La communication est l’un des facteurs les plus importants dans la relation médecin-patient. La qualité de vie, la prise de décision et l’adhésion des patients dépendent souvent des compétences de communication du médecin. De plus, une relation médecin-patient étroite est la meilleure protection contre le suicide. Comment une communication réussie peut-elle se présenter – en particulier dans des situations émotionnellement chargées ?
Il n’est pas toujours facile de trouver le ton juste en tant que praticien, surtout dans une situation chargée d’émotions pour les patients. Il ne s’agit pas nécessairement des mots choisis ou du son de la voix. Les différences de points de vue sur le traitement, par exemple, peuvent à elles seules transformer le dialogue médecin-patient en un exercice de haute voltige. Alors que le médecin se concentre sur le meilleur traitement possible, la motivation du patient et son adhésion au traitement, la personne concernée privilégie des thèmes tels que la sécurité, la qualité de vie et l’espoir. Il est alors difficile de concilier tous les besoins. Surtout si l’on considère que le temps est une ressource rare. Les compétences en communication sont donc essentielles pour renforcer la relation avec les patients et leurs proches, promouvoir la qualité de vie des personnes concernées et aider à la prise de décision concernant le traitement.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance de la communication et de sa propre attitude envers le patient. Lorsque l’incertitude et l’anxiété deviennent trop importantes, un entretien peut apporter de la sécurité et du soutien. Pour cela, il est indispensable d’aller chercher la personne concernée là où elle se trouve. Quelle est sa compréhension de la maladie jusqu’à présent ? Quels sont ses espoirs, ses souhaits, ses conditions de vie ? Mais il est également important de savoir, par exemple, qui veut la thérapie. S’agit-il de la personne concernée elle-même ou plutôt de ses proches ? Existe-t-il un “pour quoi” suffisant ? La question du besoin de sécurité doit également être abordée afin de pouvoir finalement mettre en place une gestion thérapeutique adaptée. Par la suite, un bon suivi de la qualité de vie est indiqué afin de pouvoir réagir rapidement à d’éventuelles restrictions. Si des troubles apparaissent, si le patient est inquiet ou se débat avec son destin, il doit être pris au sérieux. Pour cela, il pourrait être intéressant de s’intéresser à la communication attentive. Des études ont révélé qu’un lien durable et de qualité entre le patient et son oncologue offre une meilleure protection contre les pensées suicidaires que toutes les autres réalisations dans le domaine de la santé mentale, y compris les médicaments psychotropes [1]. En revanche, la probabilité qu’un patient envisage de se suicider ou meure par suicide augmente s’il se sent abandonné et sans soins [2]. La satisfaction et l’adhésion des patients dépendent donc de manière cruciale du dialogue médecin-patient. Dans ce contexte, les compétences en communication sont généralement la clé du succès. Quelques astuces simples peuvent optimiser la conversation.
Règles de base en matière de communication |
Créer de bonnes conditions d’entretien : passer en revue attentivement les résultats au préalable, puis attirer l’attention sur le patient et, le cas échéant, lui demander des explications. impliquer les proches. |
Introduire le sujet : initier à la discussion, donner le temps de s’armer, évaluer les connaissances préalables, signaler la disponibilité à la discussion et le soutien. |
Communiquer le diagnostic : Adapter le choix des mots au patient, clarifier le niveau d’information, laisser les émotions s’exprimer, supporter le silence, écouter activement. |
Encourager les questions : aborder les questions qui ne sont pas posées. |
Vous me comprenez ?
Chacun n’entend que ce qu’il comprend. Aussi absurde que cette phrase puisse paraître à première vue, elle contient une grande part de vérité. Si le patient ne peut pas suivre les explications du médecin, le risque que le traitement ne soit pas appliqué comme il le souhaite est très élevé. La non-conformité est un problème très répandu. La moitié des médicaments ne sont en fait pas pris correctement – principalement parce que les patients émettent des réserves sur le traitement. Pourtant, celles-ci sont rarement adressées au médecin. De même, la responsabilité est souvent reportée sur le médecin. Que faut-il donc faire pour que le traitement soit plus efficace ? Une étude a révélé que les compétences en communication du médecin sont corrélées à la satisfaction des patients par un facteur de 0,71 [3]. L’un des éléments clés est l’attention et la valorisation, car cela conduit directement à une augmentation de l’estime de soi du patient. De plus, le patient doit être bien informé et participer au processus de décision concernant la gestion du traitement.
Un bon sentiment dès le début
Le patient doit donc être au centre de l’intérêt et de la communication. Prenez des décisions de manière participative et dans le cadre d’un processus de concertation mutuelle [4]. Toutefois, les bases d’un entretien positif sont posées dès la première prise de contact. C’est pourquoi les experts recommandent d’aller chercher le patient lui-même dans la salle d’attente. Le contact visuel et l’écoute se sont avérés être d’autres paramètres importants. Pour de nombreux patients, il est important de pouvoir se confier dès la première minute. Un début de conversation ouvert, comme “Racontez s’il vous plaît….”, ouvre l’espace de discussion dans lequel le malade peut exprimer ses besoins sans être dirigé dans une direction particulière. En moyenne, les médecins interrompent leurs patients après 11 à 24 secondes [5]. Cela peut entraîner la perte d’informations importantes. En effet, il est fréquent que les personnes concernées ne commencent pas leur entretien par le symptôme le plus pénible, mais le gardent pour la fin [6]. Et l’expérience montre que les patients qui ne sont pas interrompus ont généralement terminé leur exposé au bout de 60 à 90 secondes de toute façon.
Créer une base sûre
Il est également important de garder à l’esprit que la communication n’a pas pour but de résoudre immédiatement tous les problèmes. Il s’agit plutôt de créer une base sûre et compétente pour la thérapie. Il ne faut pas sous-estimer le risque de dégénérescence des contenus. Il peut y avoir de grandes différences entre ce que le médecin pense, ce qu’il dit et ce que le patient comprend. La paraphrase et le résumé permettent de s’assurer que le médecin et le patient parlent de la même chose. De plus, il est important de faire des pauses pour permettre à la personne concernée d’assimiler ce qu’elle a entendu. Les questions de complétion permettent d’associer les plaintes à un tableau clinique. Là encore, la règle d’or est de poser des questions ouvertes plutôt que fermées. Ces derniers ne devraient être utilisés délibérément qu’à la fin de l’anamnèse, lorsque la focalisation devient plus étroite. Ensuite, on passe d’un entretien centré sur le patient à un entretien centré sur le médecin, ce qui met en évidence l’élément participatif fondamental de la relation. En effet, la prise de décision participative est définie comme un “processus d’interaction visant à parvenir à un accord dont la responsabilité est partagée, avec la participation active et égale du patient et du médecin, sur la base d’informations partagées” [7].
Diminution de la capacité d’absorption dans des situations stressantes
En moyenne, les gens peuvent mémoriser sept nouvelles informations. Cependant, dans une situation de stress émotionnel, la capacité d’absorption est réduite au minimum. Cela pourrait expliquer le fait que 93% de toutes les personnes concernées souhaitent être informées, mais que seulement 18% se sentent bien informées [8]. Par conséquent, les informations pertinentes pour le patient doivent être résumées à la fin de l’entretien. De plus, il faut toujours demander ce qui est retenu de cette conversation. Il s’agit d’atténuer les exagérations négatives du patient et de lui montrer les possibilités d’évolution positive. C’est ce que l’on appelle l’effet de cadrage. La simple reformulation donne un sens différent aux mêmes faits. Explication à l’aide d’un exemple simple : dans la perception, il y a une différence entre un yaourt composé de 5% de matières grasses et un yaourt sans matières grasses à 95%. Ou la façon de voir si un verre est à moitié plein ou à moitié vide. L’entretien doit donc prendre les craintes au sérieux, mais aussi montrer les possibilités de développement. Ainsi, “Vous n’avez rien à craindre. Il n’y a pratiquement jamais eu d’effets secondaires. Je ne vois pas pourquoi vous devriez vous inquiéter. N’y pensez pas trop….” peut être mieux formulé en disant par exemple : “Votre inquiétude est compréhensible. C’est le cas de beaucoup de mes patients au début. Mais vous verrez qu’il s’agit d’un produit bien toléré. Je le donne souvent avec succès. Vous vous sentirez nettement mieux et vous pourrez à nouveau apprécier les choses qui vous font plaisir…”. Une belle question directrice peut en outre être, à la fin d’un entretien, de réfléchir au déficit de connaissances qui pourrait nuire au patient jusqu’au prochain contact.
Une structure claire pour plus de sécurité
Il s’est avéré utile de suivre une structure claire, de la description de la situation à la clarification du mandat de traitement, en passant par la définition des priorités, le traitement de la maladie et l’examen des ressources, afin de soutenir au mieux le patient. Dans toute communication médecin-patient, le problème de la “perte du silence” peut survenir : Il peut y avoir une grande différence entre ce que le médecin veut dire et ce qu’il dit, il faut en être conscient. Ce que le patient entend et ce qu’il comprend réellement peut être très différent du message initial (figure 1). C’est pourquoi il est non seulement utile, mais nécessaire, de se limiter à quelques informations pertinentes et d’être aussi clair que possible dans la transmission du message.
Quand le monde est à l’envers
Ce qu’il faut toujours garder à l’esprit : c’est une phrase – et le monde du patient s’écroule. La plupart des gens sont pris au dépourvu lorsqu’ils apprennent qu’ils sont atteints d’une maladie potentiellement mortelle ou invalidante, ce qui les laisse dans l’incertitude et l’angoisse. Pour le patient, c’est toute sa vie qui change avec la maladie. Il est donc indispensable d’adopter une approche prudente et adaptée à la personne concernée (tableau 1). Dans cette phase de vulnérabilité, une relation médecin-patient renforcée est d’autant plus importante. Le diagnostic est souvent suivi d’une dépendance immédiate aux prestataires de soins médicaux, souvent associée à un activisme sauvage. Il est maintenant important de prêter attention aux sons faibles et de lire entre les lignes. En particulier, des sujets tels que la peur de la douleur, la situation familiale et le fardeau des proches, les expériences antérieures de la maladie ou, plus tard, la peur de la récidive sont des sujets qui doivent être abordés, mais qui ne sont pas toujours abordés par la personne concernée.
Faire attention à ses propres besoins
Être le porteur de mauvaises nouvelles est également stressant pour le médecin. D’un côté, il faut évaluer la situation de manière professionnelle et agir en conséquence. D’un autre côté, on est aussi un être humain avec des sentiments et de l’empathie, ce qui doit aussi être adressé. Le patient est en crise. Celle-ci est définie comme “une surcharge aiguë d’un système habituel de comportement et d’adaptation” [9]. Ce qui suit est un état de choc qui, outre un sentiment intense de menace, provoque un déséquilibre mental. Néanmoins, il y a une pression pour agir. Ce n’est pas une situation facile. Rougissement, transpiration, tachycardie, pâleur et nausées peuvent alors survenir, tout comme une surexcitation, une irritabilité accrue et des sautes d’humeur importantes. Si le patient se défoule sur vous, il est essentiel de réaliser que cela n’a rien à voir avec vous en tant que porteur du message. Ce n’est pas pour rien qu’on exécutait autrefois les porteurs de mauvaises nouvelles. Celui qui fait preuve de compréhension s’approche généralement mieux du patient que celui qui repousse la réaction.
Mais pour beaucoup, l’horreur sans voix ou les pleurs sont encore plus difficiles à supporter que les comportements agressifs. Même si le sentiment de vouloir aider est compréhensible, il n’est pas possible. Les platitudes n’ont pas leur place en ce moment. Vous pouvez souvent montrer votre compassion simplement en tendant un mouchoir à la personne concernée. Proposez également d’être disponible à tout moment pour un entretien en cas de besoin. En général, cette situation de stress aigu dure de plusieurs heures à trois jours maximum. Si les symptômes persistent, le patient ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face à la situation. Le sentiment d’impuissance et de perte de contrôle prend le dessus. Des stratégies d’adaptation doivent alors être proposées afin de surmonter la crise.
Un guide d’entretien pour vous aider
L’un des guides d’entretien les plus populaires, spécialement conçu pour l’oncologie, est le protocole SPIKES (tableau 2) [10]. Il a pour but de permettre au médecin de remplir les quatre objectifs principaux de l’entretien d’annonce de mauvaises nouvelles : recueillir des informations auprès du patient, communiquer les informations médicales, soutenir le patient et obtenir la coopération du patient pour élaborer une stratégie ou un plan de traitement pour l’avenir. Même en cas de mauvaises nouvelles, une bonne communication a une influence positive sur la réceptivité, la satisfaction du patient, l’adhésion et donc sur le succès du traitement. L’amabilité, l’intérêt et la domination modérée du médecin se sont révélés particulièrement positifs [11].
Le patient difficile
Le patient ne réagit pas toujours comme le médecin l’attend. L’ensemble des processus peut alors être ébranlé, car il faut plus de temps, d’énergie et d’attention. Les scientifiques ont vérifié différents types de patients qui ont développé des stratégies individuelles pour être perçus en tant qu’individus et bénéficier d’un soutien émotionnel (tableau 3). En principe, plus l’estime de soi est faible, plus la vulnérabilité est grande. C’est pourquoi il est essentiel que le médecin réagisse avec calme et habileté, surtout dans ce cas.
Apprendre à comprendre le langage non verbal
Plus de 90% de notre impact communicatif ne provient pas de nos mots. Elle résulte plutôt du langage corporel, des gestes, des mimiques, du rythme et de la hauteur de la voix [12]. En s’exerçant, on peut certes parvenir à paraître ouvert, calme et à l’écoute à l’extérieur, alors qu’on bouillonne à l’intérieur. Mais les signaux non verbaux ne deviennent convaincants que si nous pensons effectivement de manière valorisante. Un état de curiosité réceptive peut être utile dans ce cas. Au lieu de s’offusquer d’une réaction, on peut se demander comment et sur quelle base elle a bien pu se produire. En adoptant une attitude d’observation, on se sent moins facilement attaqué personnellement. En fin de compte, le comportement dépend moins de la situation objective que de son interprétation. Sur la base de son propre vécu et de ses expériences, il émet des hypothèses sur la manière dont une situation va se dérouler. C’est pourquoi deux personnes dans la même situation peuvent réagir différemment.
Messages Take-Home
- La communication est l’un des facteurs les plus importants dans la relation médecin-patient.
ratio. - La qualité de vie, la prise de décision et l’adhésion dépendent souvent de
les compétences en communication du médecin. - Une relation médecin-patient étroite est la meilleure protection contre le suicide.
- Les compétences en communication jouent généralement un rôle plus important que l’expérience clinique du médecin.
- L’attention et l’estime créent la confiance.
- Les pauses dans la conversation permettent au patient de suivre mentalement.
- Les situations émotionnelles affectent la capacité d’absorption.
Littérature :
- Trevino KM, Abbot CH, Fish MJ et al. Alliance patient-oncologue comme protection contre les idées suicidaires chez les jeunes adultes atteints d’un cancer avancé. Cancer 2014 ; 120 : 2272-2281.
- Allebeck P, Bolund C. Suicides et tentatives de suicide chez les patients cancéreux. Psychol Med 1991 ; 21 : 979-984.
- Langewitz W, Denz M, Keller A, et al : Temps de parole spontané au début de la consultation en clinique externe : étude de cohorte. BMJ 2002 ; 325(7366) : 682-683.
- Stewart MA, Brown JB, Weston WW, et al : Patient-centered medicine : Transforming the clinical method. Deuxième édition. Int J Integr Care 2005 ; 5 : e20.
- Wilm S, Knauf A, Peters T, Bahrs O : Quand le médecin généraliste interrompt-il ses patients au début de la consultation ? Z Allg Med 2004 ; 80 : 53-57.
- Burack RC, Carpenter RR : The predictive value of the presenting complaint. The Journal of Family Practice 1983 ; 16(4) : 749-754.
- Bieber C, Gschwendtner K, Müller N, Eich W. Prise de décision participative (PEF) – le patient et le médecin en tant qu’équipe. Psychother Psych Med 2016 ; 66 : 195-207.
- Ochsner KN, Gross JJ, et al : Cognitive Emotion Regulation : Insights from Social Cognitive and Affective Neuroscience. Curr Dir Psychol Sci 2008 ; 17(2) : 153-158.
- Simmich T, Reimer C : Aspects psychothérapeutiques de l’intervention de crise. Une revue de la littérature avec une attention particulière pour les 10 dernières années. Psychothérapeute 1998, 43 : 143-156.
- Baile WF, Buckman, Lenzi R, et al : SPIKES-A six-step protocol for delivering bad news : application to the patient with cancer. Oncologist 2000 ; 5 : 302-311.
- Swedlund MP, et al : Effet du style de communication et des relations entre le médecin et la famille sur la satisfaction vis-à-vis des soins des maladies chroniques pédiatriques. Health Commun. 2012 ; 27 : 498-505.
- Ehlich K, Rehbein J : Modèle et institution : recherches sur la communication scolaire. 1986.
InFo ONKOLOGIE & HÉMATOLOGIE 2023 ; 11(5) : 12-16