les patients atteints de cancer du sein en phase avancée : une étude randomisée en double aveugle. JCO 2010 ; 28 : 5132-5139.
- Himelstein AL, et al : A randomized phase III study of standard dosing vs. longer interval dosing of zoledronic acid in metastatic cancer CALGB 70604 (Alliance). JCO 2015 ; 33(15 suppl) : 9501.
- Shapiro CL, et al. : Cost-effectiveness analysis of monthly zoledronic acid, zoledronic acid every 3 months, and monthly denosumab in women with breast cancer and skeletal metastases : CALGB 70604 (Alliance). JCO 2017 ; 35 : 3949-3955.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2018 ; 6(5) : 5-7